Donc, dimanche 10 avril, c’est le premier tour des élections présidentielles en France. Deux candidats accèderont donc au second tour. Parmi les favoris, on retrouve le président sortant Emmanuel Macron, le leader d’extrême-gauche, Jean-Luc Mélenchon et la figure d’extrême-droite, Marine Le Pen. Une campagne présidentielle ou le thème de l’immigration a déchiré les passions, un sujet qui peut entrainer de lourdes conséquences pour la Tunisie.
En 2021, 4,5 % des immigrés français sont nés en Tunisie. Avec une extrême-droite de plus en plus décomplexée et qui se rapproche du pouvoir, la question identitaire est devenue centrale dans les élections françaises et menace directement la diaspora tunisienne. L’argument de la sécurité est celui qui permet à deux candidats aux présidentielles françaises d’extrême-droite de s’attaquer à l’immigration : Marine Le Pen et Eric Zemmour. Parmi les propositions qui touchent directement les Tunisiens de France, on retrouve la réduction drastique de l’immigration étudiante. En 2019, les chiffres de l’INSEE révèlent que près de 14 000 tunisiens étudient en France. C’est la première destination étudiante pour les Tunisiens.
Néanmoins, les extrémistes omettent de préciser l’apport économique de l’immigration estudiantine entre les dépenses de logement, de frais d’inscriptions et l’économie sur la formation antérieure. Selon une étude pour Campus France réalisée en 2014, les étudiants étrangers rapportent chaque année 1,7 milliard d’euros à la France. Pour les Tunisiens, le risque d’une extrême-droite aurait également de lourdes répercussions sur les étudiants qui voient dans l’hexagone une possibilité dans des filières peu investies en Tunisie (littéraires, artistiques ou technologiques) ou des domaines aux places très limités (médecine).
Certains États pourraient en profiter pour attirer les jeunes Tunisiens, comme le Canada ou les pays d’Europe de l’Est qui commencent déjà à concurrencer l’attractivité française sur certains domaines. Au vu de la sociologie des migrations étudiantes issues principalement de classes favorisées ou ayant sécurisé une bourse d’état, cela n’entraînerait pas forcément une réduction de la fuite des cerveaux tunisiens, mais une redirection vers d’autres pays. Rien a gagner, mais beaucoup à perdre des deux côtés de la Méditerranée.
Une immigration rentable
Marine Le Pen et Eric Zemmour souhaitent également une réduction massive de l’octroi de visas touristiques ou de travail depuis le Maghreb. Concernant les visas de travail, l’immigration vient surtout répondre à un manque de main d’œuvre qualifié en France. Le mythe des étrangers volant le travail des Français est réfuté par la recherche. Selon l’institut des politiques publiques de Paris, si l’embauche des travailleurs étrangers a augmenté de plus de 50 % depuis 2008, l’embauche des travailleurs français est restée inchangée et n’as pas connu la moindre baisse. L’immigration vient donc combler un manque. Et souvent, dans des conditions précaires.
À titre d’exemple, lors de la crise du Covid-19, les praticiens maghrébins étaient « en première ligne dans tous les services où il y a une énorme pénibilité du travail », selon le syndicat français des diplômés hors Union Européenne. Conscient des bénéfices de l’immigration de travail, Emmanuel Macron propose de faciliter l’accès à l’emploi pour les immigrés titulaires d’un Master.
Une aide conditionnée à la lutte contre la migration clandestine
Parmi le quatuor de prétendants à la fonction suprême française, seul Jean-Luc Mélenchon propose de régulariser les travailleurs et les étudiants sans papiers, sans condition. Une extrême-droite au pouvoir en France porterait la responsabilité de la migration clandestine uniquement sur la Tunisie. Ainsi, les aides et les partenariats stratégiques de la France seraient automatiques conditionnés au retour des expulsés et à une stricte régulation des frontières afin d’éviter les traversées par la mer. Dans la pratique, la difficulté de contenir les migrations a été observée dans plusieurs contextes : aux Etats-Unis, les restrictions aux frontières mexicaines imposées par Donald Trump lors de son mandat n’ont eu comme conséquences qu’une augmentation des tensions et du nombre de décès en tentant de passer les frontières, selon l’organisation internationale pour les migrations. En bref, avec ces politiques, les migrants ne font que prendre plus de risques. En revanche, c’est un outil politique puissant, car il permet à la France de se désengager du soutien financier et des accords bilatéraux avec la Tunisie sous le prétexte de l’immigration clandestine. Loin d’être uniquement un fantasme de l’extrême-droite, le président actuel, Emmanuel Macron, avait annoncé en septembre 2021 un durcissement des visas après le refus du Maghreb a participer aux procédures d’expulsions des immigrants non-régularisés.
L’économie tunisienne, criblée par l’inflation et la dette, pourrait se voir encore plus affaiblie par un projet raciste au sommet de son premier partenaire stratégique.
Amine SNOUSSI