«L’âge moyen du mariage en Tunisie connaît un recul significatif, atteignant aujourd’hui 35,3 ans chez les hommes et 28,9 ans chez les femmes, contre respectivement 27,1 ans et 20,9 ans en 1966», a révélé Anis Dalloumi, chargé de mission au ministère de la Femme, de la Famille et des Personnes âgées.
Le responsable a rappelé, à l’occasion de la présentation des axes du projet de la Stratégie nationale pour la cohésion familiale à l’horizon 2035, ainsi que du plan d’action pour la préparation et l’accompagnement à la vie conjugale et familiale, la baisse continue des indicateurs de croissance démographique observée ces dernières années.
Dans une déclaration à l’agence Tunis Afrique Presse (TAP), il a précisé que ce recul de l’âge au mariage s’inscrit dans un contexte socio-économique marqué par de profondes mutations. «D’après les experts, il s’explique principalement par l’augmentation du coût du mariage et du niveau de vie, ainsi que par le choix d’une partie des jeunes de poursuivre l’ensemble de leur parcours universitaire et de formation avant de fonder une famille», a-t-il expliqué.
Par ailleurs, Anis Dalloumi a souligné que ces évolutions démographiques et structurelles traduisent de profondes transformations de la famille tunisienne, qui tend progressivement à passer du modèle de la famille élargie à celui de la famille nucléaire. «Cette mutation se manifeste notamment par la diminution de la taille moyenne des ménages, passée de 4,05 personnes en 2014 à 3,45 en 2024», a-t-il souligné.
Transformations du tissu familial : 1,2 million de familles en 2023 contre 2,2 millions en 2004
Les défis démographiques, sociaux et économiques ont été au cœur des discussions lors de la présentation des priorités du ministère de la Femme, de la Famille et des Personnes âgées pour l’année 2026.
À ce propos, la ministre Asma Jebri a indiqué, lors de la présentation du budget de son département à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), que le nombre de familles est estimé à environ 1,2 million en 2023, contre 2,2 millions en 2004, illustrant les profondes mutations du tissu familial. «12 600 cas de divorce ont été enregistrés en 2021», a-t-elle révélé.
Ces constats expliquent les multiples défis auxquels est confrontée la famille tunisienne, dont l’impact se fait sentir tant sur sa structure que sur ses fonctions sociales. Sur le plan économique, la ministre Asma Jebri a souligné que la proportion de femmes cheffes d’entreprise ne dépasse pas 12% au niveau national, contre 30% à l’échelle mondiale.
Dans ce cadre, le programme national de préparation et d’accompagnement à la vie conjugale et familiale figure parmi les priorités de l’année 2026. Doté d’un budget estimé à 300 mille dinars en 2026, ce programme vise à renforcer la place de l’institution du mariage, à consolider les valeurs de stabilité familiale, à préparer les futurs conjoints et à qualifier la famille afin qu’elle puisse assumer pleinement ses rôles et responsabilités, dans une culture de responsabilité et de solidarité. Il ambitionne également de développer les services de conseil et d’orientation familiale comme mécanisme préventif pour limiter les conflits et la désagrégation familiale.
Par ailleurs, la ministre a insisté sur l’importance du renforcement du cadre juridique. Dans une optique de consolidation de la cohésion familiale, le ministère œuvre à la modernisation des textes régissant les relations familiales à travers un projet de loi relatif au régime de la pension alimentaire et aux procédures de divorce, fondé sur une approche globale de protection des droits et de stabilité familiale, ainsi qu’un projet de loi sur la médiation familiale, en tant que mécanisme alternatif de règlement amiable des conflits et de réduction du recours au contentieux judiciaire.
Mutations démographiques : fécondité en recul, population vieillissante et chute des mariages
En termes de statistiques, Anis Dalloumi, chargé de mission au ministère de la Femme, de la Famille et des Personnes âgées, a indiqué que le taux de croissance démographique est passé de 1,04% en 2014 à 0,87% en 2024, tandis que l’indice de fécondité a poursuivi son recul pour atteindre 1,7 enfant par femme en 2022.
Le responsable a également mis en lumière le vieillissement accéléré de la population. «La proportion des personnes âgées de plus de 60 ans a atteint 16,9% en 2024, tandis que la part de la population en âge d’activité, comprise entre 15 et 59 ans, a reculé pour s’établir à 60,3% » a-t-il affirmé.
Parallèlement, les indicateurs relatifs au mariage confirment une tendance nettement baissière. En effet, le nombre de contrats de mariage a reculé d’environ 10% en 2024 par rapport à 2023.
Deux stratégies pour renforcer la cohésion familiale et accompagner la vie conjugale en Tunisie
C’est dans cette optique que les deux projets de stratégie prennent tout leur sens. Le ministère a précisé, dans un communiqué, que la Stratégie nationale pour la cohésion familiale à l’horizon 2035 repose sur plusieurs axes structurants.
En ce qui concerne la Stratégie nationale pour la cohésion familiale à l’horizon 2035, celle-ci vise notamment à construire une famille fondée sur des bases solides, afin de renforcer sa cohésion et sa stabilité, tout en affirmant le rôle central de la famille dans la prise en charge de ses membres, en particulier des personnes en situation de handicap ou de vulnérabilité.
Au-delà de ces orientations, la stratégie entend renforcer la résilience des familles face aux défis et aux crises tout en contribuant au développement des politiques publiques et à l’amélioration de la gouvernance des programmes et projets nationaux dédiés à la famille.
L’élaboration de cette stratégie nationale repose, par ailleurs, sur une approche participative, visant à consolider les mécanismes de soutien économique et social aux familles, tout en procédant à une révision du cadre législatif national relatif à la famille, afin de l’actualiser et de l’adapter aux réalités nationales ainsi qu’aux engagements internationaux de la Tunisie.
Parallèlement, s’agissant des grandes lignes du projet de plan d’action pour la préparation et l’accompagnement à la vie conjugale et familiale, le ministère s’inscrit dans un contexte de profondes mutations démographiques et sociales.
À cet effet, le plan ambitionne de doter les futurs conjoints des compétences, des connaissances et des aptitudes nécessaires pour assumer les responsabilités inhérentes à l’institution du mariage, mieux comprendre les rôles et obligations conjugales, assurer une gestion saine et équilibrée des ressources familiales, et promouvoir une culture de la santé physique et mentale comme fondement d’une relation conjugale harmonieuse et durable.
Le ministère a précisé que les composantes de ce plan englobent la sensibilisation, la formation, l’encadrement, l’accompagnement et le soutien. Il s’adresse à un large public, avec une attention particulière portée aux jeunes en âge de se marier, ainsi qu’aux jeunes familles, afin de renforcer leur stabilité et leur résilience face aux défis contemporains.
Nouha MAINSI
