La route continue de faucher des vies. Selon les dernières données publiées par l’Observatoire national de la sécurité routière (ONSR), le pays a enregistré une hausse inquiétante du nombre de décès liés aux accidents de la route depuis le début de l’année 2025. Au 4 novembre, 1 025 personnes ont perdu la vie, soit une augmentation de 3,74% par rapport à la même période de l’année précédente.
Derrière ces chiffres, c’est une tragédie humaine qui se répète jour après jour, dans un pays où chaque déplacement peut se transformer en drame.
Ce paradoxe alarme les autorités comme les observateurs. En effet, le nombre total d’accidents a reculé de 11,25%, passant de 4 941 à 4 385 depuis janvier. Les blessés ont également diminué de manière notable, avec 5 835 victimes contre 6 710 l’an dernier, soit une baisse de plus de 13%. Pourtant, malgré cette réduction globale des accidents, la mortalité routière augmente. Ce contraste révèle un problème structurel : les accidents sont peut-être moins nombreux, mais ils deviennent plus graves, plus violents, plus meurtriers.
Le gouvernorat de Tunis arrive en tête du triste classement avec 105 décès, confirmant la densité du trafic et la complexité de la circulation dans la capitale et ses environs. Le mois d’août, période de forte mobilité et de déplacements massifs vers les zones côtières, a été le plus meurtrier de l’année avec 135 morts. Ces tendances récurrentes traduisent à la fois une intensification du risque durant les périodes estivales et une fragilité persistante dans la gestion de la sécurité routière. Selon l’ONSR, le manque d’attention et de vigilance reste la principale cause des accidents, qu’il s’agisse de conducteurs distraits, de piétons imprudents ou de comportements dangereux sur la chaussée. À cela s’ajoute une autre réalité : la vitesse excessive, l’usage du téléphone portable au volant, le non-respect des priorités et la fatigue continuent d’alimenter cette spirale mortelle.
Un fléau social avant tout
Au-delà des statistiques, la question des accidents de la route est avant tout une tragédie sociale. Chaque décès bouleverse une famille, fragilise des foyers, crée des orphelins et plonge des communautés entières dans le deuil. En Tunisie, les routes sont devenues un miroir cruel des dysfonctionnements collectifs : manque de civisme, absence de prévention efficace, insuffisance des contrôles et vétusté de certaines infrastructures.
Les campagnes de sensibilisation menées par les autorités, souvent concentrées autour des grandes fêtes ou des vacances d’été, peinent à produire un effet durable. Le message de prudence est trop souvent perçu comme une simple formalité médiatique, alors qu’il devrait être intégré dans les habitudes quotidiennes. Dans plusieurs régions, le mauvais état des routes, l’éclairage défaillant et l’absence de signalisation aggravent les risques. Mais au-delà des infrastructures, c’est le comportement humain qui demeure au cœur du problème.
Les experts soulignent que la plupart des accidents pourraient être évités avec plus de discipline et de responsabilité. Le manque d’attention, première cause évoquée par l’ONSR, est souvent lié à une banalisation du danger. Regarder son téléphone, ne pas boucler sa ceinture ou négliger la vitesse autorisée sont des gestes qui paraissent anodins mais qui coûtent chaque année des centaines de vies.
Vers une culture de la sécurité routière
Face à cette situation, la Tunisie ne peut plus se contenter de constats. Le défi est d’instaurer une véritable culture de la sécurité routière, fondée sur la prévention, l’éducation et le contrôle. Cela passe par des campagnes ciblées, des programmes d’éducation dès l’école et un renforcement des sanctions pour les comportements dangereux. Il s’agit aussi de moderniser les infrastructures, d’améliorer la signalisation et de doter les routes d’équipements plus sûrs.
La responsabilité est collective : celle des autorités, des conducteurs, mais aussi des citoyens. Car la sécurité sur les routes tunisiennes n’est pas seulement une affaire de lois et de chiffres, c’est une question de respect et de conscience civique. Chaque geste compte, chaque seconde d’attention peut sauver une vie.
Alors que le pays s’efforce de moderniser ses infrastructures et d’adapter son économie aux exigences de l’avenir, il reste confronté à une réalité implacable : tant que la route restera un lieu de mort, aucun progrès ne pourra être pleinement célébré. La baisse du nombre d’accidents ne suffit pas à apaiser le deuil d’une nation qui, chaque année, voit plus d’un millier de ses citoyens perdre la vie sur l’asphalte. En Tunisie, la sécurité routière n’est plus seulement un enjeu technique, elle est devenue un combat pour la vie.
Leila SELMI
