La grogne monte chez les enseignants suppléants exerçant dans les collèges et les lycées secondaire. Appuyés par le syndicat général de l’enseignement de base et l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), ces enseignants appelés régulièrement en renfort depuis 2008 pour remplacer des enseignants permanents décédés ou en situation d’invalidité ont entamé hier des sit-in devant les délégations régionales de l’Education dans toutes les régions de pays pour réclamer leur intégration dans la fonction publique.
Les suppléants ont également annoncé le boycott des cours et des examens tout au long du troisième trimestre de l’année scolaire en cours.
« Trop, c’est trop. La galère des suppléants perdure depuis environ 14 ans, et ils sont aujourd’hui à bout de patience », s’emporte le président de la coordination nationale des professeurs suppléants, Ramzi Rahal.
« Nous réclamons la régularisation par étapes de la situation de l’ensemble des enseignants suppléants qui ont été engagés entre 2008 et 2021 ainsi que l’interruption du recours à ce mode de recrutement pour combler les postes vacants dans les collèges et les lycées secondaires », ajoute-t-il, indiquant que les rassemblements de protestation organisés dans les régions seront couronnés par une « journée de colère » qui se tiendra devant le siège du ministère de l’Education à Tunis.
Un accord sur le recrutement des enseignants suppléants a été conclu en 2018 entre le ministère de l’Education et le syndicat général de l’enseignement secondaire n’a été appliqué que partiellement. « Sur les 4000 professeurs d’enseignement secondaire concernés par l’accord signé en 2018, la moitié seulement ont été intégrés. Aujourd’hui, nous réclamons un nouvel accord pour parachever la régularisation des enseignants suppléants engagés entre 2008 et 2016 et ceux engagés entre 2016 et 2021 », souligne Ramzi Rahal.
Retards de paiement et soupçons de corruption
Le nombre des professeurs suppléants s’élève aujourd’hui à quelque 5000, dont un grand nombre a bouclé plus d’une douzaine d’années d’exercice dans différents établissements d’enseignement secondaire du pays. Outre la précarité de l’emploi, ces enseignants touchent un salaire mensuel de 750 dinars. Mais dans les faits, ils ne sont souvent payés qu’une fois par an. Et l’injustice qu’ils subissent ne s’arrête pas là : des prélèvements sont effectués sur cette rémunération au profit de la Caisse nationale de retraite de prévoyance sociale (CNRPS) au titre de cotisations sociales alors que les enseignants suppléants ne bénéficient ni de cartes de soins, ni d’allocations familiales !
« Ce dossier pourrait cacher une grande affaire de corruption. Un réseau de falsification de diplômes a été d’ailleurs découvert au commissariat régional de Sidi Bouzid, où 5 responsables et plus de 100 enseignants suppléants ont été convoqués par la justice », rappelle le président de la coordination nationale des enseignants suppléants, estimant qu’« un lobby administratif empêcherait délibérément la régularisation de la situation des suppléants pour mettre du foin dans ses bottes ».
Les autorités de tutelle ont jusque-là motivé la non-application des accords conclus avec le syndicat de l’enseignement secondaire sur le recrutement des enseignants suppléants par les fortes pressions qui pèsent sur les finances publiques et l’engagement du gouvernement à réduire les effectifs de la fonction publique et à geler les recrutements pour répondre aux exigences des bailleurs des fonds relatives à la réduction de la masse salariale du secteur public.
Pour rappel, l’ancien ministre de l’Education, Hatem Ben Salem, avait annoncé en février 2020, lors de son audition à la commission parlementaire des jeunes, des affaires culturelles, de l’éducation et de la recherche scientifique, que son département comptait lancer un concours de recrutements des suppléants en prenant en considération des critères liés à l’âge et à la situation familiale. Mais ce projet a été enterré par les gouvernements d’Elyès Fakhfakh et Hichem Mechichi.
Walid KHEFIFI