Par Raouf Khalsi
Plus on lui donne, et plus il redemande : le peuple formule chaque jour une demande d’Etat, et surtout avec tout ce qu’il a enduré.
C’est dans la logique de l’Etat -Nation, c’est-à-dire le ciment de la souveraineté nationale. Parce ce qu’il faut à la fois déconstruire et reconstruire : on parle dans cet esprit de « refondation de l’Etat » et le processus ne fait que commencer. Libre aux négationnistes et aux esprits chagrins de voir partout des moulins à vent.
Déconstruire ? Oui, cet Etat profond qui a fait que le pays s’est retrouvé ballottée au gré des gradations doctrinales durant une décennie de feu, Etat réduit à sa plus simple expression, sinon clochardisé et sommé de s’immoler sur l’autel de la vanité pour transposer des intérêts partisans. Tout cela s’est fait en vertu d’un parlementarisme marron et d’une démocratie éternellement fantasmée.
Aujourd’hui, on en est là à comptabiliser les dégâts et les années perdues toutes faites de déconstructions et de déni. Déni d’Etat, cela s’entend et le seul moyen d’enclencher la reconstruction d’un Etat réduit en lambeaux durant la fameuse décennie, c’est de briser le plafond de verre et de forcer le destin.
On ne peut pas en effet indéfiniment fonctionner à l’affect, se contenter d’expédier des aphorismes ou, tout le moins user d’allégories pour nous situer face à une demande d’Etat, parce que, justement l’Etat lui-même joue contre la montre.
C’est que les Tunisiens se sont toujours identifiés à un Etat fort, l’Etat régulateur et en un système présidentiel, leur roman des origines.
Aujourd’hui, les Tunisiens formulent ouvertement une « demande d’Etat ». Et, quelque part aussi, un certain protectionnisme si ce n’est la fin de la déréglementation, celle-là même qui a anéanti l’économie nationale et nous a placés dans la situation très peu commode, dans le temps, de chercher à arrondir les angles avec le FMI. En d’autres termes, le bradage de la souveraineté nationale.
Sauf que la reconstruction de cet Etat se heurte encore à des obstacles invisibles sur un chemin miné.
Et c’est là que doit émerger de nouveau la force d’interposition d’une administration aujourd’hui décriée parce qu’on l’a amputée de ses mécanismes au point de lui faire perdre sa traditionnelle capacité de résilience. Une administration citoyenne et performante renvoie à un Etat fort. Pas l’Etat-Léviathan, et pas non plus l’Etat-oppresseur. Mais un Etat fort. Comme disait Paul Valery, « …Si l’Etat est faible, nous périssons ». L’Etat-Nation, ciment de la souveraineté nationale, disions-nous ?
C’est la donne fondamentale pour que s’opère la symbiose tant recherchée. En une décennie après 2011, le peuple en a été réduit à un cobaye sur lequel s’exerçaient toutes les expérimentations et toutes les alchimies au point d’y avoir égaré tous ses repères et toutes ses « religions ». Pour ce faire, il faut que la conscience populaire réapprenne à espérer en des lendemains meilleurs. Il faut conjurer la fatalité historique. Relisons Abou El Kacem Chebbi : « La volonté de vivre ».
