Par Slim BEN YOUSSEF
Le vieux monde s’effondre sous le poids de ses certitudes. Le Sud, lui, se redresse et se redécouvre au pluriel. Il parle d’égal à égal, se conjugue dans une langue de partage. La Tunisie y prête sa voix tranquille, amie de la mesure et compagne de la constance. Un archipel d’idées se dessine déjà : Sud global, multipolarité, humanité retrouvée. Il annonce un monde qui s’invente en silence.
Depuis Bandung, notre diplomatie trace une ligne claire : dignité des peuples, équité des échanges, pluralité des voies. Une fidélité vivante, tendue vers l’avenir – vers ce qui vient. Que veut dire « coopérer » ? Se reconnaître dans le regard de l’autre.
Et l’autre — s’il n’est pas l’enfer — compose déjà la plus humaine des musiques : un chœur de différences devenues dialogue. Il rêve d’un monde où la richesse ne s’endette plus d’âme, où la parole circule libre entre les peuples. Le temps des puissances impérialistes s’est éteint ; celui des consciences s’éveille. L’univers se souvient qu’il est plural.
L’humanité ne manque pas de ressources, elle s’épuise de déséquilibre. Investir dans la peur autant que dans l’absurde, comme si l’effroi avait un rendement. On verse des fortunes dans la guerre, alors que la paix s’avilit et intimide les plus lâches. Le désarmement est la dernière forme du courage.
Notre pays défend le droit de chaque État à l’usage pacifique de l’énergie nucléaire, mais aspire à un monde où plus aucune arme ne prétendrait à la raison. Dans la démesure du siècle, la mesure reste, là aussi, un courage.
Gaza, aujourd’hui, rappelle que la résistance est un droit arraché à la douleur. Le cessez-le-feu suspend le feu, non le crime. Il n’efface ni les ruines ni le génocide. Il oblige à la mémoire — et la mémoire, elle, oblige à la justice.
Le Sud global balise le passage à un monde pré-mondain où l’on parlait encore le même langage : l’humain. Dans le déshonneur des puissances, il façonne déjà l’équilibre nouveau. Et dans ce mouvement, quelque chose du jadis pur revient : les peuples reprennent leur part d’universel, chacun selon sa lumière.
Qu’est-ce que le jadis pur ? Le multipolaire comme retour à l’humanité universelle.
Le jadis pur, c’est peut-être demain.
