Le recours au Fonds monétaire international (FMI) était toujours problématique et très “politiquement” sensible. Mise à part toutes les complications au niveau du processus technique que ce recours impose souvent des complications qui défient le plus souvent les capacités techniques des instances en charges de l’économie et des finances dans un pays donné, le choix de ce mécanisme de financement et d’appui aux réformes, est souvent lié au presque à l’obligation d’opérer des réformes aux niveaux les plus structurels touchant les catégories les plus sensibles de la population. Clairement, il n’est pas de l’ordre de l’exagération ou encore de la “politisation” si on considère que le recours au FMI est en fait plus spécifiquement dans le cadre de pays qui passent par des périodes de déstabilisations extrêmes, l’équivalent d’un choix politique en soi.
C’est dans ce cadre que le Policy Dialogue tient ce samedi 26 Février au siège de l’Amicale des Sortants du Cycle Supérieur de l’ENA de Tunis (Menzeh 6). Ce dialogue est diffusé en ligne sur les pages FB de Synergy Lab, de Radio Med, de l’Association des experts tunisiens en économie et gestion et de l’Amicale des sortants du cycle supérieur de l’ENA de Tunis.
Stabilité fragile
La Tunisie qui a fait recours au FMI et qui a pu appliquer le PAS (le Plan D’ajustement Structurel) dans les années 1990, se voit actuellement astreinte plus que jamais, à renouer avec la même expérience en étant en “Transition Démocratique”. Si la première expérience a été le résultat d’une dégradation économique dans le cadre d’une gouvernance politique en dégradation, le recours au FMI pour sauver les finances publiques durant ces dernières années, s’est fait paradoxalement dans le cadre d’une gouvernance supposée être plus “démocratique”.
Manifestement, la situation est devenue un peu plus complexe, surtout que l’agenda économique n’a jamais été des plus prioritaires dans le cadre du processus d’une transition démocratique politiquement biaisée. La résultante étant que les répercussions de la situation de crise économique ont eu de l’influence sur les variables de l’agenda politique. Ni la situation de « stabilité fragile” qui prévalait avant les décisions du 25 Juillet, ni la gouvernance mitigée et problématique qui caractérise actuellement la situation de l’après 25 Juillet, n’ont pu “empêcher” un recours continu à ce mécanisme très contraignant.
Intervention technico-politique
Si le FMI est capable d’assurer (théoriquement) une “stabilisation” de l’économie à travers le “programme” exigé, force est de constater que son intervention technico-politique doit nous interpeller sur plusieurs niveaux :
- Un défi de capacités dans la mesure où le recours à l’institution de Bretton-Woods suppose une expertise variée (technique, négociation, programmes..) témoignent souvent d’un élan de capacités en termes de montage du programme, de négociation et de communication.
- Un défi d’appropriation dans la mesure où le recours au FMI est synonyme d’acceptation d’une série de conditions de la part de toutes les parties prenantes et de toutes les catégories sociales, notamment les plus sensibles. L’histoire montre que ce processus impose souvent des contraintes à des pays, supposés être souverains, en les poussant à agir sur des équilibres vitaux pouvant déstabiliser des institutions censées défendre les « intérêts corporatistes ».
- Un défi politique dans la mesure où le recours au FMI est de nature à “durabiliser” les aspects problématiques de la gouvernance politique d’un pays. Il s’agit d’une “solution” calmante qui ne fait que reporter le traitement des problèmes structurels de la situation économique d’une manière générale. Il peut s’agir aussi d’un alibi pour les autorités pour ne pas être “créatifs” et « inclusifs ».
- Un défi de priorisation de réformes dans la mesure où les retombées sociales d’un programme de réforme sont souvent difficiles à prévenir et à contrôler. La “solution” FMI est le synonyme de réformes structurelles qui touchent à des secteurs sensibles et en l’occurrence aux politiques sociales : réduction de la masse salariale, dégraissement de l’appareil administratif, restructuration des entreprises publiques et revue du système de compensation risquent de cumuler la charge sociale nécessitant une temporisation intelligente et une priorisation adéquate.
Tous ces défis s’imposent dans un contexte marqué par une performance globale des différentes parties prenantes au plus bas niveau. De plus, l’entente sur les questions primordiales pour sauver une économie en dégradation continue est loin d’être gagnée et l’ambiance politique d’une manière générale n’est pas de nature à consolider ni la décision politique de renouer le contact avec le FMI, ni à permettre à l’administration sur son niveau technique, une bonne marge de manœuvre pour une bonne négociation d’un programme vital.
Economie politique des réformes
Ainsi le deuxième Policy Dialogue de Synergy Lab se penchera essentiellement sur la question de la relation avec le FMI et l’économie politique des réformes. Les questions principales qui seront débattues sont les suivantes: Le recours au FMI constitue-t-il un dernier recours? Quelles leçons pouvons-nous tirer des expériences passées avec l’institution de Bretton Woods ? Quels préalables pour une éventuelle réussite des négociations ? Quelles réformes à mettre en place et quel ordre de priorisation devons-nous inscrire dans le programme ? Et enfin, si nous acceptons que le recours à cette institution est une “fatalité”, comment peut-on “transformer” cette “bonne mauvaise solution” en une opportunité pour une sortie soutenue de la crise?
A travers des interventions d’économistes et financiers et de Conseillers des Services Publics, ce Policy dialogue chercherait à comprendre et penser en perspective pragmatique ce qui suit: Pourquoi en est-on arrivé à une situation où les solutions extrêmes et problématiques deviennent une urgence “nationale”? Quel doit être le rôle des différents acteurs face à une telle fatalité? En quoi ce processus technico-politique peut également être apprenant? Quelles leçons à retenir et quel apprentissage possible pour un éventuel succès des réformes économiques plus “innovantes” et inclusives?
Ce deuxième PD de SynergyLab, réunit d’imminents spécialistes dont Bouraoui El Ouni, fondateur et directeur exécutif du réseau Rehab (Rehab Network of Rehabilitation and Reinsertion Associations,fondateur et président de SynergyLab et consultant en prévention de l’extrémisme violent pour le projet PVE-Education de l’UNESCO, Dr. Aram Belhadj, enseignant chercheur à l’Université de Carthage et la Faculté des sciences économiques et de gestion de Nabeul, Pr Maher Gassab, Professeur de l’enseignement supérieur en sciences économiques, Pr Habib Zitouna, professeur en Sciences Économiques à la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de Tunis (Université Tunis El Manar) et membre du Laboratoire Modélisation et Analyses Statistiques et Economiques (Ecole Supérieure de la Statistique et de l’Analyse de l’Information), Insaf Gargouri conseiller des Services Publics, Directrice Générale et Chargée de Mission à la Présidence du Gouvernement.
(D’après communiqué)