Nous sommes en présence d’un marché noir électronique où le trafic des médicaments se développe de jour en jour et se fait de plus en plus une clientèle importante. Ces vendeurs de médicaments possèdent les techniques du marketing puisque, à grands coups de publicité, ils parviennent à écouler leur marchandise.
Ces sites qui proposent des médicaments pullulent sur les réseaux sociaux et ils exercent au su et au vu de tous, sans que les autorités sanitaires en Tunisie interviennent pour mettre fin à ce marché parallèle des médicaments. Pourtant, selon la règlementation en vigueur, toute vente de médicaments sur des forums, réseaux sociaux ou sites non officiels est illégale et dangereuse. Il n’existe pas encore de cadre légal clair et définitif autorisant la vente des médicaments en ligne.
Depuis toujours, chez nous et dans le monde entier, le médecin prescrit l’ordonnance et le pharmacien vend les médicaments. Dans des conditions normales, un patient doit consulter un généraliste ou un spécialiste, puis passe chez le pharmacien pour se procurer les médicaments prescrits sur l’ordonnance. Sauf que certains sont en dehors de ce circuit traditionnel et optent pour l’automédication. Et voilà que depuis quelques ans, on assiste à un étalage de médicaments proposés au public sur les différents réseaux sociaux, qui pour le traitement de maladies chroniques, qui pour le soin de maux bénins ou passagers. Comment peut-on arrêter ce commerce électronique des médicaments, la vente anarchique constituant un danger sanitaire majeur ?
Des réductions allant jusqu’à 50%
Ce phénomène a tendance à prendre de l’ampleur. Cela devient un commerce florissant. Les vendeurs de ces médicaments présentent leurs produits comme étant les meilleurs résultats auxquels ont abouti les recherches scientifiques et médicales dans le monde. Parfois, ils présentent le nom et le prénom des médecins ou des spécialistes en pharmacologie qui ont inventé tel ou tel produit en le comparant souvent avec le produit vendu dans les pharmacies. C’est ainsi qu’on rencontre une propagande d’un médicament, comprenant un texte assez long où on expose les vertus du produit à vendre, ses étapes de préparation, son efficacité immédiate sur la maladie, ses composantes et surtout, des commentaires positifs de clients ayant utilisé ce produit, sans jamais mentionner les effets secondaires ou les contre-indications relevant de ce médicament. A titre d’exemple, plusieurs produits contre l’hypertrophie de la prostate, contre l’hyperglycémie ou l’hypertension sont proposés et à un prix avantageux, avec 50% de réduction et sans frais de livraison. Parfois, on mentionne que ce médicament a obtenu une autorisation de la part du ministère de la Santé publique ! Chose à vérifier.
Des médicaments ayant trait à d’autres maladies courantes chez la population sont mis en vente, comme par exemple ceux utilisés contre les champignons, les rhumatismes et d’autres pour stimuler la pratique du sexe chez ceux qui connaissent des problèmes d’ordre sexuel en leur proposant des produits plus efficaces et moins nocifs que celui connu de tous, le «viagra». Et dire que ces médicaments ne se vendent pas dans les pharmacies publiques ou privées. La publicité faite pour la promotion de ces médicaments est toujours accompagnée à la fin par l’expression «Bientôt rupture de stock», un moyen pour inciter les gens à faire leur commande immédiatement.
Où sont les autorités sanitaires?
En Tunisie, on sait que toute publicité pour un médicament est strictement interdite par la loi. En effet, selon l’article 31 de la loi N°73-55 du 3 août 1973, organisant les professions pharmaceutiques, «tout débit ou étalage ou distribution de médicaments est interdit sur la voie publique, dans les marchés, à domicile ou dans les magasins non affectés à une officine de détail, à toute personne, même munie d’un diplôme de pharmacien». De plus, l’article 40 stipule que «la publicité concernant les médicaments ne peut être faite sans autorisation préalable du ministre de la Santé publique et un décret déterminera les conditions de réglementation de la publicité». Il est précisé que toute infraction aux dispositions de ces deux articles est passible de sanctions administratives et de poursuites judiciaires.
L’on se demande si les autorités sanitaires sont au courant de ces marchands qui exercent la vente électronique des médicaments. Si oui, pourquoi ne lutte-t-on pas contre ce marché noir de trafic de médicaments ? Pourquoi le ministère de tutelle ne renforce pas son contrôle en vue de juguler ce phénomène qui a tendance à prendre de l’ampleur ? Pourtant, les textes juridiques interdisent strictement la circulation des médicaments en dehors du circuit règlementaire, notamment sur les plateformes numériques et les réseaux sociaux. Il convient aujourd’hui de compléter les dispositions de l’article 31, mentionné ci-dessus, en ajoutant l’interdiction formelle de la circulation des produits pharmaceutiques sur les réseaux sociaux, sachant que cet article remonte à 1973, alors que les réseaux sociaux n’étaient pas en vogue chez nous. Il est donc temps d’organiser et de contrôler le secteur des médicaments et des produits pharmaceutiques, car il y va de la santé du citoyen.
Hechmi KHALLADI
