Le projet de loi de Finances (PLF) 2026 place l’agriculture au cœur de ses priorités, avec une série de mesures destinées à soutenir les petits agriculteurs, moderniser les exploitations et renforcer la résilience du secteur face aux défis climatiques et économiques. Entre allégements fiscaux, nouvelles aides et programmes de modernisation, le PLF trace les contours d’une stratégie agricole renouvelée.
Cette orientation est d’autant plus privilégiée que le Président Kaïs Saïed fait de l’agriculture l’un des piliers centraux de la stratégie nationale de développement économique. Dans une conjoncture marquée par les crises successives, il considère ce secteur comme un levier déterminant pour renforcer la souveraineté alimentaire, dynamiser l’investissement et créer de la valeur ajoutée.
En effet, le rapport de la commission financière des deux Chambres législatives a prévu l’ajout de sept articles au projet initial de la loi de Finances 2026, présentés par le gouvernement et ce, concernant divers domaines. Le quatrième article prévoit l’exonération des catégories agricoles touchées par la sécheresse et le manque d’eau, de certains frais de location. Un plan d’appui structuré dans le PLF 2026, a été conçu pour l’agriculture en Tunisie qui, depuis quelque temps, a été confrontée à la sécheresse, au manque d’investissements et à la fragilité des petites exploitations. Exonérations, incitations, modernisation : les nouvelles mesures ambitionnent de remettre le secteur sur la voie de la souveraineté alimentaire et du développement équitable. A ce titre, la vice-présidente de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), Sawsen Mabrouk, a dans une publication sur sa page Facebook, déclaré que les mesures votées ne relèvent pas de simples réactions politiques, mais de «démarches législatives réfléchies» destinées à débloquer des dossiers en suspens depuis des années. Parmi ces dossiers, celui des agriculteurs, notamment les petits fellahs dans les régions marginalisées et longtemps négligées. Ils sont en vertu des mesures du PLF 2026, exemptés des frais de location des terres domaniales. Ce qui constitue un soutien direct à «des centaines de milliers de familles», a encore souligné Sawsen Mabrouk. Peuvent également profiter de ces exemptions, les ouvrières agricoles, surtout si elles se mettent en sociétés communautaires. D’autant plus que ces dernières sont considérées comme un levier économique pour ces régions.
Repositionnement de l’agriculture dans le modèle économique national
Ainsi, le PLF 2026 met en avant une batterie de mesures destinées à remettre sur pied un secteur agricole durement éprouvé par une succession de crises : sécheresse, hausse des intrants, endettement chronique, baisse de productivité et fragilisation des filières stratégiques. L’orientation budgétaire retenue témoigne d’une volonté politique claire : repositionner l’agriculture au cœur du modèle économique national, non seulement comme moteur de croissance, mais aussi comme pilier de la sécurité alimentaire et de la stabilité sociale. Parmi les dispositions phares, figure en premier lieu la facilitation du crédit, à travers l’exonération des frais d’enregistrement sur les contrats de prêts accordés aux petits agriculteurs et pêcheurs. Une mesure censée alléger les charges financières des exploitants les plus vulnérables et fluidifier l’accès au financement qui est souvent entravé par des procédures lourdes et des coûts prohibitifs. Le PLF 2026 met également un accent particulier sur le renforcement des filières stratégiques, notamment celles des céréales, de l’élevage, de l’arboriculture et de la pêche. L’objectif étant d’améliorer les capacités de production et de moderniser les exploitations, tout en rehaussant la compétitivité de chaînes de valeur essentielles mais fragilisées. Depuis plusieurs années, ces filières souffrent d’un manque chronique d’investissement, d’une faible intégration technologique et de marges de rentabilité limitées, malgré leur rôle déterminant dans la sécurité alimentaire et l’équilibre du commerce extérieur. Le PLF entend ainsi mettre fin à ces vulnérabilités structurelles en encourageant la modernisation, la structuration des circuits de distribution et le développement de pratiques agricoles plus performantes.
Transition vers une agriculture plus durable
Un second axe majeur du projet concerne la gestion des risques climatiques, devenue incontournable dans un pays confronté à des épisodes de sécheresse prolongée, à des pluies irrégulières et à une désertification avancée. Le PLF 2026 prévoit, à ce titre, la mise en place de mécanismes d’assurance agricole plus efficaces, destinés à compléter et renforcer le rôle du Fonds des calamités naturelles. L’objectif est de permettre aux agriculteurs de mieux absorber les chocs climatiques, de sécuriser leurs revenus et d’assurer la continuité des activités agricoles, même en période de perturbations majeures. Une telle démarche s’inscrit dans une logique de résilience et de prévention, indispensable à la stabilité du secteur. Par ailleurs, le texte oriente des investissements ciblés vers des projets structurants : modernisation des systèmes d’irrigation, amélioration des infrastructures rurales, soutien aux technologies agricoles innovantes et mécanisation progressive des exploitations. Ces investissements sont conçus pour relever les défis de la productivité, réduire la forte dépendance aux importations alimentaires et accompagner la transition vers une agriculture plus durable, plus efficiente et mieux adaptée aux contraintes environnementales. En somme, les mesures proposées traduisent une volonté affirmée de faire de l’agriculture un pilier central de la relance économique. Elles visent à soutenir à la fois les filières stratégiques et les catégories les plus vulnérables, à savoir les petits agriculteurs et les pêcheurs, tout en engageant une transformation structurelle du secteur. Une approche qui, si elle est menée avec rigueur, pourrait permettre à l’agriculture tunisienne de retrouver son rôle moteur dans le développement national.
Plus de résultats et moins de discours
En définitive, les mesures portées par le PLF 2026 traduisent un changement d’approche dans la politique agricole tunisienne : il ne s’agit plus seulement de répondre à l’urgence, mais de s’attaquer aux causes profondes du déclin du secteur. En soutenant les petits agriculteurs, en modernisant les filières stratégiques, en renforçant la résilience face aux risques climatiques et en investissant dans des infrastructures durables, l’État affirme sa volonté de remettre l’agriculture au cœur du développement national. Toutefois, la réussite de cette stratégie dépendra de plusieurs défis majeurs : la capacité de l’administration à déployer rapidement les mesures prévues, l’efficacité des mécanismes de financement, la coordination entre institutions publiques et acteurs professionnels et la régularité des investissements. Si ces conditions sont réunies, le PLF 2026 pourra constituer un tournant décisif, permettant de redonner du souffle à un secteur longtemps fragilisé et de garantir la sécurité alimentaire du pays. Comme le souligne Sawsen Ben Mabrouk, ces mesures ne résoudront pas tous les problèmes, mais marquent «le début concret d’un nouveau chemin», fondé sur des résultats mesurables et un discours modéré.
En tous les cas, une chose est sûre : la relance agricole ne sera pas seulement économique, elle sera aussi sociale et stratégique, car de sa réussite dépendra l’équilibre de tout le tissu productif tunisien.
Ahmed NEMLAGHI
