Dans un contexte marqué par les difficultés économiques, l’inflation tenace (quoiqu’elle ait un peu reculé), le Président de la République, Kaïs Saïed, a réaffirmé avec force son attachement à l’idée d’un État social. Un État qui garantit à chaque citoyen l’accès aux besoins essentiels et qui place la dignité humaine au cœur de son action. Pour de nombreux Tunisiens, ce discours représente à la fois une promesse d’espoir et une interrogation sur sa traduction concrète dans la vie quotidienne.
À plusieurs reprises, le Chef de l’État a rappelé que la construction d’un État social ne pouvait être remise en question, affirmant qu’il s’agit d’un choix irréversible. Cet engagement s’inscrit dans une vision plus large qui consiste à replacer l’être humain au centre des politiques publiques. Il ne s’agit pas seulement de gérer une crise conjoncturelle, mais de redonner une dimension équitable et solidaire à l’action publique.
Ce rappel intervient alors que les familles tunisiennes subissent de plein fouet la hausse des prix des denrées alimentaires, l’augmentation du coût de l’énergie et les tensions sur le marché de l’emploi. Dans ce contexte, l’idée d’un État protecteur et présent auprès des citoyens résonne comme une nécessité.
Des mesures sociales déjà mises en avant
L’État tunisien, ces dernières années, a maintenu plusieurs mécanismes de soutien social, en particulier à travers les subventions sur des produits de base comme le pain, les pâtes, le sucre ou l’huile végétale. Ces aides, bien qu’imparfaites, contribuent à préserver le pouvoir d’achat des ménages les plus vulnérables. Par ailleurs, des programmes d’assistance directe existent pour les familles à faible revenu, les personnes âgées sans ressources et les enfants en situation de handicap. Ces dispositifs visent à éviter que les catégories les plus fragiles ne soient totalement exclues du tissu social et économique. Dans le domaine de la santé, malgré les difficultés liées aux pénuries de médicaments ou au manque d’équipements dans certains hôpitaux, le pays continue de proposer des soins accessibles grâce à son système public, qui reste l’un des piliers de l’État social.
Des défis structurels
Si les promesses et certains mécanismes existent, leur mise en œuvre se heurte à des défis importants. La première difficulté est d’ordre budgétaire. Les finances publiques sont soumises à une forte pression, notamment en raison de la dette, du déficit budgétaire et des besoins croissants en financement. Dans ce contexte, maintenir un haut niveau de subventions et d’aides sociales nécessite un équilibre délicat. Un deuxième défi réside dans l’efficacité des mécanismes existants. Les aides ne bénéficient pas toujours de manière ciblée aux populations qui en ont le plus besoin. Des efforts de réforme et de digitalisation des bases de données sociales sont déjà en cours afin de mieux identifier les bénéficiaires et d’éviter les doublons. Enfin, le marché de l’emploi, malgré certaines améliorations ponctuelles, reste marqué par un chômage élevé, en particulier chez les jeunes diplômés. L’État social ne peut se limiter aux aides financières : il doit aussi offrir des perspectives d’avenir à travers la création d’emplois durables et la valorisation des compétences locales.
Dans les rues, dans les marchés et dans les cafés, les citoyens expriment leurs attentes vis-à-vis de l’État. Ils espèrent une protection réelle contre la hausse du coût de la vie, une éducation de qualité pour leurs enfants, un système de santé fiable et des opportunités d’emploi stables. Pour beaucoup, l’État social doit se traduire par des actions visibles et tangibles. En même temps, une partie de la population est consciente des contraintes financières qui limitent la marge de manœuvre du gouvernement. C’est pourquoi l’équilibre entre promesses et faisabilité reste au centre du débat.
Des pistes pour renforcer l’État social
Plusieurs chantiers sont actuellement ouverts. Le gouvernement a lancé des programmes de partenariat avec des organismes internationaux afin de financer des projets sociaux et d’investissement. La digitalisation des services publics est également une priorité, car elle permet de réduire les coûts et d’améliorer la transparence dans la distribution des aides. Dans le domaine de l’emploi, de nouveaux programmes de formation professionnelle visent à rapprocher les jeunes du marché du travail, notamment dans les secteurs de la mécanique, des technologies de l’information et de l’énergie. De telles initiatives s’inscrivent dans une logique de renforcement de l’État social, car elles offrent une alternative durable à la simple assistance financière.
L’État social prôné par le Président de la République représente une promesse forte dans un contexte de crise. Les mécanismes de soutien existants témoignent d’une volonté de protéger les citoyens, mais la réalité économique impose des choix parfois difficiles. Plutôt que de voir dans cette vision un simple slogan, il convient de l’appréhender comme un chantier de long terme. La Tunisie dispose d’atouts : une société civile engagée, une jeunesse dynamique et des compétences reconnues. Mais pour que l’État social devienne une réalité palpable, il faudra conjuguer volonté politique, réformes structurelles et mobilisation des ressources nationales et internationales.
L’équation est complexe, mais l’enjeu est vital : préserver la cohésion sociale et garantir à chaque citoyen les conditions minimales d’une vie digne. En cela, l’État social n’est pas seulement une promesse, mais une direction incontournable pour l’avenir du pays.
Leila SELMI
