L’entrepreneuriat féminin est de plus en plus reconnu comme un moteur essentiel de croissance économique et de progrès social, tant au niveau mondial qu’en Tunisie. Les femmes entrepreneures jouent un rôle crucial dans la diversification des économies, la création d’emplois, et l’innovation. En Tunisie, bien que des avancées significatives aient été réalisées pour promouvoir et soutenir l’entrepreneuriat féminin, de nombreux défis subsistent. En dépit des législations relativement favorables aux femmes tunisiennes, leur participation à l’entrepreneuriat reste faible. Ainsi, le taux d’activité des femmes ne dépasse pas 28,2 % de la population active, contre 65,8 % pour les hommes. De même, le taux de chômage des femmes est d’environ 24 %, tandis qu’il est de 15 % pour les hommes.
Ce taux monte à 40,7 % pour les femmes diplômées du supérieur, contre seulement 17,6 % pour les hommes. De ce fait, il existe une disparité de genre en matière d’entrepreneuriat. Malgré l’amélioration de leur niveau d’instruction et de qualification, les femmes tunisiennes rencontrent d’énormes difficultés pour monter et développer leur propre projet entrepreneurial. Aujourd’hui, plusieurs obstacles continuent d’entraver cette marche des femmes vers l’entrepreneuriat. La contribution de la femme au développement économique de notre pays, rencontre plusieurs problèmes structurels qui bloquent l’avancement des femmes, chefs d’entreprise. Cette réalité s’expliquent par les facteurs suivants: Les contraintes socioculturelles à l’entrepreneuriat féminin: le rôle de la femme, selon la culture, est limité à la cellule familiale souvent associé à la reproduction. Le faible niveau de socialisation des filles limite le développement de certaines aptitudes nécessaires à l’entrepreneuriat, tel le gout de l’innovation et le sens de risque.
La conviction culturelle sur la capacité de la femme à gérer une entreprise sont souvent à l’origine de croyances erronées qui peuvent conduire à des stéréotypes discriminatoire de la femme. Le nombre d’entreprises créées par les femmes a certes augmenté, mais continuent à rencontrer des difficultés énormes quisouvent, proposent leurs projets les plus ambitieux ou tempèrent leurs initiatives les plus audacieuses. Si certaines femmes ont réussi leur projet entrepreneurial en conciliant leur situation sociale avec celle de leur aspiration à l’indépendance, d’autres ont abdiqué sous une pression sociale trop forte. Toutefois, le développement de l’enseignement et l’émancipation ont joué en faveur de l’accès des femmes au monde de l’entrepreneuriat. Les femmes éprouvent une soif à l’entrepreneuriat plus que les hommes et qu’elles sont plus nombreuses à suivre les formations.
Femmes entrepreneures : nombreuses au départ, mais peu à l’arrivée
En Tunisie, parler de croissance inclusive et durable sans évoquer l’entrepreneuriat féminin relève presque de l’angle mort. Les femmes entrepreneures existent, elles innovent, elles créent de la valeur et de l’emploi. Elles sont nombreuses au départ mais peu à l’arrivée. Seulement, 10,9 % des entreprises en Tunisie sont dirigées par des femmes qui restent confrontées à un ensemble d’obstacles qui limitent leur pleine contribution au développement national : un accès restreint au financement, une faible insertion dans les chaînes de valeur, des contraintes culturelles persistantes et un accompagnement encore trop généraliste, rarement orienté vers la durabilité.
Ces freins ne sont pas simplement économiques .Ils traduisent une structure sociale et institutionnelle qui, depuis trop longtemps, sous-estime le rôle transformateur des femmes dans l’économie. Or, dans le contexte actuel marqué par les pressions du changement climatique, l’épuisement des ressources et la nécessité d’inventer de nouveaux modèles productifs, les femmes entrepreneures ne sont pas seulement un atout : elles sont une condition de survie et de résilience. La transition écologique, avec ses trois piliers le climat, l’inclusion, et l’économie verte ouvrent en réalité une fenêtre d’opportunité historique. Là où certains voient des contraintes (réglementations, adaptation coûteuse, normes nouvelles), il faut voir une chance : celle de repositionner l’entrepreneuriat féminin comme acteur central d’un changement systémique. Les femmes, de par leur rôle social, leur proximité avec les territoires et leur capacité d’innovation dans la contrainte, peuvent être à l’avant-garde de ce basculement.
Trois axes majeurs se dessinent . Il faudrait réinventer l’accès aux ressources. La finance, souvent pensée en termes de garanties et de bilans, doit s’adapter aux réalités des femmes entrepreneures. Des mécanismes innovants fonds verts inclusifs, microfinance climatique, dispositifs de garantie publique peuvent transformer l’exclusion financière en levier d’action.. Insérer les femmes dans les chaînes de valeur de demain est important .Trop souvent cantonnées aux secteurs traditionnels, les entrepreneures doivent être orientées vers des niches à forte valeur ajoutée : énergies renouvelables, recyclage, agriculture durable, numérique appliqué à l’économie verte.
Ces secteurs ne sont pas seulement des marchés : ce sont les filières stratégiques de la Tunisie de demain. Faire des femmes des actrices du changement systémique consiste à promouvoir une nouvelle culture entrepreneuriale où l’impact social et environnemental devient une valeur en soi. Les success stories féminines doivent être rendues visibles, les réseaux renforcés, les coopérations élargies. Car ce n’est qu’en brisant l’isolement et en créant une masse critique que l’entrepreneuriat féminin pourra devenir un mouvement structurant.En définitive, le défi n’est pas seulement de soutenir les femmes dans leurs parcours entrepreneuriaux, mais de reconnaître leur rôle stratégique dans la transition écologique et inclusive. Si la Tunisie parvient à intégrer pleinement l’entrepreneuriat féminin dans ses politiques économiques et environnementales, elle ne se contentera pas de réduire les inégalités de genre. Elle posera les bases d’une économie plus résiliente, plus compétitive et véritablement durable. Car au fond, il ne s’agit pas d’une question de “place des femmes”, mais bien de l’avenir d’un pays.
Le financement : un obstacle clé à surmonter
L’inclusion financière n’est pas seulement une question d’accès à un compte bancaire ou à un crédit. Elle renvoie à la capacité des individus et des entreprises en particulier des femmes entrepreneures à accéder, utiliser et bénéficier de services financiers qui répondent à leurs besoins réels et contribuent à leur autonomisation économique. En Tunisie, l’écart entre les femmes et les hommes dans l’accès et l’usage des services financiers reste significatif, malgré des progrès notables en matière de bancarisation et de développement de la microfinance. L’écart d’accès au financement est d’environ 25,7 points entre femmes et hommes. L’accès au financement reste sans nul doute le plus grand obstacle pour les femmes entrepreneures. Les divers aspects du financement qui sont déterminants pour les femmes entrepreneures sont : l’importance du capital lors du démarrage et pendant la croissance, la provenance des fonds et les attentes des organismes emprunteurs, la qualité du risque de crédit qu’elles représentent et les difficultés particulières rencontrées pour l’obtention des fonds nécessaires. De manière générale, les investissements de démarrage chez les femmes restent plus faibles que ceux des hommes même si la réputation des femmes entrepreneures est enviable, en particulier en ce qui concerne le remboursement d’emprunts et de crédits. À la lumière de plusieurs études réalisées sur l’entrepreneuriat féminin et en particulier celles traitant le financement, on constate des disparités quant à l’accès au financement des femmes entrepreneures par rapport à leurs homologues masculins.
On connaît l’importance du financement dans le développement des PME, que ce soit au stade du démarrage, de la consolidation des activités de l’entreprise ou de la croissance de celle-ci. Les femmes entrepreneures tunisiennes préfèrent financer leurs projets grâce à leurs épargnes personnelles ou l’aide familiale. Ainsi, dans la culture de la PME l’essentiel du financement de l’entreprise féminine, est constitué par l’apport personnel et familial et le recours au crédit bancaire reste très faible et demeure une exception . Cette préférence pour les fonds propres s’explique par les difficultés rencontrées par les femmes tunisiennes pour obtenir des crédits bancaires. Ces difficultés peuvent se résumer en deux points : le coût excessif du crédit (taux de base, durée, etc.) imposé aux entrepreneurs de manière générale, qu’ils soient hommes ou femmes ainsi que les garanties exigées. ). Quant à la discrimination sexiste à laquelle peut faire face la femme-entrepreneure tunisienne lors de la demande d’un crédit bancaire, les femmes interrogées réfutent toute discrimination basée sur leur sexe et déclarent que les décisions bancaires sont fondées essentiellement sur la solidité de leurs dossiers notamment en terme de garanties. Elles trouvent que les garanties exigées par les banques sont trop élevées et que malheureusement les banques ne prennent pas en considération d’autres critères tels que l’expérience professionnelle, les diplômes et les compétences.
Un salon pour booster l’entrepreneuriat féminin
La femme-entrepreneure est reconnue comme étant une force importante sur le plan économique qu’il faut la soutenir pour développer son activité économique. Le succès de son entreprise est conditionné par l’adaptation au changement et l’utilisation de nouvelles façons de faire les affaires, pour prospérer en période de changement. Un bon exemple est l’utilisation des technologies les plus récentes. Cette femme-entrepreneure, doit avoir une confiance en soi et la confiance en bonne santé dans ses capacités et compétences. Doute interne, qualité naturelle, mais confiante entrepreneure est en mesure de faire face avec eux. Elle ne tient pas compte des erreurs ou des critiques sur son compte personnel, plutôt elle doit les utiliser comme une opportunité d’amélioration.
Avec une vision claire de l’avenir, la femme entrepreneure doit être ambitieuse, mais en même temps réaliste et accessible. Elle doit faire de grands efforts pour traduire l’idée en réalité. C’est dans ce cadre que s’inscrit la 2ème édition du Salon de l’économie verte, de la finance responsable et du développement durable les 16 et 17 octobre prochains à Tunis. Cette année, le rendez-vous est placé sous le signe de l’entrepreneuriat féminin, de l’inclusion économique et de l’accès au financement. Cette édition rassemblera les acteurs publics, privés, institutionnels et universitaires autour d’un même objectif :Promouvoir une économie plus verte et inclusive, encourager l’autonomisation des femmes entrepreneures et valoriser les solutions durables et innovantes au service du développement. Au programme : deux jours de panels, d’ateliers, de pitchs et de rencontres pour faire bouger les lignes, lever les freins à la réussite des femmes dans les secteurs durables, et imaginer ensemble une économie plus juste, plus verte et plus inclusive.
Investir dans les femmes reste l’un des moyens les plus efficaces d’accroître l’égalité et de promouvoir la croissance économique inclusive et durable. Des programmes d’investissement doivent se réaliser au profit des femmes entrepreneures, afin d’avoir d’ importantes répercussions sur le développement car les femmes consacrent généralement une plus grande part de leurs revenus à la santé, à l’éducation et au bien-être de leurs familles. Parallèlement, il faut éliminer les aspects discriminatoires, des politiques, programmes et pratiques économiques et sociaux qui peuvent entraver pleinement la participation des femmes à l’économie et à la société. L’avenir de l’entrepreneuriat féminin repose sur une mobilisation collective, impliquant les acteurs économiques, financiers et institutionnels, afin de bâtir un environnement plus équitable et propice à l’épanouissement des femmes dans le monde des affaires.
Kamel Bouaouina
