Par Raouf KHALSI
Pourquoi le départ de Nadia Akacha polarise-t-il tant l’opinion publique ? Précisément, parce qu’il s’agit d’abord de Carthage, d’où se dégagent historiquement des senteurs et des odeurs toujours embaumées de mystères. Mais, aussi parce que, depuis 2019, cette femme a toujours paru mystérieuse, silencieuse en public, mais collant aux basques de son mentor. C’était l’éminence grise, une femme d’influence. Le Palais, c’était elle : tout, dit-on, passait par elle. Un rapport de confiance aussi.
On a eu tout « le loisir » de sentir sa touche dans certaines décisions présidentielles. Autour d’elle (ou grâce à elle) se seraient tissées, disait-on, des intrigues florentines, chose parfaitement normale quand on se frotte de très près au Pouvoir, jusqu’à finir par l’exercer, d’une certaine manière…ou, du moins, par avoir l’impression de l’exercer…
Sauf que « le métier » d’éminence grise relève de l’équilibrisme. Et Nadia Akacha a dû s’y exercer, délimitant rageusement son territoire, vidant bon nombre de conseillers autour de Saied, prenant de l’épaisseur, malgré sa posture droite et son apparence austère.
Point de communication avec les médias. Pas de communication du tout, d’ailleurs… On a même vu comment elle a été au Parlement juste pour lire le rapport sur le budget de la présidence et comment elle a refusé de répondre aux questions des députés occultant le débat d’usage. Puis, encore, tout le mystère autour de la fameuse lettre empoisonnée…Secret d’Etat ? Il n’y en a pas, dès lors que le Président ne se retient pas quand il parle ou que, du moins, qu’il ne se trace pas de limites.
Bien entendu, on n’entendra peut-être pas Saied parler de cette « séparation ». D’autant qu’il y a quelque chose de burlesque dans une démission griffonnée sur un bout de papier, alors que le JORT l’avait précédée. La décision est claire : « démise de ses fonctions ». Au fond, il n’a pas à se justifier, ni à évoquer de la cuisine interne.
Est-ce néanmoins aussi interne que ça ?
Car, voilà qu’Ennahdha instrumentalise l’affaire, se redécouvrant, tout d’un coup, de l’affection pour Nadia Akacha ! Voilà, encore, qu’on spécule sur une présumée tension entre l’ex-conseillère et la famille du Président. Ou, encore, sur une incompatibilité d’humeur avec Najla Bouden, voire avec Taoufik Charfeddine…Pour un bon bout de temps, la rue commère y ira avec ses interprétations et ses fantasmagories. On oublie le Président dans tout cela. Ce ne peut être que sa décision. Parce que, comme le dit Franklin Roosevelt, « En politique, rien n’arrive par accident. Si quelque chose se produit, vous pouvez parier que cela a été planifié de cette façon ».
Le flou artistique ? C’est cela aussi, la politique.