L’idée de création des sociétés communautaires, initiée par le Président Kaïs Saïed, a été dans le but de promouvoir la valorisation de l’initiative, notamment dans les régions défavorisées et longtemps négligées par le passé, ainsi que de booster l’économie, en impliquant les citoyens dans l’investissement et la production. Dès lors, il a été fait appel à toutes les parties prenantes afin de participer à aider à la création et à la promotion de ces sociétés.
Cependant, bien que plusieurs sociétés communautaires aient vu le jour, depuis le décret présidentiel de 2022 y portant création, des sociétés rencontrent encore des difficultés de financement afin de leur permettre de percer. Hasna Jiballah, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle chargée des sociétés communautaires, a plusieurs fois appelé notamment les instances financières dont les banques à aider à leur financement.
Elle a présidé le 19 septembre dernier, une séance de travail consacrée à la révision de la circulaire relative au lancement de projets visant à encourager l’entrepreneuriat et à soutenir les porteurs de projets via le financement autonome. L’objectif étant de renforcer le soutien aux entreprises communautaires naissantes et d’améliorer le climat d’investissement dans ce type de projets collectifs. Elle a appelé, par ailleurs, à la nécessité de renforcer la gouvernance, de simplifier les procédures et d’étudier les mesures légales permettant d’étendre aux sociétés communautaires les avantages dont bénéficient d’autres types d’entreprises.
Principales nouveautés du décret-loi du 2 octobre 2025
C’est que le manque de financement d’une part et les difficultés des procédures de l’autre, ont été parmi les obstacles essentiels au développement des sociétés communautaires. Raison pour laquelle le nouveau décret-loi présidentiel 2025-3 du 2 octobre 2025 a été émis dans le but de simplifier les procédures de création desdites sociétés et à encourager la participation locale et les promoteurs dans les régions. Plusieurs avantages sont prévus selon ce nouveau décret dont notamment l’exonération d’impôt et taxes pendant dix ans, à compter de la création d’une société communautaire et surtout la priorité d’accès à la location à long terme des terres domaniales, agricoles et non agricoles. Cela est encourageant notamment pour les ouvrières agricoles pour exploiter à ce titre, les terrains agricoles dans les régions éloignées et longtemps défavorisées pour une longue durée. Outre le fait que la durée de la location peut atteindre 40 ans, elles bénéficieront d’une exonération de loyer pendant 5 ans. Elles peuvent également gérer des services de transport collectif. Ce qui constitue une solution afin de mettre fin au problème du transport des ouvrières agricoles qui a causé des drames auparavant, avec des moyens de fortune destinés plutôt au transport de bétail.
Renouvellement des modes de gestion
Par ailleurs, selon le nouveau décret, les conseils d’administration comprendront désormais 3 à 10 membres en fonction de la taille de la société, élus pour 3 ans renouvelables seulement deux fois. Ce qui permet un meilleur contrôle de gestion, afin d’instaurer un véritable principe d’alternance et d’éviter toute mainmise durable sur la gestion. En effet, l’histoire économique du pays garde encore le souvenir des coopératives agricoles des années soixante qui, malgré leur noble vocation de solidarité et de mise en commun des ressources, ont échoué à cause de mésententes internes et de dérives de gestion. À l’époque, certains membres de conseils d’administration avaient fini par concentrer entre leurs mains l’ensemble des pouvoirs décisionnels, marginalisant les autres associés et détournant l’esprit collectif du projet initial. Ce déséquilibre avait fini par fragiliser tout le système de collectivisation, pourtant conçu à l’origine pour favoriser l’entraide et la cohésion sociale. C’est la raison pour laquelle désormais, il est mis fin à l’activité de tout membre qui cesse de satisfaire aux conditions et aux modes de gestion de la société. Cela dit, le capital d’une société communautaire est de 5000 dinars concernant les sociétés locales et de 10 000 dinars concernant les sociétés régionales, avec la possibilité pour chaque société d’accepter les dons et les legs.
Esprit de solidarité sur des bases plus saines
Avec ce nouveau décret-loi, l’État entend redonner confiance aux promoteurs et aux partenaires économiques en modernisant la gouvernance des sociétés communautaires. En fixant des règles claires de transparence, de renouvellement et de responsabilité, il espère créer un cadre propice à une gestion collective durable, où la solidarité retrouve sa véritable signification. Cette réforme ne se limite pas à des ajustements administratifs, elle marque le retour d’une vision équilibrée du développement, fondée sur la participation, la bonne gouvernance et la justice économique. Afin que cette promesse se concrétise, le Président Kaïs Saïed avait donné ses instructions, lors de son entretien avec le ministre de l’Emploi Riadh Chaoued, afin de garantir l’accompagnement nécessaire aux promoteurs des sociétés communautaires.
Ainsi, cette réforme, au-delà de sa dimension technique, traduit la volonté de relancer l’esprit de solidarité et de coopération économique sur des bases plus saines. L’État, en promettant d’accompagner les promoteurs et de lever les obstacles administratifs et financiers, cherche à instaurer un modèle communautaire moderne, équitable et durable, un modèle où la transparence et la responsabilité remplacent les pratiques d’un autre temps.
Ahmed NEMLAGHI
