Par Slim BEN YOUSSEF
Chaque matin, les files d’attente forment le premier rituel de la République. La poussière y tient lieu d’ordre, l’attente de service. Les papiers s’entassent, les visages se renfrognent derrière la vitre. Des agents qui désertent, des guichets qui sommeillent, des dossiers qui s’ajournent : ainsi s’écoule la journée nationale de la lenteur.
L’administration, temple du droit, héberge une somnolence. Une doctrine lente y veille, nourrie de passe-droits et de complaisances. L’apathie y est méthode, l’indifférence, protocole. Le bureau buissonnier y sert d’horloge : les heures s’y noient comme un fleuve dans le sable.
Inertie, morosité, indolence, laxisme, clientélisme, absentéisme… Le diagnostic est clair : une bureaucratie rétive et amnésique, pathologie d’État chronique. L’administration, colonne vertébrale du développement, s’est muée en scoliose institutionnelle. Le pays avance à la vitesse du cachet.
La réforme ou la sclérose ? Réformer l’administration, c’est rappeler à l’État social sa raison d’être : mettre sa puissance au service du bien commun. Sa mission première : accueillir la vie du pays dans ses bureaux. Le chantier, manifeste pratique et précis, réclame quatre vertus simples – quatre temps d’un orgue républicain : clarté des mandats, rapidité des procédures, sobriété des moyens, lisibilité des comptes. Le reste n’est qu’ombre portée de la routine. Redonner à la loi un visage humain.
Les horaires doivent épouser la vie réelle : des permanences en fin de journée, des services ouverts le week-end, des administrations éveillées au rythme des villes. La réforme passe aussi par des outils qui rendent la machine intelligente : une numérisation qui désarme la corruption et réveille la diligence. Et surtout, par les femmes et les hommes qui la font vivre — des agents formés, responsables, respectés, bien rétribués, car la dignité du fonctionnaire conditionne celle du citoyen.
La projection : une Tunisie réconciliée avec son administration — numérique, transparente, humaine, intelligente. Fraîcheur, exigence, espérance : réanimer la fonction d’État, réapprendre le sens du service, remettre l’humain au centre du sceau.
Qu’est-ce que le service public ? Une respiration nationale — la plus discrète, la plus vitale.
Sans une virgule à craindre.
Redonner au citoyen sa dignité — à la nation sa vigueur.
