Comme c’est souvent le cas quand il s’agit de médecine, la Tunisie semble hautement connectée avec les dernières nouveautés en matière de télémédecine qui commence à s’installer dans nos hôpitaux. Du coup, les bonnes performances commencent à se succéder, mais il va falloir ouvrir les yeux et respecter les règles pour éviter les abus et leurs fâcheuses conséquences.
La télémédecine est la médecine à distance. Par le moyen de réseaux des télécommunications (téléphone, lignes spécialisées, satellites, etc.), des médecins échangent des informations, effectuent des consultations, interprètent des images médicales ou guident des interventions médicales à distance. Cette technologie permet d’abolir les distances et d’éviter le déplacement des experts et, surtout , des malades.
Dans certains cas, comme la surveillance à domicile, d’autres avantages sont recherchés : éviter l’hospitalisation, laisser le patient, la femme enceinte ou la personne âgée dans un environnement favorable tout en étant sous contrôle médical.
La télémédecine entrant dans le cadre global du système e-santé est apparue dans le monde entier depuis des décennies. Cet outil de travail a été entamé par les médecins urgentistes des structures hospitalières sur place «intra muros» et mobiles du SAMU et du SMUR dans le cadre de la régulation médicale. Rapidement et avec l’évolution de la société, des technologies, des spécialités médicales et de la pratique médicale, cette technique, ainsi que la télé-radiologie ont pris de l’ampleur, surtout avec l’avènement des NTIC, mais également les téléconsultations et les télé-expertises médicales qui sont en train de gagner du terrain.
De plus en plus de régions impliquées dans la télémédecine
En Tunisie, nous assistons à une généralisation de cette télémédecine qui touche, déjà, plusieurs hôpitaux régionaux, en plus des CHU. D’ailleurs, au cours du mois d’août 2025, le ministère de la Santé a annoncé la mise en œuvre réussie des services du centre médical à distance, une première expérience, avec la diffusion des images de scanner de trois patients de l’hôpital régional de Tabarka. Une autre expérience réussie a été menée le lendemain, avec plus de dix examens médicaux à distance effectués pour des patients de l’hôpital local de Chebika (Kairouan). Le ministère a ajouté que ce centre médical à distance permettra aux citoyens des régions intérieures d’éviter les longs trajets, de réduire les temps d’attente et d’accélérer le diagnostic en connectant les établissements de santé aux technologies modernes et aux techniques d’intelligence artificielle. Ces technologies rapprocheront les services de santé des citoyens, où qu’ils se trouvent, et tireront parti de l’intelligence artificielle et de la technologie pour améliorer le système de santé.
De même, les services de radiologie du CHU de Médenine, de l’hôpital de Djerba et de celui de Ben Guerdane sont désormais connectés au réseau national de la télémédecine dont la plateforme se trouve à l’hôpital numérique de Tunis. C’est ce que nous apprend un communiqué rendu public en milieu de semaine passée par le ministère de la Santé.
Il faut également rappeler que les équipes médicales de l’hôpital régional de Tozeur ont réussi, il y a quelques mois, à traiter un cas d’AVC chez une patiente âgée de 65 ans en utilisant la télémédecine. Cette intervention a été réalisée grâce à une collaboration entre l’hôpital régional de Tozeur, les services spécialisés de l’hôpital universitaire de La Rabta et l’hôpital universitaire Habib Bourguiba de Sfax. La patiente a ainsi pu bénéficier d’une injection de «plasminogène», ce qui a permis de lui sauver la vie.
Ces progrès notables ont été couronnés, ces derniers jours, par une autre réussite au niveau international. L’Ordre des ingénieurs tunisiens vient d’annoncer le succès d’une équipe tunisienne dans le développement d’un appareil médical portable, fonctionnant par intelligence artificielle. Le dispositif innovant permettra de réaliser des examens à distance, de diagnostiquer l’état de santé des patients et d’assurer leur suivi, sans qu’il soit nécessaire qu’ils se déplacent vers les hôpitaux.
Selon l’Ordre, cet appareil, qui a déjà obtenu plusieurs prix d’innovation et qui est, actuellement, en phase d’essai au Canada et au Royaume-Uni, devrait marquer une avancée majeure dans le domaine de la télémédecine.
Or, bien que ce projet vise à améliorer l’accès aux soins spécialisés sur l’ensemble du territoire tunisien, la télémédecine demeure méconnue par le grand public et suscite certaines interrogations auprès des spécialistes, notamment au niveau de la sécurité et de la sauvegarde des données personnelles.
Ce qui compte le plus, c’est que l’exercice de la télémédecine est désormais légal en Tunisie. En effet, c’est le décret-loi présidentiel du 8 avril 2022 qui a posé les conditions générales de ce type d’exercice. Le décret 2022-318 stipule ainsi que la réalisation des actes de télémédecine est soumise, outre l’autorisation de l’INPDP (Instance Nationale de Protection des Données Personnelles), à une autorisation des instances sanitaires.
Attention aux dérives !
Cependant, et en parallèle avec l’utilisation de ces nouvelles pratiques médicales en Tunisie, le risque de dérapage tant médicolégal que déontologique et éthique suscite toujours des interrogations à cause, principalement, de la pauvreté des textes légaux régissant cette pratique actuellement mise en vigueur.
Que disent, alors, les textes de loi pour préserver cette pratique de certaines dérives ? Comment délivrer des ordonnances pour permettre au malade d’acheter ses médicaments ?
Afin d’éviter tous les abus relatifs à l’usage excessif et le trafic des médicaments, la loi prévoit un document dématérialisé rédigé par un médecin ou un médecin dentiste dans le cadre de l’exercice de la télémédecine, déposé sur une plateforme sécurisée exprimant une décision médicale suite à l’examen du malade et qui comporte une prescription de médicaments, d’examens ou de soins. Ce document doit comporter notamment l’identité du médecin ou du médecin dentiste, sa signature électronique, la date de l’examen et l’identité du patient.
Il est important aussi de rappeler que la plateforme de télémédecine et le projet de coopération médicale doivent répondre aux exigences techniques de qualité et de sécurité requises et attendues (conformes et à jour avec les données de la science). La plateforme de télémédecine ne doit, en aucun cas, constituer un support publicitaire pour les produits de santé ou un moyen orientant les patients vers tout prestataire de services de santé, spécifiquement parlant.
De même, il faut rappeler que les exigences techniques et celles de sécurité des moyens utilisés dans la réalisation des actes de télémédecine et de conservation des données biomédicales collectées sont fixées par arrêté conjoint des ministres de la Santé et des Technologies de la communication.
Kamel ZAIEM
