La Tunisie vient de franchir une étape majeure dans la modernisation de son système de santé. À l’issue d’une rencontre nationale des responsables régionaux du secteur, il a été annoncé que plus d’une trentaine d’hôpitaux publics seront prochainement intégrés à des dispositifs de soins à distance. Concrètement, 15 établissements bénéficieront de services de téléradiologie et 16 autres seront reliés à un réseau de téléconsultations spécialisées. Cette double avancée marque une volonté claire de rapprocher la médecine de pointe des citoyens, où qu’ils vivent dans le pays.
Depuis des années, les habitants des zones intérieures de la Tunisie se plaignent de devoir parcourir de longues distances pour accéder à un diagnostic fiable ou pour consulter un spécialiste. Les infrastructures hospitalières régionales, souvent limitées en moyens humains et techniques, peinent à répondre à la demande. L’introduction de la télémédecine vient directement s’attaquer à cette fracture. Grâce à la transmission numérique des images médicales et à la mise en relation des patients avec des experts situés à des centaines de kilomètres, les soins deviennent plus rapides, plus précis et plus accessibles.
Pour les médecins exerçant dans les hôpitaux régionaux, la téléradiologie offre une solution précieuse. Elle permet de partager instantanément des radiographies, des scanners ou des IRM avec des collègues spécialisés, capables de donner un avis éclairé sans avoir à se déplacer. Pour les patients, la téléconsultation représente une véritable révolution : ils peuvent désormais bénéficier d’un suivi médical spécialisé sans devoir se rendre dans les grands centres hospitaliers de Tunis, Sfax ou Sousse.
La technologie au service de l’équité sanitaire
Derrière ce projet se cache un objectif clair : réduire les inégalités en matière de santé. Jusqu’ici, le lieu de résidence conditionnait fortement la qualité des soins. Les grandes villes concentraient la majorité des ressources humaines qualifiées, tandis que les hôpitaux des régions intérieures se retrouvaient en première ligne avec des moyens réduits. La télémédecine, en abolissant en partie la contrainte géographique, rééquilibre la balance et rapproche les citoyens d’un droit fondamental : accéder à une médecine de qualité, quel que soit leur lieu de vie. Mais cette réforme n’est pas uniquement une question d’équité. Elle traduit également une vision tournée vers l’avenir. Le numérique devient un levier stratégique pour améliorer l’efficacité du système de santé, fluidifier les parcours des patients et optimiser les ressources existantes.
Des projets structurants pour accompagner la réforme
La mise en place de la télémédecine s’inscrit dans une démarche plus large de transformation digitale de la santé en Tunisie. Les discussions tenues lors de la rencontre de Tabarka ont mis en avant plusieurs initiatives complémentaires. L’une des plus prometteuses est le lancement de la plateforme «EPISURVEILLE», un outil numérique de veille épidémiologique conçu pour anticiper les menaces sanitaires et mieux organiser les réponses à venir. Dans un monde où de nouvelles épidémies peuvent surgir à tout moment, disposer d’un système de surveillance réactif et digitalisé devient un atout majeur.
Un autre chantier d’envergure est celui de l’«Hôpital numérique». Derrière cette appellation se dessine un modèle hospitalier modernisé, où la gestion administrative, le suivi des patients et les échanges entre services reposent sur des systèmes informatisés intégrés. Les directions régionales de la santé auront un rôle déterminant à jouer pour assurer la réussite de cette mutation, qui nécessite à la fois des infrastructures performantes et une formation adaptée du personnel.
Transparence et efficacité comme fils conducteurs
Au-delà de la question strictement médicale, la conférence a également abordé la dimension administrative et financière. Les marchés publics, souvent pointés du doigt pour leur lourdeur et leurs lenteurs, ont fait l’objet d’une mise au point en présence d’experts spécialisés. L’objectif affiché est de renforcer la transparence et de rationaliser les dépenses afin que les projets numériques ne soient pas freinés par des obstacles bureaucratiques. Cet aspect est loin d’être anecdotique. Car pour que la télémédecine et les autres réformes digitales tiennent leurs promesses, il faut un cadre de gestion rigoureux, capable de garantir la pérennité des investissements et la confiance des usagers.
Un impact attendu sur le quotidien des patients
Pour les Tunisiens, cette transformation pourrait changer profondément la relation avec le système de santé. Dans les régions rurales et semi-urbaines, où l’accès aux soins spécialisés reste difficile, la télémédecine sera perçue comme un soulagement. Fini les trajets interminables et coûteux pour obtenir une consultation ou un avis médical. À terme, cette organisation plus souple pourrait également désengorger les grands hôpitaux urbains, souvent saturés par l’afflux de patients venant de tout le pays. Les praticiens, de leur côté, pourront mieux coopérer et enrichir leurs compétences grâce aux échanges facilités avec leurs confrères. L’apprentissage collectif et le partage d’expérience, rendus possibles par la technologie, contribueront à élever la qualité des soins.
La Tunisie en phase avec les tendances mondiales
En adoptant la télémédecine à grande échelle, la Tunisie se rapproche des standards internationaux. Dans plusieurs pays européens ou asiatiques, la médecine numérique a déjà démontré son efficacité, notamment pendant la pandémie de Covid-19, où elle a permis d’assurer la continuité des soins malgré les contraintes sanitaires. La démarche tunisienne s’inscrit donc dans un mouvement global où la digitalisation devient synonyme de résilience et de modernité.
L’annonce de l’intégration de 31 hôpitaux tunisiens dans des programmes de téléradiologie et de téléconsultation marque un jalon décisif pour le pays. Cette réforme n’est pas seulement une innovation technique, elle incarne une volonté politique de repenser le système de santé pour le rendre plus équitable, plus efficace et mieux préparé aux défis de demain. La digitalisation, longtemps perçue comme un luxe, devient aujourd’hui une nécessité vitale pour réduire les inégalités, fluidifier les parcours médicaux et renforcer la confiance des citoyens dans leur service public.
La réussite de cette transformation dépendra de la capacité à mobiliser tous les acteurs concernés : pouvoirs publics, personnels médicaux, experts du numérique et partenaires internationaux. Mais une chose est certaine : en choisissant de miser sur la télémédecine, la Tunisie ouvre la voie à une nouvelle ère où proximité et modernité ne s’opposent plus, mais se rejoignent au bénéfice des patients et des soignants.
Leila SELMI
