Le Syndicat tunisien des biologistes privés (STBP) a appelé, dans un communiqué publié avant-hier après-midi, la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) à régler sans délai les arriérés de paiement, qui mettent en péril la pérennité des laboratoires d’analyses médicales et menacent leurs capacités à continuer à fournir des prestations de soins de qualité aux patients.
«Nous appelons la CNAM à respecter ses engagements contractuels et à verser les sommes dues aux laboratoires d’analyses médicales», a souligné le syndicat regroupant les biologistes de libre pratique, notant que les retards de paiement ont atteint 5 à 6 mois, ce qui représente des violations répétées de la convention sectorielle signée avec la partie syndicale.
«Ces retards de paiement rendent les laboratoires incapables d’honorer leurs engagements envers leurs fournisseurs, l’administration fiscale et les caisses de sécurité sociale, et menacent leurs capacités à poursuivre leurs activités», a-t-il ajouté.
Le syndicat a également fait remarquer que les perturbations dans les services fournis par les laboratoires d’analyses médicales privés ont un impact négatif sur la sécurité des patients et la qualité des soins de santé, étant donné que la biologie médicale constitue un pilier essentiel du diagnostic, du suivi et de la prévention des maladies.
Il a, d’autre part, noté que la CNAM a failli à son engagement relatif à la mise à jour de la grille de remboursement des frais des analyses médicales, prévue par la convention-cadre signée entre la caisse et les prestataires de soins privés pour la mettre en adéquation avec la nouvelle liste des actes médicaux publiée par le ministère de la Santé dans le Journal officiel de la République tunisienne (JORT).
Face à la situation dangereuse du système de santé dans son ensemble, le Syndicat tunisien des biologistes privés a pressé les autorités de «lancer un dialogue inclusif qui regroupe l’ensemble des intervenants dans les domaines de la santé et des affaires sociales pour trouver des solutions urgentes et pérennes à la crise».
Il a, par ailleurs, rappelé que la convention sectorielle qui régit les relations contractuelles entre la CNAM et le Syndicat tunisien des biologistes privés expirera le 31 décembre 2025, sans perspective de renouvellement à ce jour, malgré l’attachement de la partie syndicale au lancement de négociations sur sa reconduction depuis le début de l’année.
Une réforme globale est plus que jamais nécessaire
Le communiqué du Syndicat tunisien des biologistes privés intervient quelques jours seulement après la suspension par le Syndicat des pharmaciens d’officine de Tunisie (Spot) du régime du tiers payant pour protester contre les retards de paiement par la CNAM.
D’après le Spot, de nombreux pharmaciens d’officine se trouvent aujourd’hui incapables de s’approvisionner en médicaments et de fournir des services aux citoyens à cause de leurs difficultés financières, notamment dans les régions intérieures et les zones de développement prioritaires. Les retards de paiement dont souffrent ses adhérents peuvent aller jusqu’à 180 jours, pouvant plonger les officines dans une situation financière critique. Dans le cadre du tiers payant, le pharmacien conventionné avec la CNAM perçoit de l’assuré social 30% du montant global de l’ordonnance et ce, sur la base du prix public des médicaments dispensés. Le reste du montant de l’ordonnance, à la charge de la caisse, fait l’objet d’un décompte adressé au centre de référence (centre régional ou local de la caisse désigné par le pharmacien conventionné), afin que la caisse procède au paiement intégral du pharmacien dans un délai de 14 jours ouvrables à compter de la date de réception du décompte, et ce, par virement bancaire ou postal au compte indiqué dans le dossier d’adhésion.
L’incapacité de la CNAM à payer dans les délais les prestataires de soins privés comme les laboratoires d’analyses médicales, les pharmaciens d’officine et les médecins de libre pratique, s’explique par un manque de ressources financières dues à l’affectation de l’essentiel des parts de la CNAM dans les cotisations sociales au régime des retraites. Largement déficitaires depuis plusieurs années, la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et la Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale (CNRPS) «siphonnent» la plus grosse part des ressources réservées aux dépens du système d’assurance-maladie pour continuer à verser les pensions de retraite. Les dettes cumulées de ces deux caisses envers la CNAM ont ainsi atteint 8787 millions de dinars (8,7 milliards de dinars) à fin 2022, selon le dernier rapport du ministère des Finances sur les établissements publics publié en janvier 2024. Et c’est là que le bât blesse, car l’enchevêtrement, qui devient de plus en plus difficile à démêler entre les trois caisses, est en train de ruiner l’ensemble du système de santé. D’où la nécessité d’une réforme globale qui doit toucher l’ensemble des régimes de protection sociale.
Walid KHEFIFI
