Entre volonté politique inébranlable et passage à la pratique en dents de scie, la digitalisation de l’administration traîne encore les pieds. Le conseil ministériel qui lui a été dédié il y a quelques jours va-t-il, enfin, débloquer la situation et donner naissance, dans les plus brefs délais, à ce fameux portail national unifié pour les services administratifs ?
Un Conseil ministériel, présidé par la Cheffe du gouvernement, s’est tenu la semaine passée afin d’examiner l’état d’avancement des projets de transformation numérique de l’administration.
Parmi les mesures phares figurent l’intégration des projets numériques sur la plateforme nationale de suivi des projets publics, ainsi que la mise en place d’un tableau de bord national et sectoriel pour assurer le suivi des indicateurs de performance.
Le Conseil a également décidé de généraliser l’interopérabilité entre les différents ministères et structures publiques. Cette interopérabilité sera renforcée par la mise en place de mécanismes obligatoires pour l’échange de données entre administrations, ainsi que par le développement des moyens de paiement électronique et de l’inclusion financière.
Par ailleurs, le développement d’un portail national unique, regroupant les services administratifs et offrant une interface simplifiée pour les citoyens, les investisseurs et les entreprises, a été acté. Et c’est à ce niveau que des interrogations s’imposent.
Rattraper le temps perdu
C’est que le ministre des Technologies de la Communication a annoncé la mise en place du portail unifié des services administratifs regroupant toutes les adresses des structures publiques pour le mois de mai 2025. Or, on continue à en parler, quatre mois après, sans voir naître ce portail malgré son importance et la volonté d’aller jusqu’au bout de ce projet.
A propos de ce portail, il a été décidé d’établir une liste préliminaire élargie des documents administratifs que les citoyens peuvent demander auprès des différents organismes publics. Cette liste vise à optimiser le système d’interopérabilité entre les structures étatiques. Une procédure qui tend à favoriser la numérisation des documents. A travers ce nouveau système de gestion administrative, beaucoup d’anciennes et d’actuelles pratiques vont finalement disparaître, notamment dans le domaine de la révision des signatures et de l’authentification des documents, autrement dit la révision systématique du service de la signature légalisée et l’élimination progressive du mécanisme d’authentification des copies conformes à l’original, simplifiant ainsi les démarches administratives pour les citoyens.
Or, jusqu’aujourd’hui, on doit sacrifier toute une demi-journée de travail pour pouvoir acquérir un extrait de naissance. Les demandeurs de tels documents se comptent, chaque jour, par centaines, et l’attente peut durer des heures avec, au passage, deux ou trois arrêts de travail, d’environ un quart d’heure pour chacun, à cause de cette fameuse «chute de connexion» qui interrompt toute activité et prolonge cette «matinée administrative» très spéciale.
Une nécessité plus qu’une option
Du coup, on mesure l’importance de la mise en place de ce portail pour le citoyen lambda, avec la révision systématique du service de la signature légalisée et l’élimination progressive du mécanisme d’authentification des copies conformes, tellement ces deux étapes administratives lui font perdre énormément de temps.
De même, le portail va permettre l’accès à de nouvelles et importantes réformes dont, surtout, la suppression et la simplification des autorisations administratives en les remplaçant par des cahiers des charges et d’introduire des délais précis pour les services et autorisations administratives, conformément au décret gouvernemental n° 2018-417 relatif aux activités économiques soumises à autorisation.
Il contribuera, également, à l’harmonisation du cadre réglementaire des marchés publics pour répondre aux spécificités du secteur numérique, favorisant ainsi une meilleure adaptation aux besoins des entreprises et des citoyens.
C’est dire que cette nouvelle réforme, décalée de quelques mois, va permettre de réaliser beaucoup d’objectifs visant à servir les intérêts du citoyen, stimuler l’investissement, favoriser une véritable relance économique et lutter plus efficacement contre la corruption.
Au cours de ce récent Conseil de ministres, la Cheffe du gouvernement, visiblement contrariée, elle aussi, par le retard mis pour mettre en pratique ce qui a été décidé quelques mois auparavant, a insisté sur le rôle de cette transition dans l’amélioration de la qualité des services aux citoyens et aux entreprises, l’efficacité du travail administratif, ainsi que la compétitivité de la Tunisie aux niveaux régional et international. «La digitalisation complète de l’administration est fondamentale et nécessaire ; ce n’est pas une option, mais une nécessité», a-t-elle affirmé, en appelant à donner la priorité absolue aux projets qui touchent directement l’intérêt du citoyen, de l’investisseur et de l’entreprise.
Ces propos illustrent l’importance de cette transformation devenue plus que nécessaire et la volonté politique de se mettre sur orbite pour s’adapter aux nouvelles avancées technologiques dans ce domaine sensible qui concernera, dans un proche avenir, tous les secteurs.
Ce qui compte, finalement, c’est de voir toute l’administration adhérer rapidement à cette inévitable digitalisation. Souvent, les réformes mettent du temps, sans aucune raison, pour passer au mode exécutoire, et cette fois-ci, c’est le gouvernement qui donne l’exemple et qui insiste pour voir cette transformation numérique se généraliser dès les premières heures de la mise en place de ce portail sans tergiversations et sans perte de temps.
Kamel ZAIEM
