À l’occasion de la fête nationale de l’arbre, le président de la République, Kaïs Saïed, a planté, dimanche dernier, un olivier dans les jardins du nouveau siège du Conseil national de l’éducation. Un geste hautement symbolique, accompagné d’un message fort : la réforme commence par l’enseignement».
Pareil à l’arbre de la connaissance de Descartes, l’olivier est un arbre dont les racines s’enfoncent profondément dans la terre pour résister aux tempêtes, un symbole de paix, de longévité et de résilience. C’est une métaphore du système éducatif tunisien, appelé à être régénéré, mais sans renier ses fondements historiques et identitaires. C’est ainsi que toute réforme durable doit reposer sur un socle solide : la connaissance, la culture et la conscience nationale. Réformer l’enseignement ne signifie pas seulement moderniser les programmes ou les infrastructures. Il s’agit avant tout de refonder le modèle éducatif sur des valeurs de patriotisme, de dignité et de justice sociale. Le Président a souligné que la Tunisie doit retrouver un enseignement qui forme des citoyens libres, responsables et conscients de leur rôle dans la construction du pays. Ce message intervient dans un contexte où le système éducatif tunisien fait face à de nombreux défis, à savoir la baisse du niveau scolaire, malgré la généralisation de l’accès à l’éducation, le déséquilibre entre formation et marché de l’emploi, qui alimente le chômage des diplômés, les disparités régionales qui creusent les inégalités entre écoles urbaines et rurales. Sans parler de la dégradation des infrastructures, souvent dénoncée par les enseignants et les parents d’élèves.
Dégradation des établissements scolaires et danger imminent
En effet, l’infrastructure scolaire en Tunisie présente un état préoccupant marqué par des déficits importants, notamment dans les zones rurales. Il y a une dégradation notoire de certains établissements scolaires. Ce qui constitue un danger pour les élèves et les enseignants. Pas plus tard que lundi dernier, une partie du plafond d’une salle de classe au lycée Ibn Khaldoun à Fernana, s’est effondrée. Ce qui a semé la panique parmi les élèves, mais heureusement qu’il y a eu plus de peur que de mal avec un élève qui s’en est sorti avec quelques égratignures. Tandis qu’une autre élève, choquée, a eu une montée du taux de glycémie. Ces deux élèves ont été secourus à l’hôpital régional puis ramenés chez eux. Précédemment, il y a eu d’autres incidents tels que celui survenu au lycée secondaire de Dar Chaâbane El Fehri à Nabeul ou encore, la chute d’un mur sur des écoliers de passage faisant 3 victimes dans la ville de Mezzouna, du gouvernorat de Sidi Bouzid. Ces incidents survenus dans ces lycées, ainsi que dans d’autres bâtiments scolaires vétustes et menaçant ruine, sont autant d’indices révélateurs de la négligence et du laisser-aller des responsables que ce soit durant l’ancien régime ou durant la décennie noire. Il y a actuellement un programme de rénovation des bâtiments scolaires qui sont dans un état de délabrement et dans lesquels il n’y a eu aucune maintenance depuis qu’ils ont été construits. Selon Ferid Feddaoui, secrétaire général de la section régionale de l’enseignement secondaire à Jendouba, «les établissements datent de l’époque de l’indépendance et n’ont pas été rénovés et il y a absence d’entretien régulier des salles de classe. Ce qui constitue un danger certain aussi bien pour les élèves que pour le personnel enseignant.
Redorer le blason du système éducatif
Le combat pour redorer le blason du système éducatif tunisien continue et il n’est point question d’abandonner face à cette décadence. Le gouvernement met en œuvre des initiatives de modernisation et d’investissement pour y remédier. Les problèmes incluent des bâtiments délabrés et un manque d’équipements de base, tels que l’eau potable et les sanitaires, tandis que de nouveaux projets de construction, de rénovation et d’équipement sont en cours, avec une enveloppe de plus de 480 millions de dinars mobilisés pour la rentrée 2025. Une répartition équitable des ressources et une planification à long terme sont indispensables pour garantir à tous les élèves tunisiens un environnement d’apprentissage sûr, sain et stimulant. A part le problème de l’infrastructure, il y a également celui du déséquilibre entre formation et marché de l’emploi. Le fossé entre la formation universitaire et les besoins réels du marché de l’emploi ne cesse de se creuser. Chaque année, des milliers de diplômés peinent à trouver un poste correspondant à leur qualification, tandis que de nombreux secteurs industriel, agricole, technologique ou artisanal souffrent d’un manque criant de compétences pratiques.
La bataille de la compétence et de l’emploi
Par ailleurs, les programmes d’enseignement supérieur restent, dans leur grande majorité, centrés sur la théorie. Les stages sont souvent perçus comme de simples formalités, souvent sans véritable accompagnement ni débouché professionnel. Ce modèle produit des diplômés bien formés sur le plan académique, mais insuffisamment préparés aux exigences concrètes du monde du travail. Les entreprises tunisiennes, notamment les PME et les startups, déplorent le manque de coordination avec le système universitaire. Les besoins en compétences évoluent rapidement, notamment dans les domaines du numérique, de la maintenance industrielle ou des énergies renouvelables. Toutefois, l’offre de formation reste figée. L’absence de passerelles solides entre universités et entreprises empêche une adaptation fluide. Ainsi, une réforme en profondeur s’impose et elle commence par l’enseignement. C’est à ce niveau que se joue la bataille de la compétence et de l’emploi.
Le diplôme, tremplin vers l’innovation
Ainsi, sans un enseignement qui transmet la discipline, l’éthique et le sens du bien commun, aucune société ne peut espérer bâtir un avenir stable et prospère. Comme l’arbre, l’éducation se nourrit de racines profondes, celles de la culture nationale, de la langue arabe, de la mémoire historique et des valeurs de solidarité. Au-delà des réformes techniques, c’est toute une culture de la réussite qu’il faut repenser. Le diplôme ne doit plus être une fin en soi, mais un tremplin vers l’innovation, la créativité et l’esprit d’entreprise. Sans cela, le chômage des diplômés, qui dépasse les 30% dans certaines régions, continuera à miner la cohésion sociale. La Tunisie dispose d’un capital humain immense, mais encore mal orienté. L’enjeu n’est pas seulement de créer des emplois, mais d’assurer une adéquation durable entre formation, production et développement. Réconcilier l’école avec l’économie, c’est redonner sens à la promesse républicaine, celle d’un enseignement qui forme des citoyens utiles à eux-mêmes et à leur pays. Dans l’esprit du Président Kaïs Saïed, l’éducation n’est pas une dépense, mais un investissement d’avenir, le point de départ de toutes les réformes à venir.
Ahmed NEMLAGHI
