L’éducation a dominé les débats des parlementaires au cours de la tenue de la Commission de l’éducation, de la formation professionnelle, de la recherche scientifique, de la jeunesse et des sports avec le ministre de l’Éducation sur le projet de budget de la mission éducative pour l’année 2026, en présence des membres de la Commission des services et du développement social du Conseil national des régions et des gouvernorats qui ont pris la parole pour poser des questions directes aux ministres.
Ainsi, des sujets cruciaux ont été abordés, à savoir l’amélioration de la qualité de l’éducation et le développement des compétences et des connaissances, le renforcement de la justice sociale dans le domaine de l’éducation, la modernisation de l’administration éducative et l’amélioration de la qualité de la performance tout en mettant en lumière les préoccupations de l’école tunisienne.
Lors du débat général, les intervenants ont souligné la nécessité d’accélérer la réforme globale du secteur éducatif basée sur une vision stratégique claire, compte tenu du recul des acquis d’apprentissage des élèves tunisiens. Les interventions des députés ont porté sur un certain nombre de problèmes structurels liés principalement aux infrastructures vieillissantes, à la question du transport et à la restauration scolaire. L’école d’hier n’est plus adaptée aux exigences actuelles et encore moins aux défis de demain, aux mutations économiques, technologiques et sociétales qui s’opèrent en Tunisie et dans le monde. Face à cette situation, les députés proposent un véritable nouveau contrat social pour moderniser l’école et l’adapter aux réalités du XXIe siècle.
Ils ont appelé ainsi à la révision des programmes et du temps scolaire, l’organisation de la journée et de la semaine, le calendrier des vacances, la formation des enseignants. Il est vrai qu’on continue de parler de l’intérêt de l’élève tout en le soumettant à des journées épuisantes et improductives intellectuellement, à un calendrier annuel aberrant ou à un programme tellement chargé qu’il se verra souvent obligé d’effectuer des cours de soutien ou de recourir à des cours particuliers pour arriver à obtenir de bons résultats. Les volumes horaires et l’élaboration des emplois du temps mériteraient selon les députés de faire l’objet d’un examen minutieux qui tiendrait compte de l’âge des apprenants, de leurs activités, de l’effort intellectuel et physique fourni pour éviter les risques de saturation qui engendre la lassitude, le surmenage et finalement le dégoût des élèves dont les résultats pâtissent.
Repenser le temps scolaire
La programmation judicieuse des activités culturelles et sportives s’avère indispensable. Certains députés ont insisté sur la nécessité de repenser le temps scolaire et de réintroduire des salles de révision dans les lycées et les collèges. La lutte contre les drogues et la prévention contre les conduites addictives et les comportements à risque constituent un réel enjeu national, en particulier auprès des jeunes scolarisés. Cette population, la plus vulnérable, est sujette à une initiation et à une consommation précoce. Mal-être, troubles du comportement, exclusion, etc., les jeunes nécessitent une attention et une protection spécifiques, selon les députés qui ont appelé à faire face à l’augmentation du taux d’abandon scolaire et à lutter contre la prolifération de la drogue dans l’environnement scolaire. La violence en milieu scolaire a pris des proportions alarmantes ces dernières années. À l’école, chaque enfant devrait se sentir respecté, accepté et en sécurité, afin de pouvoir apprendre et s’épanouir. Pourtant, de nombreux élèves sont encore victimes de violences et de harcèlement. Et à l’heure des réseaux sociaux, ces phénomènes ne s’arrêtent plus aux portes de l’école, ils se poursuivent et s’amplifient en ligne. Ce phénomène de société se manifeste sous différentes formes, physique, verbale et psychologique. Les violences verbales restent les formes d’abus les plus courantes dans les écoles. Moqueries, insultes, humiliations et sobriquets représentent le triste panel de violences subies par les élèves. Dans le cadre de la rupture avec l’emploi précaire, les députés ont exigé la régularisatin de la situation des professeurs et enseignants suppléants non rémunérés de 2006 à 2024 et ont examiné les irrégularités qui entachent le dossier des agents d’encadrement et des conseillers pédagogiques, ainsi que la situation des maîtres de conférences. Ils ont affirmé que la réforme de l’éducation ne peut aboutir qu’à travers la valorisation du rôle de l’enseignant et l’amélioration de ses conditions de travail, afin que l’école tunisienne retrouve son rôle moteur dans la connaissance et le développement.
La réponse du ministre : assurer un bon apprentissage à nos élèves
En réponse aux observations et questions des députés, le ministre de l’Éducation, Noureddine Nouri, a bien présenté la stratégie de son ministère pour assurer un bon apprentissage aux élèves. Il a indiqué que les interventions du ministère pour remédier aux problèmes de détérioration des infrastructures des établissements éducatifs toucheront toutes les régions, que ce soit en termes de maintenance, de réhabilitation ou même de création de nouveaux établissements, ce qui fait partie du plan du ministère qu’il a commencé à mettre en œuvre. Il a indiqué que le taux d’intervention du ministère pour la maintenance et le renouvellement a dépassé 30%. Des crédits financiers ont été alloués à la mission présentée pour compléter la maintenance d’environ 40% des établissements éducatifs. Il a expliqué que la solution au problème de la surpopulation ne réside pas dans l’extension des établissements existants, mais dans la création de nouveaux établissements. La révision des programmes pédagogiques et du temps scolaire fait partie des sujets importants abordés dans la réforme éducative.
Le ministère ne ménage aucun effort pour résoudre tous les problèmes liés aux établissements éducatifs et s’efforce d’améliorer les services scolaires en matière d’hébergement, de restauration et de surmonter les difficultés liées au transport scolaire avec les autres ministères et les structures impliquées dans le domaine éducatif. 94 nouveaux établissements éducatifs ont été créés pour un coût dépassant 224 millions de dinars, alors que 1 848 projets sont toujours en cours, pour un coût de 44 millions de dinars, ciblant 829 institutions scolaires, outre les fonds qui ont été alloués au renforcement des équipements, (163 millions de dinars) du matériel informatique et des laboratoires (136 millions de dinars). Noureddine Nouri a annoncé qu’en 2026, 73 nouveaux bus seront acquis pour renforcer la flotte et un budget de 157 millions de dinars sera également alloué à la création de 19 nouveaux établissements éducatifs tous niveaux confondus.
Une éducation tournée vers le monde de demain
L’équipement des établissements est également la priorité du ministère. Un nombre important d’équipements avait été distribué aux délégations régionales de l’éducation au cours de cette année, comprenant des équipements éducatifs, informatiques et du mobilier scolaire. Les laboratoires mobiles ont également été généralisés dans tous les collèges et lycées. Le ministre a, en outre, souligné la nécessité d’adopter de nouvelles approches de réforme plus efficaces, capables d’anticiper les mutations futures liées à la numérisation, à l’intelligence artificielle, aux changements climatiques et à l’économie verte, afin que l’école tunisienne devienne une institution tournée vers l’avenir.
Concernant la sécurité des établissements scolaires, Noureddine Nouri a indiqué que le ministère de l’Éducation avait élaboré un plan en collaboration avec le ministère de l’Intérieur pour encadrer ces établissements, en plus d’un travail effectif, quotidien et d’un suivi continu de la situation dans l’environnement des écoles. Le milieu scolaire est l’un des principaux milieux de vie des jeunes et est particulièrement structurant pour leur santé mentale. Les jeunes scolarisés vivent des périodes de bouleversement pendant lesquelles peuvent apparaître des signes de mal-être et des troubles psychiques. Le sujet de la santé mentale des jeunes est au cœur de toutes les préoccupations. De la maternelle au lycée, en passant par le primaire et le secondaire, les élèves des écoles font face à une augmentation nette de leur niveau de stress et d’anxiété. Le ministre a souligné que le nombre de psychologues sera renforcé avec le recrutement de 26 psychologues, précisant que son ministère suit en temps réel le déroulement de l’année scolaire et interviendra rapidement pour résoudre tout problème urgent.
Bref, le ministère de l’Education, tout comme les députés voudraient réinventer l’éducation, repenser sa raison d’être et ses objectifs. Ils proposent une approche innovante pour construire une nouvelle culture de l’école et transformer l’éducation en profondeur. Toujours faudrait-il toutefois que l’éducation s’actualise et se tourne vers le monde de demain.
Kamel BOUAOUINA
