Depuis son expansion progressive, l’Intelligence artificielle (IA) est souvent perçue comme une menace pour les filières habituelles et connues de l’emploi. Certes, cette menace existe, surtout pour quelques métiers incapables d’y résister, mais elle peut être, également, une belle opportunité pour découvrir de nouveaux jobs et des spécialités inédites, surtout si la Tunisie parvient à valoriser ses atouts et son potentiel humain dans ce domaine.
Dans tous les coins du monde, l’Intelligence artificielle est en train de gagner du terrain et de s’imposer comme outil principal d’évolution et de progrès. Or, avec ses diverses technologies, elle présente une menace pour le marché de l’emploi qui risque d’être très lié à cette évolution et d’en dépendre dans une large mesure à l’avenir. Ceci veut dire que beaucoup de métiers, qui seront nettement dépassés par l’IA, vont progressivement disparaître avec leur lot de licenciements et de mise en chômage.
Or, selon les spécialistes dans ce domaine, il faut également voir la moitié pleine du verre puisque l’Intelligence artificielle (IA) est en passe de créer de nouvelles opportunités d’emploi à l’échelle mondiale. A ce propos, les experts parlent de 130 millions de nouveaux emplois qui devraient être créés dans le monde, tandis que 70 millions d’emplois traditionnels pourraient disparaître, selon les conclusions et les recommandations d’un forum économique international récemment organisé en Tunisie.
Pour Nadia Seghir, professeure de finance à la Faculté des sciences économiques de Tunis et l’une des animatrices de ce forum, ce rendez-vous a mis en évidence l’urgence de développer des métiers adaptés à la transformation numérique et aux évolutions technologiques. Elle considère que l’IA contribuera à l’amélioration de la productivité et à l’analyse des données, et fournira des outils facilitant l’exécution des tâches. Elle précise que l’avenir des professions économiques en Tunisie dépendra de l’intégration de l’intelligence artificielle dans le monde du travail.
Est-ce assez rassurant comme analyse et conclusion ? Certainement pas car, pour le moment, le doute et la crainte persistent au niveau du marché de l’emploi, de l’éducation et la formation et surtout, des mentalités. Qu’on le veuille ou pas, cette crainte est légitime du moment où on ne sait pas encore où nous mènera cette Intelligence artificielle.
Et au moment où beaucoup de gens commencent à évoquer des vagues de chômage en masse dans quasiment tous les pays du monde, à travers un Tsunami qui n’épargnera aucun pays, y compris la Tunisie, nos experts appellent à une réflexion sur l’avenir du marché de l’emploi. Ils avouent aussi que l’IA va avoir un impact sur les gens qui ne sont pas diplômés, parce qu’il y a des emplois moins qualifiés. Les employés qui seront les plus touchés sont ceux dont la tâche est à très faible valeur ajoutée et donc automatisable. Aujourd’hui, il est clair que l’IA va avoir influer sur cette catégorie d’employés, notamment sur les métiers du call center, juridique simple, ceux de la comptabilité, et autres.
Tirer profit de ces défis
Mais, comme toute destruction créatrice, l’IA va permettre aussi l’émergence de nouveaux métiers. L’IA peut également, selon ces mêmes experts, entraîner un autre aspect positif : la création de plus en plus de métiers à forte valeur ajoutée qui vont être, par contre, sous tension. Ainsi, l’IA aura un impact positif sur ceux qui se préparent à cette transformation. La Tunisie, qui forme un grand nombre d’ingénieurs, peut miser sur les métiers à très forte valeur ajoutée, comme les statistiques ou les mathématiques. Elle doit s’y préparer, tant sur le plan énergétique que numérique, avec des data centers et des investissements massifs. Cela permettra à la Tunisie de devenir un playground pour développer des compétences, des algorithmes et des connaissances exportables à l’international.
Il s’agira, sans aucun doute, d’un grand défi à relever et il va falloir préparer notre jeune génération à y faire face. D’ailleurs, c’est dans ce cadre qu’une initiative a été lancée il y a quelques jours au Kef. Ainsi, dans le cadre du projet PLANETE CLUBS, plusieurs clubs d’intelligence artificielle ont été créés dans 12 collèges et lycées de ce gouvernorat.
Pour rappel, le PLANETE CLUBS est mis en œuvre par l’association Jeunes Vers Leaders El Kef dans le cadre du projet SWAFY (Science With and For Youth) – financé par l’Union européenne en Tunisie, géré par l’ANPR, et inscrit sous le programme EU4Youth – Tunisia.
Savoir former et orienter
Ce projet rassemble de jeunes talents passionnés par les sciences et les technologies et met en lumière leur potentiel et leur dynamisme. Pour valoriser leurs acquis et encourager l’innovation, douze clubs d’IA ont participé le 1er novembre 2025 à une compétition régionale qui a permis aux élèves de mettre en pratique leurs connaissances, développer leur esprit d’équipe et exprimer leur créativité à travers des projets concrets d’intelligence artificielle.
Selon l’un des experts et formateurs dans ce domaine, il s’agit d’un moment fort d’échange, d’apprentissage et de motivation pour les jeunes du Kef, qui confirment leur place dans le futur des métiers technologiques. A ce propos, le dernier classement africain, dans lequel la Tunisie se positionne à la 2e place en matière d’IA sur le continent, est un indicateur de ce potentiel.
Selon ce même expert, nous sommes sur le droit chemin pour arriver à maîtriser cette nouvelle réalité. Il suffit de voir émerger, de plus en plus, des startups IA. La Tunisie, grâce aux ingénieurs qu’elle forme et aux talents qu’elle fait émerger, peut rayonner dans ce domaine. «Mais pour cela, il faut d’abord construire notre propre data, la préparer, créer une souveraineté sur nos informations afin de la valoriser nous-mêmes et ne pas dépendre des IA étrangères», estime-t-il.
Les participants à cette rencontre au Kef estiment que de tels rendez-vous doivent avoir lieu dans toutes les régions du pays. Il est évident que les jeunes se sont montrés très attirés par ce phénomène d’Intelligence artificielle et ils sont prêts à s’y intégrer, pour peu qu’on sache les former et les orienter comme il se doit.
Kamel ZAIEM
