Par Mondher AFI
Le jeudi 18 décembre 2025, au Palais de Carthage, lieu où se cristallisent à la fois la continuité de l’État et la solennité du pouvoir, le Président Kaïs Saïed a reçu l’ambassadeur du Royaume d’Espagne à l’occasion de la fin de sa mission en Tunisie. Cet entretien, en apparence conforme aux usages protocolaires de la diplomatie classique, ne saurait toutefois être réduit à une simple scène de courtoisie institutionnelle ou à un rite de clôture administrative.
Il constitue, au contraire, un moment politique à haute densité symbolique, révélateur d’une conception rigoureuse des relations internationales et d’une certaine idée de l’État dans un contexte mondial marqué par l’érosion des cadres normatifs traditionnels, la recomposition accélérée des équilibres géopolitiques et la fragilisation des mécanismes multilatéraux.
Dans la vision du Président Kaïs Saïed, la diplomatie n’est ni un art de façade ni un espace de rhétorique désincarnée. Elle s’inscrit dans une logique de cohérence globale de l’action publique, où chaque geste institutionnel, chaque parole mesurée et chaque rituel diplomatique participent à l’architecture d’un rapport structuré entre l’État tunisien et son environnement international. Le moment du départ d’un ambassadeur, loin d’être une formalité terminale dictée par le calendrier des affectations, devient ainsi un acte politique à part entière, porteur de significations multiples, tant à destination des partenaires étrangers que des institutions nationales, et révélateur d’une diplomatie pensée dans le temps long, soucieuse de continuité, de clarté et de responsabilité.
Le rituel diplomatique comme langage politique
D’un point de vue sociologique et philosophique, le rituel de l’audience de fin de mission s’inscrit pleinement dans ce que Marcel Mauss désignait comme un fait social total, en ce qu’il mobilise simultanément des dimensions symboliques, institutionnelles, politiques, juridiques et relationnelles. Il ne s’agit pas d’un simple cérémonial figé, mais d’un dispositif de signification à travers lequel l’État se donne à voir, se pense et se projette. Dans la vision du Président Kaïs Saïed, ces rituels diplomatiques ne relèvent jamais du décor ou de la routine administrative, ils constituent des moments de cristallisation du sens étatique, où s’expriment la continuité historique de l’État, la stabilité de ses engagements fondamentaux et la permanence de ses principes structurants, indépendamment des aléas conjoncturels ou de la rotation des acteurs diplomatiques.
Cette lecture s’oppose frontalement à toute approche superficielle qui réduirait ces rencontres à de simples gestes de courtoisie ou à des manifestations de politesse institutionnelle. Le Chef de l’État investit, au contraire, ces audiences comme des espaces de rationalité politique, où s’opère une évaluation réciproque des trajectoires, des intentions et des résultats. Le discours de reconnaissance adressé à l’ambassadeur du Royaume d’Espagne ne procède pas d’une logique affective ou circonstancielle, mais s’inscrit dans une architecture conceptuelle précise : celle qui distingue rigoureusement la relation d’État à État, durable, structurante et inscrite dans le temps long, de la temporalité nécessairement limitée et fonctionnelle des missions diplomatiques individuelles.
À travers cette distinction, le Président Kaïs Saïed affirme une conception exigeante de la diplomatie, fondée sur la primauté de l’institution sur les personnes, du principe sur la conjoncture, et de l’intérêt stratégique sur l’émotion. La diplomatie tunisienne, telle qu’il la conçoit, ne s’inscrit ni dans l’alignement opportuniste ni dans l’adaptation passive aux rapports de force du moment. Elle procède d’une lecture raisonnée et structurée des équilibres internationaux, attentive aux dynamiques de long terme, aux transformations géopolitiques profondes et aux contraintes systémiques qui traversent l’ordre mondial contemporain.
Sur le plan géostratégique, cette posture revêt une portée particulière dans l’espace méditerranéen, devenu l’un des théâtres centraux de recomposition des puissances, de circulation des flux économiques, énergétiques et humains, et de tensions liées aux enjeux migratoires et sécuritaires. En inscrivant l’acte diplomatique dans une logique de continuité étatique, le Président Kaïs Saïed affirme la volonté de la Tunisie de se positionner comme un acteur rationnel, prévisible et souverain dans cet espace stratégique, capable de dialoguer avec ses partenaires européens sur la base de la réciprocité, du respect mutuel et de la clarté des intérêts.
Ainsi, le rituel de fin de mission cesse d’être un simple point final administratif pour devenir un moment de réaffirmation doctrinale : il rappelle que, dans un système international marqué par la volatilité, l’incertitude et la fragmentation des normes, la solidité des relations internationales repose moins sur l’éphémère des acteurs que sur la cohérence des États, la lisibilité de leurs choix et la constance de leurs orientations stratégiques.
Une conception exigeante de la coopération bilatérale
Sur le plan politique, la vision du Président Kaïs Saïed se caractérise par une approche rigoureuse de la coopération internationale. La coopération n’est pas conçue comme une dépendance ni comme un simple flux d’aides ou de projets, mais comme un partenariat fondé sur la réciprocité, le respect mutuel et la convergence réelle des intérêts.
La relation tuniso-espagnole, telle qu’évoquée dans ce contexte, s’inscrit dans une géographie stratégique méditerranéenne où les enjeux économiques, sécuritaires, migratoires et culturels sont étroitement imbriqués. L’Espagne, acteur européen majeur du Sud, partage avec la Tunisie une exposition directe aux dynamiques de la Méditerranée occidentale : circulation des personnes, flux commerciaux, pressions migratoires, défis énergétiques et transformations géopolitiques globales.
Dans cette configuration, le Président Kaïs Saïed défend une diplomatie de responsabilité partagée. Il ne s’agit pas pour la Tunisie de se positionner comme simple réceptacle de politiques définies ailleurs, mais comme un acteur conscient de son rôle régional, capable de dialoguer d’égal à égal avec ses partenaires européens, sur la base de principes clairs et non négociables.
La diplomatie comme prolongement de la souveraineté décisionnelle
D’un point de vue géostratégique, la vision portée par le Président Kaïs Saïed s’articule autour d’un principe fondamental : l’indissociabilité de la politique intérieure et de la politique extérieure. Cette approche rompt clairement avec les lectures fragmentées de l’action publique et affirme que la diplomatie constitue le prolongement direct et assumé de la capacité de l’État à décider souverainement, à définir ses priorités stratégiques et à défendre ses choix dans l’espace international. La politique étrangère n’est donc ni un domaine périphérique ni un champ autonome gouverné par des logiques techniciennes, mais une composante centrale de la cohérence globale de l’État.
Dans cette perspective, le Président Kaïs Saïed rejette catégoriquement toute dissociation entre une politique étrangère prétendument «technicienne» et une politique nationale qualifiée de «sociale». Une telle séparation est, dans sa conception, non seulement artificielle, mais politiquement contreproductive. Les relations internationales ne sauraient être conçues comme un exercice abstrait de gestion des équilibres diplomatiques, elles doivent, au contraire, répondre directement aux besoins concrets des peuples. Le développement économique, la justice sociale et la stabilité institutionnelle ne sont pas des objectifs internes déconnectés du champ diplomatique, mais des finalités structurantes qui doivent orienter l’ensemble des partenariats internationaux.
Cette position se traduit par une valorisation constante des dimensions économiques et commerciales de la coopération, non comme des indicateurs formels de succès diplomatique, mais comme des leviers stratégiques de transformation structurelle. L’ouverture économique défendue par le Président Kaïs Saïed ne repose ni sur la logique de la dépendance ni sur celle de la libéralisation indiscriminée. Elle vise l’attraction d’un investissement utile, productif et durable, capable de renforcer le tissu économique national, de soutenir l’emploi et de favoriser un transfert effectif de compétences, de technologies et de savoir-faire.
Les ambassades comme institutions médiatrices
Dans cette perspective, le rôle des ambassades acquiert une centralité stratégique renouvelée. Le Président Kaïs Saïed conçoit les représentations diplomatiques non comme de simples prolongements administratifs de l’appareil étatique, mais comme de véritables institutions de médiation, situées à l’interface de sociétés, de cultures et de systèmes d’intérêts souvent marqués par des asymétries profondes. Elles sont appelées à jouer un rôle actif dans la structuration des relations internationales, bien au-delà de la gestion protocolaire ou consulaire.
Cette conception rompt avec une diplomatie réduite à l’événementiel ou à l’accumulation de gestes symboliques ponctuels. Les ambassades sont invitées à se transformer en plateformes permanentes de compréhension mutuelle, capables de capter les dynamiques sociales, culturelles et intellectuelles des pays d’accueil et d’en restituer les logiques profondes à l’État qu’elles représentent. L’accent mis sur les échanges culturels, académiques, scientifiques et humains révèle ainsi une lecture sociologique exigeante des relations internationales : la solidité des rapports entre États ne se mesure pas uniquement à l’aune des accords signés, mais à la densité des interactions entre les sociétés.
Dans cette optique, la diplomatie culturelle, éducative et scientifique cesse d’être perçue comme un supplément d’âme ou un décor périphérique de l’action extérieure. Elle devient un investissement stratégique de long terme, porteur d’effets cumulatifs sur la confiance, la reconnaissance mutuelle et la réduction des malentendus structurels. En favorisant la circulation des savoirs, la coopération universitaire et le dialogue interculturel, les ambassades contribuent à désamorcer les tensions latentes et à construire des relations internationales plus résilientes, fondées sur la connaissance réciproque et le respect des trajectoires historiques et sociales des peuples.
La fin de mission comme moment de continuité
Enfin, la fin de mission d’un ambassadeur, telle qu’envisagée par le Président Kaïs Saïed, ne marque ni une rupture ni une inflexion. Elle confirme au contraire la continuité de la relation bilatérale, indépendamment des trajectoires individuelles. Ce message est fondamental dans un contexte international où les signaux diplomatiques sont souvent surinterprétés.
En distinguant clairement le départ normal d’un diplomate de toute forme de tension ou de désaccord, le Chef de l’État réaffirme une diplomatie de stabilité, fondée sur la prévisibilité et la clarté. Cette posture contribue à renforcer la crédibilité internationale de la Tunisie, en tant qu’État respectueux des normes, mais fermement attaché à la défense de ses intérêts.
À travers un acte en apparence ordinaire, le Président Kaïs Saïed donne à voir une conception profondément structurée de la diplomatie. Une diplomatie qui refuse l’improvisation, valorise le symbolique sans le fétichiser, et inscrit chaque interaction internationale dans une vision globale de l’État et de son rôle dans le monde.
Cette approche, à la fois sociologique, politique et géostratégique, repose sur une conviction centrale : les relations internationales ne sont durables que lorsqu’elles s’ancrent dans la dignité des États, la lucidité stratégique et la primauté de l’intérêt des peuples. C’est dans cette cohérence silencieuse, souvent plus éloquente que les discours spectaculaires, que s’exprime la vision du Président Kaïs Saïed.
