Par Slim BEN YOUSSEF
L’administration tunisienne est-elle un rempart de l’État ou un labyrinthe qui étouffe ses citoyens ? Entre les lois écrites et la vie quotidienne, un gouffre s’élargit. Et dans ce gouffre, s’engouffre la confiance des Tunisiennes et des Tunisiens. Bureaucratie lente, apathie assumée, passe-droit sacralisé. Le citoyen, en quête de service, récolte du temps perdu. L’État, censé garantir l’efficacité, s’y dissout en inertie.
La règle ne manque pas : codes, circulaires, formulaires, une paperasse qui prolifère comme des moisissures et creuse un canyon entre l’écrit et le réel. Dans l’écart prospèrent les habitudes anciennes : clientélisme banalisé, lenteur volontaire, paresse obstinée, rouages grippés par malveillance. Chaque dossier en souffrance n’use pas seulement le citoyen, il entame la République.
Il faut le dire sans ambages : l’administration devrait porter le développement, elle l’entrave. Les projets s’y perdent : des signatures qui se dérobent, des dossiers qui s’oublient, des responsables qui repoussent au lieu de résoudre. La léthargie bureaucratique s’installe comme une doctrine, patiente et corrosive.
La solidité de l’État se forge dans ses réformes. La numérisation, bien conduite, réduit la lenteur, désarme la corruption, brise l’arbitraire. La formation des agents élève la dignité publique, la sanction des manquements assure sa survie.
Une loi qui n’est pas appliquée trahit son serment. Le fonctionnaire qui bloque un projet retarde une nation. Le responsable qui détourne le regard consume la loyauté civique. Il faut croire à ceci : l’administration existe par la foi publique et pour elle.
La Tunisie ne manque pas de relève. Dans les seuils des universités, des compétences patientent, prêtes à saisir leur heure. Encore faut-il ouvrir la voie, nettoyer les ruines, rompre avec les habitudes fossilisées. Une forteresse s’écroule rarement par les assauts du dehors, mais par les brèches creusées de l’intérieur.
Le service public se mesure aux minutes arrachées au retard, aux injustices empêchées, aux droits constitutionnels exercés. Réformer l’administration, c’est toucher au cœur de l’État. Rendre sa force à la loi, sa place au citoyen.
