Une séance conjointe s’est tenue le jeudi 30 octobre 2025 au sein de l’Assemblée des représentants du peuple entre la Commission des finances et du budget et la Commission des finances au sein du Conseil national des régions et des districts, afin d’auditionner la ministre des Finances, Michket Slama Khaldi, au sujet du projet de budget de l’État pour l’année 2026.
À cette occasion, la ministre des Finances a souligné que le projet repose sur trois fondements essentiels, la concrétisation des principes constitutionnels, la promotion de la justice sociale et l’instauration d’un système fiscal équitable.
«Le projet de loi de Finances a été élaboré selon une vision nationale globale conforme aux principes constitutionnels. Il vise essentiellement à consacrer la justice sociale, à instaurer un système fiscal efficace limitant l’évasion fiscale, tout en consolidant le principe d’autonomie et en stimulant l’investissement», a-t-elle déclaré.
La ministre a également exposé les principaux indicateurs sur lesquels reposent les prévisions budgétaires de l’État pour 2026. Ces estimations s’appuient sur les résultats attendus de l’exercice 2025, ainsi que sur plusieurs hypothèses économiques clés. Elles prévoient notamment une amélioration du taux de croissance économique pour atteindre 3,3%, une progression des importations de marchandises estimée à 4%, ainsi qu’une stabilité du taux de change du dinar face aux principales devises.
Budget 2026 : les dépenses de l’État en hausse de 8,9%
Les dépenses du budget de l’État pour l’année 2026 sont estimées à 63 576 millions de dinars, soit une augmentation de 8,9%, équivalente à 5 194 millions de dinars, par rapport à 2025.
Les dépenses à vocation sociale représentent la part la plus importante du budget, avec 63,4% du total. En termes de répartition sectorielle, la masse salariale absorbe 39,7% des dépenses, tandis que les subventions mobilisent 15,4%. Les dépenses de développement représentent 18,8%, les dépenses de fonctionnement 4,6%, et les interventions à caractère social s’élèvent à 7,3%. Par ailleurs, les dépenses liées au service de la dette, notamment le paiement des intérêts, atteignent 11,3% du budget total.
Une augmentation de 7,3% des recettes fiscales pour l’année 2026
Concernant les ressources du budget de l’État, la ministre a annoncé que les recettes fiscales pour l’année 2026 sont estimées à 47,773 milliards de dinars, soit une augmentation de 7,3% par rapport aux résultats attendus pour 2025.
«Cette hausse des recettes fiscales sera rendue possible grâce à l’amélioration du rendement du recouvrement, à l’élargissement de l’assiette fiscale, au renforcement des mécanismes de contrôle et à la simplification des procédures administratives», a-t-elle précisé.
Par ailleurs, des efforts supplémentaires seront déployés pour lutter contre l’évasion fiscale et l’économie parallèle, à travers les opérations de terrain, l’intensification des contrôles fiscaux, la surveillance du commerce électronique, l’interconnexion des bases de données et l’adoption de dispositifs d’enregistrement des transactions.
En termes de chiffres, les recettes fiscales pour 2026 représenteront 60% du volume total du budget de l’État et 90,9% des recettes totales.
Dans ce contexte, le député Hassen Jarboui, membre de la Commission de l’agriculture, de la sécurité alimentaire, de l’eau et de la pêche, a souligné que le budget repose à 90% sur la fiscalité, ce qui reflète la même approche traditionnelle utilisée par le passé.
«Or, ce n’est pas de cette manière que l’on peut construire un modèle économique durable. Il est donc illusoire de parler d’autonomie ou de ressources naturelles, puisque le budget repose essentiellement sur les recettes fiscales», a-t-il expliqué.
Le député a également insisté sur le rôle du Parlement qui, à travers ses deux chambres, pourra introduire des amendements susceptibles d’influencer le pouvoir d’achat des Tunisiens. Selon lui, la loi de Finances doit se démarquer des précédentes et ne pas se limiter à la même approche traditionnelle.
51 878 recrutements et 1 000 millions de dinars pour l’augmentation salariale
En ce qui concerne les dépenses salariales, une enveloppe d’environ 25 267 millions de dinars a été allouée, soit 39,7% du total des dépenses et 13,4% du PIB. Ce budget vise à soutenir l’emploi à travers l’ouverture de recrutements dans la fonction publique, particulièrement au profit des titulaires de diplômes universitaires, avec 22 523 nouveaux postes prévus.
Il inclut la mise en œuvre de la première tranche du programme d’intégration des titulaires de doctorat, soit 1 350 postes, ainsi que la régularisation de la situation des ouvriers de chantiers, pour un total de 12 942 personnes en 2026.
La poursuite du programme d’intégration des enseignants suppléants du primaire, du collège et du lycée prévoit 13 837 postes, auxquels s’ajoutent 1 226 postes pour les conseillers pédagogiques et les surveillants.
Par ailleurs, un nouveau programme d’augmentation salariale a été approuvé pour les années 2026, 2027 et 2028, avec une enveloppe de 1 000 millions de dinars inscrite au titre des dépenses exceptionnelles et non réparties pour l’exercice 2026.
«Au total, le nombre de nouveaux recrutements et de régularisations pour l’année 2026 s’élève à 51 878 postes», a souligné la ministre des Finances.
4 993 MDT alloués au soutien des carburants
Le budget 2026 consacre des mesures importantes pour renforcer la justice sociale, protéger le système de soutien et soutenir le pouvoir d’achat des citoyens.
Pour l’année 2026, l’allocation pour le soutien aux carburants s’élève à 4 993 millions de dinars, soit 2,7% du produit intérieur brut et 7,9% des dépenses du budget.
«Des efforts seront également consentis pour mieux contrôler ces dépenses, notamment en améliorant la performance des entreprises publiques, en particulier STEG et STIR, en réduisant les coûts de production et en surveillant la distribution du gaz domestique», a insisté la ministre.
Elle a ainsi révélé que le soutien accordé par bouteille de gaz est fixé à 21,7 dinars, ce qui représente 71% du coût réel.
4 073 MDT dédiés à la sécurité alimentaire et à la protection du pouvoir d’achat
Le budget 2026 consacre aussi des mesures pour garantir la disponibilité des produits de base et assurer la sécurité alimentaire.
À cet effet, une enveloppe de 4 073 millions de dinars, soit 2,2% du PIB et 6,4% des dépenses budgétaires, est prévue pour le soutien aux produits essentiels, afin de protéger le pouvoir d’achat des citoyens.
«La valeur du soutien pour une baguette de pain s’élève à 456 millimes, soit 66% du coût réel», a indiqué Michket Slama Khaldi.
Retour prévu au marché international en 2026 avec un emprunt de 400 millions d’euros
La ministre a indiqué qu’il existe une possibilité de retour sur le marché financier international en 2026 pour l’émission d’un emprunt de 400 millions d’euros, soit l’équivalent de 1 375 millions de dinars, en précisant que cette opération se ferait selon les conditions tunisiennes.
«La dernière sortie de la Tunisie sur le marché financier international remonte à 2019», a-t-elle rappelé.
À ce sujet, Oussama Sahnoun, vice-président de la Commission des Finances au Conseil national des régions et des districts, a souligné que le projet de loi de Finances contient de nombreuses mesures louables, mais qu’elles doivent être renforcées par un soutien accru aux petites et moyennes entreprises ainsi qu’aux petits agriculteurs, étant donné que la Tunisie reste avant tout un pays agricole, et que le peuple tunisien a le droit de bénéficier pleinement de ses richesses.
Sahnoun a ajouté que le budget souffre d’un manque d’encouragement à l’investissement, ainsi que de l’absence quasi totale de mesures de développement au sein des régions. Concernant la possibilité de recourir à l’emprunt en 2026, il a rappelé que le Président de la République a toujours prôné l’autonomie financière et la rupture avec l’endettement, et que tout retour à l’emprunt soulève d’importantes interrogations.
Nouha MAINSI
