Par Mondher Afi
Sous l’impulsion du Président Kaïs Saïed, la diplomatie tunisienne s’est affirmée comme un acteur lucide et mesuré dans la gestion d’un dossier aussi complexe et stratégique que celui de la Libye. La participation du ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger, Mohamed Ali Nafti, à la réunion du mécanisme de concertation tripartite sur la Libye, aux côtés de ses homologues algérien et égyptien, témoigne d’une approche diplomatique structurée, fondée sur la recherche de la stabilité régionale, la défense de la souveraineté des États et le refus des ingérences étrangères.
Le Président Kaïs Saïed appréhende la crise libyenne à travers une lecture systémique et multidimensionnelle, refusant de la réduire à un simple dossier de politique étrangère. Dans sa pensée géopolitique, la question libyenne s’inscrit au cœur d’un continuum stratégique où se rencontrent les impératifs de la sécurité nationale, la stabilité régionale et la solidarité entre peuples voisins. Pour le Président, les frontières qui séparent la Tunisie et la Libye ne sont pas de simples lignes tracées sur une carte, mais les maillons d’un destin commun façonné par l’histoire, la géographie et les interdépendances humaines et économiques.
Ainsi, la stabilité de la Libye ne constitue pas seulement une condition pour la paix du voisin de l’Est, mais une exigence existentielle pour la Tunisie elle-même. Une Libye fragmentée, livrée à la compétition des puissances étrangères et aux rivalités des milices, représente pour la Tunisie un risque direct, celui de l’insécurité, de la contrebande, de la migration non contrôlée et de la vulnérabilité économique. À l’inverse, une Libye souveraine, unifiée et stable, ouvre la perspective d’un espace maghrébin solidaire et d’une coopération économique capable de dynamiser les deux pays.
Dans cette optique, la vision du Président Kaïs Saïed se distingue par sa fidélité à un principe cardinal : la souveraineté populaire. Son approche repose sur une conviction ferme que toute solution véritable à la crise libyenne ne peut émerger que de l’intérieur, à travers un dialogue authentiquement libyen, dégagé des pressions, des injonctions et des agendas extérieurs. Pour lui, la paix n’est pas une marchandise diplomatique négociée entre capitales étrangères, mais un processus de réappropriation nationale par un peuple désireux de restaurer son unité et son destin.
Cette conception s’inscrit dans une philosophie politique plus large que le Président applique également à la Tunisie, celle de l’autodétermination et de la légitimité populaire comme fondements de tout ordre politique. La Libye, dans cette lecture, devient le miroir d’un combat universel entre la souveraineté des peuples et la logique des puissances. C’est pourquoi le Président rejette fermement toute tentative d’imposition d’un modèle politique ou institutionnel dicté par des intérêts géostratégiques étrangers. Il considère que la crise libyenne a été aggravée par la multiplication des interventions extérieures qui, au nom de la stabilisation, ont souvent entretenu la division et la dépendance.
Sous l’impulsion du Président, la Tunisie défend donc une diplomatie de la neutralité active : ni alignée, ni indifférente, mais vigilante et engagée dans la recherche d’une solution endogène. Cette posture se traduit par une participation constructive aux mécanismes de concertation régionale, notamment avec l’Algérie et l’Égypte, tout en maintenant un dialogue constant avec les institutions internationales. Le Président Kaïs Saïed y voit non pas une simple coordination politique, mais la matérialisation d’un principe fondamental : la responsabilité collective des pays du voisinage face à une crise qui menace l’équilibre du Maghreb tout entier.
En profondeur, cette approche révèle une conception éthique et civilisationnelle de la diplomatie. Pour le Président, la politique étrangère ne doit pas être guidée par des logiques de puissance, mais par la fidélité aux valeurs de justice, de solidarité et de respect mutuel. Dans la crise libyenne, cela se traduit par un plaidoyer constant pour la réconciliation nationale, la reconstruction institutionnelle et la restauration de la dignité du peuple libyen. La Tunisie, fidèle à sa tradition de médiation et de dialogue, se positionne comme un espace de convergence et non de compétition.
En définitive, la vision du Président Kaïs Saïed face à la crise libyenne s’articule autour d’une lecture profondément réaliste mais moralement exigeante, celle d’un État qui comprend que sa propre stabilité dépend de la paix de son voisin, et qui choisit de bâtir sa diplomatie sur la confiance dans la capacité des peuples à se gouverner eux-mêmes. C’est une approche qui conjugue prudence stratégique et idéal de souveraineté, et qui réaffirme la place de la Tunisie comme conscience lucide du Maghreb et partenaire sincère dans la construction d’un avenir régional fondé sur la stabilité, la dignité et l’indépendance.
Une diplomatie de voisinage fondée sur l’équilibre et la concertation
La participation du ministre Mohamed Ali Nafti à la réunion d’Alger du 6 novembre 2025 s’inscrit dans cette logique d’équilibre et de coopération concertée. La Tunisie, l’Algérie et l’Égypte, en tant que pays voisins directement concernés par les répercussions de la crise libyenne, partagent une responsabilité commune : prévenir toute escalade militaire, favoriser la réconciliation interne et garantir la sécurité de leurs frontières respectives. Sous la présidence de Kaïs Saïed, la Tunisie a constamment œuvré à renforcer cette diplomatie de proximité, privilégiant le dialogue avec les partenaires naturels de la région. Ce choix s’oppose à une diplomatie d’alignement ou de bloc, préférant un axe de stabilité maghrébo-africain fondé sur la neutralité active et la concertation permanente.
La lecture tunisienne du dossier libyen dépasse le seul prisme sécuritaire. Le Président Saïed y voit un enjeu multidimensionnel où se mêlent les questions de développement, d’unité institutionnelle et de justice sociale. La feuille de route libyenne soutenue par Tunis repose sur trois piliers : l’établissement d’un cadre électoral techniquement fiable et politiquement consensuel, la reconstruction d’un appareil institutionnel unifié garant de la souveraineté libyenne et la promotion d’un dialogue structuré et inclusif entre toutes les composantes du peuple libyen. Cette démarche illustre la conviction du Président selon laquelle la paix durable ne peut être séparée du développement. Pour lui, la sécurité véritable est celle qui s’enracine dans la justice, l’emploi et la prospérité partagée.
Une diplomatie tunisienne repensée : entre lucidité géopolitique et éthique de la souveraineté
Kaïs Saïed s’efforce de concilier le réalisme géopolitique avec un idéal profondément humaniste, celui du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Son approche du dossier libyen incarne cette tension féconde entre principe et pragmatisme.
Face à la pluralité des acteurs – puissances régionales, factions locales, organisations internationales – la Tunisie adopte une posture d’équilibre dynamique, évitant les rivalités d’influence et privilégiant la médiation. Cette stratégie se traduit par un dialogue constant avec les partenaires égyptien et algérien, tout en maintenant des canaux ouverts avec les Nations unies et les autres acteurs internationaux.
Sous la direction actuelle de l’État, la politique étrangère tunisienne se définit comme un exercice de souveraineté éclairée, rationnelle et fondée sur des principes moraux. Elle s’ancre dans une philosophie politique considérant la diplomatie non comme un simple instrument de positionnement international, mais comme une extension de la conscience nationale. Trois axes en structurent la cohérence : la neutralité positive, la primauté du droit international et la solidarité africaine. Ces fondements expriment une conception à la fois juridique et éthique de l’action extérieure, où la puissance se manifeste non par la domination, mais par la constance des principes.
Dans la gestion du dossier libyen, cette cohérence prend tout son sens. Refusant les logiques d’ingérence, la Tunisie se positionne en médiateur éclairé, soucieux de la paix et de l’intégrité des peuples. Ce choix n’est pas de circonstance : il renvoie à une lecture profonde du réel, fondée sur l’idée qu’aucune stabilité ne peut naître de la dépendance ou de la violence imposée. Dans l’esprit du Président, la paix est un processus civique et souverain, fruit de la responsabilité partagée. Cette posture rappelle la pensée d’Emmanuel Kant pour qui la paix durable n’est pas une suspension de la guerre, mais «un ordre fondé sur le droit». Elle rejoint également l’approche de Raymond Aron, selon laquelle la diplomatie doit être «l’art du possible, sans jamais renoncer à la morale».
En plaçant la crise libyenne au cœur de la réflexion maghrébine, Kaïs Saïed redonne à la Tunisie son rôle d’architecte moral dans une région souvent fracturée par les rivalités de puissance. Il promeut un Maghreb des peuples, fondé sur la coopération, la justice et la complémentarité économique. Cette vision, à la fois idéaliste et pragmatique, inscrit la Tunisie dans le temps long, celui de la reconstruction d’un espace régional souverain, libéré des tutelles et fidèle à la vocation humaniste du pays.
La constance tunisienne : une diplomatie du sens et de la fidélité aux principes
Les défis auxquels fait face la diplomatie tunisienne demeurent considérables : fragmentation institutionnelle en Libye, prolifération des milices, rivalités étrangères et méfiance populaire. Pourtant, la Tunisie persiste dans une voie singulière : ni neutralité passive ni alignement stratégique, mais engagement réfléchi. Cette constance confère à sa diplomatie une rare crédibilité dans un environnement où les revirements sont monnaie courante. Le Président Saïed, dans sa posture et son langage, redonne à la politique internationale sa dimension morale, rappelant que la souveraineté des peuples n’est pas négociable.
Cette orientation évoque la pensée d’Antonio Gramsci, pour qui la véritable hégémonie est d’abord culturelle et morale avant d’être politique. En ce sens, la Tunisie exerce une forme d’«hégémonie morale» : elle défend l’indépendance tout en inspirant la confiance, s’érigeant en conscience critique face aux logiques d’asservissement. Dans cette perspective, et à la manière d’un Raymond Barre ou d’un Boutros Boutros-Ghali, la diplomatie tunisienne s’appuie sur le droit et la responsabilité partagée, refusant la rhétorique creuse au profit d’un réalisme éthique.
La réunion d’Alger illustre pleinement cette ligne de conduite : loin d’un simple geste diplomatique, elle symbolise l’affirmation d’une vision stratégique articulant justice, paix et souveraineté. Par cette constance, la Tunisie se positionne comme un acteur porteur de sens dans un monde fragmenté. Elle rappelle, dans l’esprit de Paul Ricœur, que «l’éthique précède la politique», et que toute action internationale doit d’abord servir la dignité humaine. Ainsi, la politique étrangère de la Tunisie s’affirme comme une refondation intellectuelle et morale, érigeant la souveraineté en fondement de la liberté.
