Dans nos marchés, la flambée des prix des viandes rouges devient chronique et n’obéit plus à la loi de l’offre et de la demande. L’Etat a opté, dans certaines situations, pour l’importation de viandes réfrigérées, mais cette flambée a la peau dure et le consommateur n’a quasiment jamais accès à ce produit importé et se trouve obligé de composer avec de la viande à un tarif largement hors de sa portée. C’est dire que les autorités compétentes doivent intervenir plus énergiquement pour ramener ces tarifs à un niveau acceptable pour tout le monde…
Les prix de la viande rouge en Tunisie, aussi bien bovine qu’ovine, connaissent une hausse continue, avec des tarifs dépassant largement les limites du pouvoir d’achat du citoyen ordinaire. Ces dernières semaines, on a opté pour l’importation de viande réfrigérée de quelques pays européens (Roumanie, Espagne…), mais il est évident que cette opération n’a presque rien changé au décor planté depuis des mois.
Selon la version officielle des autorités compétentes, la conjoncture actuelle du marché local est marquée par des tensions importantes tant au niveau de l’approvisionnement qu’à celui des prix, résultant principalement des années successives de sécheresse ayant réduit la production nationale. Or, on a constaté, à la période de l’Aïd El Idha, l’abondance au niveau du cheptel avec des déclarations officielles que le pays dispose de la quantité suffisante pour permettre aux citoyens de fêter convenablement l’Aïd.
D’ailleurs, les dernières statistiques publiées par l’INS confirment cette tendance, avec une hausse de 19,1% des prix de la viande d’agneau et de 5,4% dela viande bovine durant la saison estivale, par rapport à la même période de 2024.
La viande importée s’est… évaporée
Que faire, dès lors, pour faire baisser les prix et pour relancer la consommation de la viande ? La seule option qui s’est dégagée impose le recours à l’importation, et c’est dans ce cadre que le ministère du Commerce a décidé d’importer 200 tonnes de viande d’agneau réfrigérée, réparties à raison de 20 tonnes par semaine. Cette mesure vise, nous a-t-on expliqué, à répondre aux pressions croissantes sur le marché dues à la baisse de la production locale et à baisser le prix à la vente puisqu’il a été fixé, pour cette viande d’agneau importée, à 38,900 dinars le kilogramme.
Or, ces quantités importées se sont vite «évaporées», sans que le consommateur les croise au marché et dans les boucheries. Les prix, qui avoisinent les 60 dinars, n’ont pratiquement pas bougé et la viande importée a été mystérieusement vendue dans d’autres circuits que ceux qu’on connaît alors que les points de vente annoncés n’ont reçu que des quantités minimes.
C’est dire que les «décideurs», dans les circuits de distribution, font encore la loi et tout passe par leurs réseaux pour garder la main sur les prix affichés à la vente en détail.
Rebelote pour le prix de la viande bovine qui connaît la même flambée. Il y a deux mois, le ministère du Commerce a ordonné, pour pallier ce déficit, l’importation hebdomadaire de 20 tonnes de viande bovine réfrigérée, vendue à 37,900 dinars le kilogramme pour le filet et à 34 dinars pour le gîte. Résultat : il n’y a eu aucune trace de cette viande chez les bouchers à part des miettes dans les grandes surfaces ainsi que chez les bouchers «modèles».
Et le scénario va se reproduire de nouveau durant les prochains jours puisqu’on vient d’annoncer le lancement d’une opération d’importation de viande bovine réfrigérée du Brésil, certifiée, nous dit-on, par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Selon le président de la Chambre nationale des bouchers, le kilogramme de viande bovine atteint désormais environ 48 dinars dans certaines régions, et les prix pourraient encore augmenter lors du prochain Ramadan, d’où la nécessité d’en importer pour répondre à une forte demande. Il tient à préciser que cette flambée des prix est principalement due à la pénurie du cheptel local et des fournisseurs. Pour y remédier, il appelle à accélérer l’importation de viande bovine du Brésil, d’autant plus que la Tunisie dispose d’une entente avec ce pays ami permettant de telles opérations d’importation.
Agir avec plus de rigueur
S’agit-il de la meilleure solution pour remédier à cette situation ? Depuis des mois, le prix de l’agneau a dépassé la barre symbolique des 60 dinars le kilo dans certaines régions. Une inflation insoutenable pour les ménages moyens, dont la consommation de viande rouge se réduit comme peau de chagrin avec un pouvoir d’achat déjà ébranlé. Cette envolée s’explique, selon les parties prenantes, par une équation à trois inconnues : sécheresse persistante, bien que les moyennes de pluviométrie aient été bonnes durant l’année 2025, effondrement de la production locale et… spéculation.
L’État tente toujours d’y répondre par la régulation et l’importation, mais il s’agit d’un palliatif, pas d’une solution structurelle et loin de toute initiative musclée pour arrêter l’hémorragie et mettre hors circuit les spéculateurs.
La création de points de vente pilotes, la mobilisation de la Société «Ellouhoum» et la distribution directe visent à court-circuiter les intermédiaires. Or il est évident que cette option ne donne pas l’impression de faire changer les choses au niveau des prix et l’Etat ne doit plus se limiter à un rôle de pompier qui arrive à éteindre l’incendie d’un côté pour voir le feu refaire surface de l’autre côté !
Kamel ZAIEM
