Le milieu du travail est un milieu à risque. Malgré toutes les campagnes et les actions de sensibilisation et de prévention, ce milieu reste pourvoyeur de nombreux accidents, dont plusieurs sont mortels. Faute de statistiques récentes, on se contente de celles de 2023. En cette année, la Tunisie a enregistré, selon des chiffres publiés par la CNAM, 120 accidents de travail mortels, en hausse de 17% par rapport à 2022. Les accidents de travail sans décès restent importants, malgré une légère baisse de 1,3% par rapport à 2022, passant de 26 594 en 2022 à 26 251 en 2023.
Malgré la légère baisse, cela nous pousse à nous interroger sur les conditions de travail et de sécurité dans certains lieux de travail, notamment dans les usines, les ateliers et les chantiers de construction où les principales causes d’accidents mortels sont les chutes, l’électrocution, l’incarcération dans des mécanismes. Ces accidents mortels sont dus également au manque de précautions nécessaires dans les entreprises concernées et à l’imprudence et la négligence de certains ouvriers quant à l’observance des mesures de sécurité.
Une situation alarmante
Il est à noter que la plupart des accidents mortels se produisent dans huit gouvernorats, Sfax, Ben Arous, Sousse, Monastir, Nabeul, Tunis, Bizerte et Gabès. Selon l’inspection du travail au sein du ministère des Affaires sociales, le taux des accidents du travail en Tunisie demeure élevé malgré la baisse enregistrée au niveau du nombre des accidents, à savoir entre 25 et 26 mille accidents de travail par an.
A part les accidents de travail, il y a les maladies professionnelles dues aussi aux conditions précaires de certaines entreprises. Selon un bulletin publié dans son périodique bimensuel N° 8, de janvier 2023, le Centre de Recherches et d’Etudes Sociales a indiqué que «certains secteurs sont particulièrement accidentogènes. C’est notamment le cas du secteur des industries de fonderie et la sidérurgie, des industries des matériaux de construction (51,4), et le secteur de la fabrication de caoutchouc avec un indice de fréquence de 50,2 accidents de travail pour 1000 salariés…»
Il est à souligner que la plupart de ces accidents sont dus à la dégradation du système de santé et de sécurité au travail. Quoiqu’on ne cesse, au sein du Conseil National de Santé et de Sécurité au Travail, d’appeler les entreprises à prendre les mesures nécessaires pour faire face aux accidents de travail, l’application des normes de sécurité ne sont pas toujours appliquées. Ces appels ne sont pas toujours pris en considération car les réglementations en vigueur ne sont pas souvent rigoureusement observées au sein des entreprises, que ce soit par les entrepreneurs ou par les ouvriers eux-mêmes. Toutefois, certaines entreprises, notamment où les taux d’accidents sont élevés, nécessitent des améliorations dans les conditions de travail et de sécurité.
Des effets néfastes sur la société
Par ailleurs, les accidents de travail causent une moyenne d’absence de 35 jours pour chaque accident. Quant aux maladies professionnelles, elles exigent souvent une période de longue durée, sinon elles peuvent engendrer une invalidité permanente, ce qui peut nuire à l’activité normale de l’entreprise et à l’ouvrier lui-même qui pourrait perdre définitivement son emploi. De plus, les impacts des accidents de travail et des maladies professionnelles sont multiples, touchant la victime (douleur, handicap, inaptitude), l’entreprise (coûts financiers et humains, perte de productivité, atteinte à l’image) et le collectif de travail (désorganisation, moral en baisse). Ces impacts se traduisent par des conséquences physiques, psychologiques, financières, juridiques et organisationnelles sur les trois niveaux.
C’est ainsi que les effets secondaires des accidents de travail sur la société, sur le travailleur et sur l’Etat imposent la nécessité d’accroître les efforts de sensibilisation aux dangers de ces accidents et d’inciter les entreprises à respecter les conditions de sécurité professionnelles. En raison de l’importance du sujet, les inspecteurs de travail ne cessent d’appeler à la nécessité d’accroître les campagnes de sensibilisation au sein des entreprises et des sociétés quant à la prévention des accidents de travail.
Certes, les travailleurs victimes d’un accident de travail avec arrêt ont la chance d’être indemnisés grâce à la sécurité sociale qui leur fournit la couverture de base des risques (maladies professionnelles, accident de travail, invalidité, décès…). Mais que dire des ouvriers occasionnels, recrutés surtout dans les chantiers de construction qui, souvent, n’ont pas de couverture sociale, travaillant au jour le jour, sans jamais être pris en charge en cas d’accident de travail qui pourrait avoir lieu en tout temps. En effet, ce secteur de construction et certains autres secteurs, comme l’agriculture, la pêche, où une grande majorité des employés sont informels et ne sont pas déclarés par leur employeur, présentent encore de grandes lacunes en matière de couverture sociale. En cas d’accident, ils ne peuvent plus travailler et donc ne reçoivent plus leurs rémunérations. Aussi faut-il légiférer en faveur de ces employés provisoires pour les prémunir contre les accidents de travail et pour mieux les prendre en charge.
Hechmi KHALLADI
