Les vacances sont terminées et nos élèves vont retrouver l’ambiance des classes, des cours et des laboratoires. Or, la rentrée (2025-2026) risque d’être différente pour des jeunes, très portés sur les innovations numériques, particulièrement sur ce qui se fait avec l’Intelligence artificielle (IA) qui est en train d’envahir l’univers scolaire et face à laquelle les enseignants et tous ceux qui conçoivent les programmes scolaires doivent faire attention et agir de manière à préserver l’aspect humain du savoir.
D’ailleurs, face au développement rapide de l’intelligence artificielle, en particulier des outils génératifs, le ministère de l’Éducation vient d’élaborer un cadre éthique et juridique destiné à guider leur utilisation à l’école. Ce cadre, dont le texte a été conçu à l’issue d’une consultation nationale menée entre janvier et mai 2025, vise à apporter des réponses claires aux enseignants, élèves et personnels administratifs quant à la manière de traiter avec ce nouveau phénomène qu’est l’IA.
Commençons par tout ce qui est positif dans ce nouveau monde du savoir. L’IA offre, à n’en pas douter, de nombreuses potentialités pédagogiques. Elle aide à la préparation des cours, l’adaptation des contenus aux besoins spécifiques des élèves, la correction et le retour personnalisé, ainsi que la simplification des tâches administratives. Les élèves, eux, l’utilisent déjà pour réviser, approfondir leurs connaissances ou, parfois, contourner l’effort scolaire en déléguant leurs devoirs, ce qui donne déjà des soucis.
Toutefois, l’IA suscite aussi de fortes inquiétudes : atteintes possibles à la protection des données personnelles et discriminations reproduites par les algorithmes, risques d’«hallucinations» ou d’erreurs factuelles, impact environnemental lié à la consommation énergétique et remise en cause de certains fondamentaux pédagogiques comme la valeur du travail personnel et du raisonnement.
Les règles établies par le code
C’est pour cette raison que ce code insiste sur le fait que l’école doit jouer un rôle central dans cette transformation en donnant aux élèves les clés de compréhension de ces technologies. Dès le primaire, un socle de connaissances est introduit pour développer un esprit critique. À partir de la 4e, un usage limité et encadré des IA génératives est autorisé, tandis qu’au lycée, leur utilisation autonome est permise dans des contextes pédagogiques définis.
Ce cadre fixe plusieurs lignes rouges :
*Données personnelles : aucune information sensible ou confidentielle ne doit être saisie dans des IA grand public.
*Transparence : tout recours à l’IA doit être signalé, avec mention de l’outil utilisé.
*Esprit critique : les résultats fournis doivent toujours être vérifiés et confrontés à d’autres sources.
*Impact écologique : privilégier les usages réellement pédagogiques et éviter les solutions énergivores quand des alternatives existent.
*Éthique scolaire : l’utilisation d’IA génératives pour les devoirs sans autorisation est assimilée à une fraude.
Ce cadre rappelle également que l’IA ne doit être employée que lorsqu’une réelle plus-value pédagogique est identifiée. Elle doit servir les apprentissages et l’action des enseignants, tout en respectant les valeurs fondamentales de l’École de la République.
L’UNESCO insiste sur l’approche humaniste
L’intelligence artificielle (IA) offre des potentialités pour relever nombre de défis majeurs dans l’éducation, innover dans les pratiques d’enseignement et d’apprentissage et accélérer les progrès des connaissances des élèves. Cependant, les évolutions technologiques rapides engendrent inévitablement de multiples risques et défis, car leur rythme a jusqu’à présent dépassé celui des débats politiques et des cadres réglementaires. Partant de cette réalité, l’UNESCO appelle intrinsèquement à une approche humaniste de l’IA. Ce rappel a pour but d’inclure le rôle de l’IA dans le traitement des inégalités actuelles en matière d’accès aux connaissances, à la recherche et à la diversité des expressions culturelles et de faire en sorte que l’IA ne creuse pas les fossés technologiques au sein même des pays et entre les pays. La promesse de «l’IA pour tous» doit permettre à chacun de bénéficier de la révolution technologique en cours et d’accéder à ses fruits, notamment en termes d’innovation et de connaissances.
De même, les réglementations ne suffisent pas à elles seules à faire de l’IA un bien commun pour l’éducation et l’humanité. Tous les citoyens doivent posséder un certain niveau d’alphabétisation en matière d’IA, qui touche aux valeurs, aux connaissances et aux compétences liées à l’IA.
Ce rapport présente les principales conclusions et recommandations tirées de l’enquête mondiale de l’UNESCO sur les programmes d’enseignement de l’IA de la maternelle à la 12e année. Il révèle que seuls onze pays ont élaboré et validé des programmes d’IA dans l’enseignement primaire et secondaire et que quatre autres pays ont des programmes d’IA en cours d’élaboration. Il ressort de ce constat un appel pressant aux États membres pour qu’ils élaborent des programmes d’enseignement de l’IA à destination des enfants et des adolescents concernés et qu’ils mettent en place des mécanismes plus solides pour valider les programmes non gouvernementaux, afin d’harmoniser les approches privées.
Le rapport révèle également que les résultats d’apprentissage des programmes d’IA doivent être davantage axés sur la promotion de la créativité dans l’élaboration des technologies d’IA et sur l’éthique contextuelle. La formation des enseignants est essentielle pour garantir la mise en œuvre des programmes d’IA. Les enseignants doivent être formés à la conception et à la facilitation de l’apprentissage par projet, qui est la méthodologie pédagogique la plus couramment utilisée dans les programmes d’IA existants.
Le rôle prépondérant des enseignants
Avec l’intelligence artificielle qui est en train de transformer l’éducation, l’UNESCO appelle à ce que les enseignants et enseignantes soient au centre de ce changement. L’avenir de l’éducation commence avec les enseignants et enseignantes. Ce sont eux qui donnent vie à l’apprentissage. Ils construisent des liens humains qu’aucun dispositif ne peut reproduire. Ils aident les étudiants à développer des compétences qu’aucune machine ne peut enseigner, telles que la pensée critique, le raisonnement éthique, l’intelligence émotionnelle et le sentiment d’appartenance sociale.
C’est pourquoi l’UNESCO souligne que, même si l’IA peut soutenir l’éducation, le personnel enseignant doit rester au centre, guidant les apprenants avec l’empathie, la créativité et le jugement qu’aucune machine ne peut remplacer.
En Tunisie, l’accès à cette fameuse Intelligence artificielle doit se faire avec beaucoup de précaution et de savoir-faire pour qu’elle soit utile et qu’elle éclaire les esprits plus qu’elle ne le fait pour mener l’apprenant loin des véritables raisons de son apprentissage. Le ministère a déjà balisé la route en attendant de nouvelles recommandations et la balle est, désormais, dans le camp des enseignants, des élèves et des… parents.
Kamel ZAIEM
