Des centaines de diplômés chômeurs ont organisé, hier, un rassemblement de protestation devant le siège de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour dénoncer l’absence de dotations budgétaires affectées à leur recrutement dans le projet de loi de Finances de 2026.
«Où est notre droit dans le projet de loi de Finances ?», «Trêve de promesses non tenues», «Emploi, liberté, dignité nationale», «Ni emploi ni espoir et des vies en suspens, l’insertion directe est la solution» ont scandé ces diplômés lors de la manifestation organisée par l’Union des diplômés chômeurs et l’Association des diplômés sans emploi, reprenant ainsi plusieurs slogans du soulèvement populaire qui avait mis fin au règne de Ben Ali.
«Quinze ans après la révolution, nous avons encore le sentiment d’avoir été mis sur le côté. Nous sommes venus rappeler aux députés pourquoi les jeunes ont participé à la révolution», a déclaré un manifestant qui brandissait une pancarte où on peut lire «Les diplômés chômeurs, les laissés-pour-compte de la révolution».
«Nous ne baisserons jamais les bras. Nous camperons dans la rue jusqu’à ce que le gouvernement reconnaisse notre droit à l’insertion directe sur le marché de l’emploi», a déclaré Yosra Néji, une porte-parole de la coordination nationale des diplômés en situation de chômage de longue durée.
«Le président de la République a appelé à maintes reprises le gouvernement à agir pour lever l’injustice que nous subissions depuis plus de quinze ans, voire vingt ans pour certains. Les députés ont présenté un projet de loi qui prévoit l’insertion directe des diplômés en situation de chômage prolongé sur le marché du travail. Mais le projet de loi de Finances pour l’exercice 2026 ne fait aucune mention de ressources financières dédiées à cette insertion», a-t-elle ajouté, appelant à une modification de ce texte et à l’adoption du projet de loi élaboré lors d’une séance plénière dans les plus brefs délais.
Le député Ali Zaghdoud, membre du bloc «Pour que le peuple triomphe», avait annoncé vendredi dernier qu’une deuxième demande officielle a été adressée au président de l’ARP pour fixer la date d’une séance plénière consacrée à l’adoption du projet de loi N° 023/2023 portant sur des dispositions exceptionnelles pour le recrutement des diplômés de l’enseignement supérieur en situation de chômage de longue durée.
Selon lui, ce texte a été déjà largement débattu au niveau de la commission ad hoc. Près d’une trentaine de députés avaient déjà adressé, en mai dernier, au Bureau de l’Assemblée une demande d’examen en urgence du projet de loi en question.
Le chômage touche 24% des diplômés du supérieur
En juillet 2020, le Parlement avait déjà voté un article additionnel dans le projet de loi de Finances pour l’année 2021, prévoyant des dotations budgétaires pour le recrutement de 10 000 diplômés chômeurs dont la période de chômage dépasse dix ans. Cette mesure s’inscrivait dans le cadre de la Loi N° 38 de 2020, qui établit des dispositions exceptionnelles pour le recrutement dans le secteur public au profit de cette catégorie de chômeurs. Le 16 août 2020, le président de la République, Kaïs Saïed, a promulgué le texte, qui a été publié dans le Journal officiel. Sa mise en œuvre était cependant conditionnée par la publication de décrets d’application, chose qui n’a jamais eu lieu.
En juillet 2023, le groupe parlementaire «Pour que le peuple triomphe» a présenté au Bureau de l’ARP la proposition de loi n° 23-2023 visant à instaurer des dispositions exceptionnelles permettant aux diplômées de l’enseignement supérieur, au chômage de longue durée et âgés de plus de quarante ans, d’être recrutés directement dans le secteur public. Les critères de priorité retenus par la commission parlementaire sont l’âge (plus de 40 ans), l’ancienneté du diplôme (plus de 10 ans), la situation familiale (un seul bénéficiaire par famille, sans prendre en considération le critère de l’âge) et la situation sociale (priorité aux personnes appartenant aux couches sociales vulnérables et aux personnes handicapées).
Le texte prévoit la création d’une plateforme numérique pour enregistrer les candidatures et classer les dossiers selon les critères définis. Les candidats doivent être inscrits dans les bureaux de l’emploi, ne pas avoir bénéficié de régularisation professionnelle antérieure, ne pas être affiliés à un régime de retraite et de couverture sociale sans interruption, ne pas avoir eu d’identifiant fiscal au cours des deux années précédant l’inscription sur la plateforme, et ne pas avoir contracté de prêt bancaire de plus de 40 000 dinars.
Les candidats retenus devraient être recrutés par vagues successives sur une période ne dépassant pas les trois ans à compter de la promulgation de la loi pour combler les postes vacants dans le secteur public (entreprises publiques, offices, etc.) et la fonction publique, tout en veillant à assurer l’équilibre entre les différentes spécialités lors du recrutement.
Le recensement général de la population et de l’habitat 2024, qui a été rendu public en septembre dernier, a révélé que les diplômés de l’enseignement supérieur constituent 16,8% du nombre total des chômeurs. Les données de l’Institut national de la statistique (INS) montrent également que le chômage des diplômés a atteint 24% au deuxième trimestre 2025, contre 23,5% au premier trimestre de la même année.
Walid KHEFIFI
