Par Wahid SMAOUI
Ce très ancien proverbe français va comme un gant au Onze tunisien, à la lumière de la pyramidale fringale qu’on a éperdument cherché à voiler mais qui a fini par ostensiblement s’étaler lors de cette Coupe arabe des nations de toutes les frasques. « On », c’est patemment l’instance sommitale du foot national et, par glissement, sa camarilla environnante, au premier rang de laquelle le gondolier des Aigles de Carthage. Ab initio pourtant, prévalait l’entendement, prédominait le discernement à la lumière de la mise sur pied d’une équipe nationale baptisée « Tunisie prime » vouée à prendre part à la joute arabe au vu de la quasi-concomitance de celle-ci avec la Coupe d’Afrique des nations. Un bémol avant tout à cette supposée sagacité : la constitution de cette équipe sous fifre a été bigrement tardive.
Aux antipodes des autres nations de l’Afrique du Nord, l’Algérie, le Maroc et l’Egypte qui ont délégué leurs équipes B, préparées sciemment à ce rendez-vous depuis des lustres. Tant qu’à y être toutefois, il fallait persévérer et s’appliquer à relever le défi avec un esprit jusqu’au-boutiste. Mais au premier capotage, sensationnel rétropédalage, au lieu de parachever l’échafaudage. Allusion aux deux déroutes en amical, essuyées contre l’Egypte. Et les idées sournoises, et les intentions matoises de commencer à germer, sur fond d’alléchantes fascinations pécuniaires : le pactole record mis en jeu. Rien que pour la participation à cette ducasse arabe, 750 000 dollars, soit l’équivalent d’un peu plus de 2 milliards tunisiens, déjà empochés quand bien même les revers s’amoncelleraient.
Accrochez-vous maintenant, ça va secouer : 1,07 million de dollars (3,2 milliards) pour les quart-de-finalistes, 2,14 millions de dollars (6,3 milliards) pour le quatrième, 2,86 millions de dollars (8,5 milliards) pour le troisième, 4,29 millions de dollars (12 milliards) pour le finaliste défait et 7,15 millions de dollars (22 milliards) pour le finaliste vainqueur. « Au diable la stratégie», « on s’entape de la planification », « qu’il parte en vrille l’éclectisme… », ainsi devaient raisonner nos augustes édiles, appâtés et paumés par autant de ragoutants attraits. Et de concocter à la volée et de monter entre deux portes une équipe hybride, bâtarde, un groupe mâtiné, métissé de joueurs, dans un transport effréné pour le jackpot le plus accostable possible, ayant tout à gagner au change, avec, qui sait, la baraka comme potentielle acolyte. Si bien que des 25 joueurs de cette spectrale « Tunisie prime », 3 seulement ont été retenus, tous les autres ayant été boutés hors-circuit, leur head-coach, Abdelhay Ben Soltane, compris.
Ce qui nous amène justement à notre entraîneur en chef attitré Sami Trabelsi qui n’avait d’yeux et d’oreilles que pour la CAN, qui n’était obnubilé que par la CAN, qui ne lançait des œillades que pour la CAN, qui était aux anges, comblé de louanges pour avoir ri à la barbe du grandiose Brésil. Pourquoi a-t-il accepté de mettre son nez dans cette « coupe-étouffoir »arabe ? Hormis l’appétence fiduciaire, sûrement l’éblouissante magnificence, l’aveuglant apparat de cette compétition cousue d’or, désormais mondialement médiatisée après avoir reçu l’extrême-onction de la FIFA. Un cadre propice à de virtuelles accointances footballistiques, toujours bonnes à prendre dans une projection futuriste. Et comme tout ce qui est bâti à la hâte, tout ce qui est mitonné à la six-quatre-deux finit par tourner court, ce fut la bérézina pour le compte des deux premières apparitions face, quel que soit le profil des Tunisiens, à de seconds couteaux sur l’échiquier arabe, la Syrie et la Palestine, toutes deux irréductiblement méritantes par ailleurs.
Le tout sur fond de calamiteuse gestion managériale. Pas que, le cataclysme ayant été également d’ordre communicationnel, venant, ironie de la chose, des deux parangons de l’équipe, l’entraîneur et le capitaine. Affligeante illustration face aux micros de nos confrères. Le premier : « Pour votre gouverne, la Coupe arabe n’a jamais figuré parmi les objectifs consignés dans mon contrat et sur lesquels je me suis entendu avec la fédé. » Ah la vache, comme ça fait mal, au sujet de qui paonne et bombe le torse quand il décroche la timbale, etse dégonfle et se barre poltronnement quand il boit un bouillon. Le second : « Vous savez, nous avons besoin d’une défaite, nous devons nous faire remonter les bretelles pour reprendre nos esprits et sortir de la pâmoison ». Y a-t-il plus benête, plus bébête que pareille boulette ? C’est qu’il a échappé à notre illuminé de puits de sciences invétéré que le temps de « savourer » (un tantinet maso sur les bords, le sieur) le ou les camouflet(s), l’affaire serait conclue et terminée et le coche ingénument raté.Voilà où nous ont menés tous ces errements et toute cette répréhensible permissivité. Et ce qui advient de qui veut trop en faire et qui, à la fin, n’en fait rien de bien.
