Ne comptez pas : vous auriez honte. De savoir que vous avez dilapidé tout ce qu’il y avait de plus précieux dans une Tunisie, qui a acquis son indépendance un certain 20 mars 1956, au prix de tant de luttes et de peines, pour qu’elle en arrive à ce stade aujourd’hui. De déliquescence et de profonde incertitude. Ne comptez pas non plus, qu’il vous sera pardonné. D’avoir dilapidé toute cette somme d’espoir, née, dans le sillage d’une pseudo-révolution, détournée qui plus est, et qui s’est muée aujourd’hui, en un immense désespoir à l’échelle d’un pays, qui ne se reconnaît plus lui-même. Et qui a beau regarder son propre reflet dans le miroir en le scrutant méticuleusement, pour y chercher les traces de sa splendeur passée, il n’y retrouve plus que les vestiges voilés, d’une aura qui s’est perdue, dans les méandres d’une quête, dont il aura échoué à en conquérir le sens ; ayant perdu toute mesure. Et oublié tous les sacrifices consentis par les pères fondateurs de la nation moderne, et le sang de nos martyrs. Ceux qui se sont battus pour leur pays, pour le libérer du joug colonial, et qui sont tombés, pour avoir trop aimé leur pays : mais est-ce qu’on n’aime jamais trop ? Et ceux qui ont été ciblés par le terrorisme, aveugle et hargneux, après l’avènement du printemps de toutes les fleurs fanées, parce qu’ils avaient compris très vite, dans quel marché de dupes, le pays s’était enferré. Et qui n’ont pas mâché leurs mots pour l’exprimer. Nous pensons à Chokri Belaïd, nous pensons à Mohamed Brahmi, nous pensons à Lotfi Naguedh ; mais nous pensons aussi à tous les autres : militaires et sécuritaires, dont le sang a irrigué le terreau de leur pays, pour que mille fleurs y naissent, pour restituer l’espoir.
De l’eau est passée sous les ponts… Qu’avez-vous fait de ce si beau pays, pour qu’il ne reconnaisse plus son propre visage dans le miroir, qu’avez-vous fait ? Vous avez ramené votre idéologie de pacotille, et vous avez foulé aux pieds, tout ce qui en constituait la grandeur. Bourguiba avait raison : tout le mal qui sera fait, sera le fruit de ce que ses propres enfants auront semé. Et parce qu’il était d’une autre trempe que vous, et parce qu’il évoluait sur d’autres sphères, Bourguiba aura raison de vous, et il aura raison contre vous. Vous n’insulterez plus sa mémoire. Et vous savez quoi : dans cette histoire, c’est lui qui aura le dernier mot. Vive la République.
Samia HARRAR