La commission parlementaire des finances et du budget planchera prochainement sur un projet de loi portant amnistie d’infractions de change. Cette initiative législative, qui a été soumise en mai dernier au Bureau de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) par un groupe de députés, vise, selon ses initiateurs, à réduire la circulation des devises en dehors des circuits officiels et la non-déclaration des revenus à l’étranger, deux phénomènes qui ont un impact négatif sur l’économie nationale et les réserves en devises.
L’amnistie proposée par le texte concerne uniquement les personnes physiques résidentes ayant commis des infractions de change avant la date d’entrée en vigueur de la loi. Les personnes morales (entreprises) et les infractions liées à tout acte criminalisé par la loi du 7 août 2015 relative à la lutte contre le terrorisme et à la prévention du blanchiment d’argent seront exclues du périmètre d’application de l’amnistie.
Dans le détail, les infractions concernées sont la détention en Tunisie de devises sous forme de billets de banque étrangers et le défaut de leur dépôt auprès d’un intermédiaire agréé (banques et établissements financiers) et le défaut de leur cession lorsque celle-ci est prescrite par la réglementation.
L’amnistie concernera également la non-déclaration des avoirs à l’étranger et le non-respect des procédures qui en découlent, le défaut de rapatriement des revenus et produits de ces avoirs, ainsi que le défaut de leur conversion en dinar.
Les modalités pratiques de l’amnistie prévues par le projet de loi sont relativement simples : les personnes ayant commis des infractions de change sont appelées à déposer, dans un délai ne dépassant pas un an à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi, une déclaration sur l’honneur auprès d’un intermédiaire agréé précisant la nature et la valeur des avoirs déclarés, le pays dans lequel ils se trouvent et une déclaration en vertu de laquelle la personne physique garantit que les devises faisant l’objet du règlement proviennent d’une source légitime.
Ces personnes doivent, en second lieu, rapatrier les revenus, les produits et les avoirs en devises couverts par la déclaration sur l’honneur, avant de les céder ou de les déposer dans les comptes ouverts auprès d’un intermédiaire agréé.
Des contributions libératoires allant de 4 à 15% de la valeur des avoirs
Au terme de ce processus, les personnes visées devront payer des contributions libératoires qui les exemptent des infractions de change et des charges fiscales appliquées aux fonds ayant fait l’objet d’une régularisation. Cette contribution libératoire a été fixée à 15% de la valeur d’acquisition des biens immobiliers situés à l’étranger, de la valeur de souscription ou d’acquisition des actifs financiers, des valeurs mobilières et autres obligations et dépôts situés à l’étranger, à condition de transférer 25% du montant desdits avoirs sur un compte bancaire ou postal ouvert auprès d’un établissement financier de droit tunisien.
En ce qui concerne les devises étrangères rapatriées, le taux de la contribution libératoire a été fixé à 7%.
Pour ce qui est de la détention en Tunisie de devises sous forme de billets de banque étrangers et le défaut de leur dépôt auprès d’un intermédiaire agréé, le projet de loi prévoit la conversion de 20% au moins en dinar et le paiement d’une contribution libératoire de 4% sur cette proportion et de 7% sur le reste des montants déposés sur les comptes ouverts auprès des intermédiaires agréés.
Il importe de noter dans ce cadre que ces contributions libèrent les bénéficiaires de l’amnistie, du paiement de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés et des pénalités de retard y afférentes et qui sont exigibles au titre des revenus ou bénéfices et avoirs objet de l’amnistie, ainsi que de toute poursuite administrative ou judiciaire en matière de change objet de l’amnistie. De plus, les personnes concernées par l’amnistie peuvent déposer les devises rapatriées dans des comptes spéciaux en devises ou en dinars convertibles.
Pour rappel, le Code des changes et du commerce extérieur stipule que les infractions ou tentatives d’infraction à la réglementation des changes sont punies d’un emprisonnement d’un mois à cinq ans et d’une amende de 150 dinars à 300 000 dinars, sans toutefois que cette amende puisse être inférieure à cinq fois le montant sur lequel a porté l’infraction. En cas de récidive, la peine d’emprisonnement peut être portée à dix ans.
Walid KHEFIFI
