La BBC a publié des enregistrements sur son site. Il s’agit des appels téléphoniques passés par l’ancien Président de la République, Zine El Abidine Ben Ali, alors qu’il quittait le pays en 2011. Selon la BCC, les enregistrements en question ont été analysés par des experts audio qui n’ont trouvé aucune preuve de manipulation.
« S’ils sont authentiques, les enregistrements donnent un aperçu incroyable du changement d’humeur de Ben Ali au cours des 48 dernières heures, alors qu’il commençait , lentement, à saisir le véritable impact des manifestations qui secouaient son redoutable Etat policier. » lit-on sur le site.
Les enregistrements commencent, le soir du 13 janvier 2011. Le premier est un appel à un proche confident. Il s’agit de Tarak Ben Ammar. Ben Ali semble rassuré lorsqu’il a parlé avec Ben Ammar. (NDLR: c’est à la suite de son discours lequel n’aura été qu’un coup d’épée dans l’eau)
« Tu as été formidable, c’est le Ben Ali que nous attendions ! », dit Tarak Ben Ammar.
Ben Ali estime, toutefois, que son discours manquait de fluidité, mais son confident le rassure.
« Pas du tout… C’est un retour historique. Tu es l’homme du peuple. Tu parles leur langue », dit son ami.
Les propos de Ben Ammar ont soulagé le Président. Mais le discours prononcé devant le public tunisien n’est manifestement pas suffisant. Le lendemain, les protestations s’intensifient et menacent d’envahir le ministère de l’Intérieur.
Des dispositions sont prises pour que la famille de Ben Ali prenne un vol hors du pays pour leur propre sécurité en direction de l’Arabie saoudite et Ben Ali est alors persuadé de les escorter.
Les secondes communications ont eu lieu, le 14 janvier, jour de la fuite de Ben Ali en Arabie Saoudite. Il a appelé, selon la BBC, son ministre de la Défense, Ridha Grira, l’homme d’affaires, Kamel Letaïef et le chef d’état-major , Rachid Ammar.
Il commence à interroger le ministre de la Défense, Ridha Grira sur la situation en Tunisie. Grira lui annonce, cependant, que le premier ministre, Mohamed Ghannouchi allait assurer l’intérim, avant que Ben Ali lui assure qu’il sera de retour au pays « dans quelques heures ».
Il appelle ensuite, son confident, Kamel Letaïef. Ben Ali dit à Letaïef que le ministre de la Défense l’a rassuré et que les événements sont sous contrôle.
Letaïef corrige brutalement, cette hypothèse. « Non, non, non. La situation évolue rapidement et l’armée ne suffit pas », lui dit-il (NDLR: Il faut préciser que les relations étaient jusqu’alors interrompues entre Ben Ali et Letaïef , depuis la montée en puissance de Leila Trabelsi)
Ben Ali l’interrompt pour lui demander : « Me conseillez-vous de revenir maintenant ou pas ?
« Les choses ne vont pas bien », répond finalement Eltaief.
Ben Ali passe alors un coup de fil à celui que la BCC croit être le chef de l’armée, le Général Rachid Ammar.
Ammar le rassure que « tout va bien ». Encore une fois, Ben Ali pose la même question qu’il a posée à Eltaief : Dois-je retourner en Tunisie maintenant ? Rachid lui dit qu’il vaudrait mieux « attende un peu ».
« On vous tiendra au courant quand on estimera que vous devriez revenir, Monsieur le Président », a déclaré Ammar à Ben Ali.
Il appelle à nouveau son ministre de la Défense, lui demandant à nouveau s’il doit rentrer en Tunisie , et cette fois-ci, Grira semble plus direct, disant à Ben Ali qu’il « ne peut pas garantir sa sécurité « .
Juste après minuit, l’avion du président Ben Ali a atterrit à Djeddah (Arabie saoudite). Il ordonne au pilote de se préparer pour son voyage de retour, et lui et sa famille sont escortés à la maison d’hôtes du palais du roi Faisal.
Mais le pilote désobéit . Il abandonne Ben Ali et s’envole pour la Tunisie.
Le lendemain matin, Ben Ali rappelle son ministre de la Défense. Grira admet que l’administration ne contrôle pas ce qui se passe dans les rues. Il dit à Ben Ali qu’il s’agit d’un coup d’État.
Ben Ali dénonce cette action des « islamistes », avant de parler une fois de plus de son retour au pays.
» La colère reste vive dans les rues « , dit Grira, avant d’ajouter : « Pour que vous ne disiez pas que je vous ai induit en erreur, la décision est la vôtre. »
Ben Ali essaie de défendre sa réputation. « Qu’est ce que j’ai fait de la rue ? Je l’ai servie.
« Je vous donne la situation, pas une explication » répond Grira.
(Texte et enregistrements: BBC)
Traduction: LIM