Requinqué par un alignement des planètes inespéré, le mouvement islamiste mobilise ses partisans dans la rue pour une nouvelle démonstration de force, à l’occasion de la célébration de la fête de l’indépendance. Assoupi depuis la prise en main du pouvoir par Kaïs Saïed le 25 juillet, Ennahda semble reprendre du poil de la bête. Le parti, dont le fronde interne ne défraie plus la chronique, a appelé, jeudi, ses partisans à participer massivement à la manifestation qui sera organisée aujourd’hui à l’initiative du Collectif « Citoyens contre le coup d’État ».
Lors de cette manifestation, qui marque la célébration de l’anniversaire de l’indépendance, les manifestants sont appelés à se rassembler à 10 heures à Bab Saâdoun pour se diriger ensuite vers la place du Bardo, où se trouve le siège de l’Assemblée des représentants du peuple. L’objectif est de protester contre les « graves violations des libertés », exprimer leur « refus de la consultation de l’escroquerie » et « imposer le rétablissement du processus constitutionnel ».
Ennahda entend ainsi redonner de la voix et procéder à une démonstration de force alors que les précédentes manifestations organisées par le parti n’ont pas atteint le degré de mobilisation espéré.
Tenu pour responsable des échecs de gouvernance dans la transition démocratique du pays et de la crise économique et dénué de sa principale force -sa légitimité parlementaire-Ennahdha se trouve aujourd’hui revigoré par un étrange alignement des étoiles.
Le parti au logo de la colombe bénéfice d’abord d’un vent favorable lié à la libération du président de son bloc parlementaire et ancien ministre de la justice, Noureddine B’hiri.
Ce haut dirigé d’Ennahdha, qui a été accusé par le chef de l’Etat d’avoir mis du foin dans ses bottes et d’avoir mis au pas la justice, a été remis en liberté le 8 mars après plus de deux mois de détention sans qu’aucune charge soit retenue contre lui ! Et, en plus, le mouvement islamiste s’allie avec le collectif « Citoyens contre le coup d’Etat » ….
Des enquêtes qui traînent en longueur
Le ministre de l’Intérieur Taoufik Charfeddine avait pourtant justifié sa mise en résidence surveillée par des enquêtes liées à « l’octroi illégal de passeports, de certificats de nationalité et de cartes d’identité » et à
« Des soupçons de terrorisme », des accusations qualifiées de « totalement fausses » par Ennahda. Suite à l’annonce de « l’expiration du placement en résidence surveillée » de ce haut dirigeant d’Ennahdha, le ministère de l’Intérieur a indiqué dans un communiqué que cette démarche « vise à permettre à la Justice de mener à bien les investigations et les mesures judiciaires à l’encontre de Noureddine B’hiri ».
Quoi qu’il en soit, la remise en liberté de l’ancien ministre de la Justice prend les allures d’un petit exploit d’Ennahda.
La lenteur de la justice dans le traitement des affaires pendantes impliquant plusieurs hauts cadres d’Ennahdha constitue aussi un vent portant qui semble ravigoter le mouvement. L’enquête ouverte sur les financements étrangers présumés de sa campagne électorale traîne en longueur, tout comme celles liées à l’appareil secret présume d’Ennahda, une officine secrète qui serait impliquée dans les assassinats des leaders de gauche Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi.
Le parti islamiste est aussi soupçonné d’être impliqué dans une affaire liée au juge Bechir Akremi, l’ancien procureur général de la République placé en résidence surveillée et accusé d’avoir dissimulé des preuves et saucissonné les dossiers relatifs aux assassinats politiques.
Et last but not least, l’échec de la consultation populaire en ligne jette incontestablement le discrédit sur le projet politique défendu par Kaïs Saïed et renforce la position de ses ennemis jurés, Ennahda en tête.
Cette consultation électronique présentée par le chef de l’Etat comme étant une étape clef de son plan pour redresser le pays, laisse toujours indifférents des Tunisiens, plus préoccupés par la dégradation de leur situation économique et les pénuries des produits alimentaires. A moins de 24 heures de la clôture de ce sondage, l’affluence sur le portail électronique dédié, www.e-istichara, reste faible avec quelque 474.000 participants, soit moins de 5% des citoyens âgés de plus de 16 ans.
Walid KHEFIFI