Par Raouf KHALSI
« Si le radical, c’est l’idéal, oui je suis radical » (…) « Oui, autant qu’il est permis à l’homme de vouloir, je veux détruire la fatalité humaine ; je condamne l’esclavage, je chasse la misère, j’enseigne l’ignorance, je traite la maladie, j’éclaire la nuit, je hais la haine. Voilà ce que je suis, et pourquoi j’ai fait Les Misérables »
C’est en ces termes que répondait Victor Hugo aux critiques de Lamartine des Misérables, chef-d’œuvre promis à la postérité et qui n’a pas de limites temporelles et spatiales.
Il n’y a pas que Victor Hugo. Plus près dans le temps, l’œuvre du monumentale de Taha Hussein « Mouadhabouna Filardh », nous interpelle, elle aussi, avec la même densité, les mêmes suppliques, mais sans jamais se résigner à la fatalité.
Or, Les Misérables c’est aussi le constat sans appel de la condition humaine. C’est l’appel à l’instauration d’une véritable économie sociale (déjà à cette époque où les « Privilèges » primaient), mais sans faire dans le populisme.
Ne sommes-nous pas toutefois, nous ici, dans l’utopie ? Dans une vision où l’effritement du tissu social ne sert que de prétexte aux résurgences des idéologies, la montée d’une nouvelle, et au discours politiques qui n’est plus de cette époque ? Ne sommes-nous pas face à la précarisation, à l’injustice sociale, à la recrudescence des individualismes et à un nouveau type d’asservissement à des schémas de pensées qui nous dépassent ?
Dans tout cela, qui pense réellement à notre roman des origines ? Qui se remémore les piliers sur lesquels a été bâti l’Etat par Bourguiba ?
Nous sommes autant dans le déni que dans l’ingratitude. Autant détruire trois mille ans de civilisation. Autant brûler tous les ouvrages depuis Didon, en passant par Ibn Khaldoun, jusqu’à ceux qui traitent du génie et des égarements de Bourguiba. Et alors, tant qu’à faire, qu’aurions-nous perdu de plus (puisque nous sommes Les Misérables) si nous avions plié l’échine devant le 6ème Califat de la secte à Ghannouchi….
On lit sur la toile, on écoute les pamphlets d’Erdogan et d’Al Jazeera toutes sortes d’obscénités sur le tournant du 25 juillet. Or, à croire que le problème est exclusivement d’ordre politique et institutionnel. Et, quand Washington ne lâche pas prise, on devrait plutôt réaliser que, le nôtre, est un pays important.
D’où vient, donc, que nous fassions leur jeu ? D’où vient que le Président soit pressé pour la nature du régime, alors qu’il faut d’abord rebâtir l’Etat…Parce que nous voyons ce qui se produit au Liban : le non-Etat a conduit à l’affamement du peuple.
Dialogue national ? Au point où nous en sommes, à la limite, il attendra encore un peu…
Car, aujourd’hui, le peuple s’appauvrit. Deux millions de Tunisiens vivent en dessous du seuil de pauvreté. Voilà ce qu’ils ont fait de ce peuple : des miséreux. Et, alors, relisons Hugo, même en arabe. Bien entendu, nos politiques de tous bords ne le feront jamais. Trop lâches pour oser le faire.