Lors de la commémoration de 22ème anniversaire du décès du Président Habib Bourguiba, Kais Saied a annoncé un changement pour les Législatives : l’adoption du scrutin uninominal à deux tours lors des prochaines législatives. Une réforme procédurale, mais qui peut entraîner de lourds changements dans le paysage politique.
Depuis 2014, le mode de scrutin pour les législatives tunisiennes est proportionnel et plurinominal : un système où le nombre de sièges est partagé en fonction des voix recueillies. Ce système se base sur un principe de consensus, avec une impossibilité d’hégémonie pour les vainqueurs. Il crée une nécessité de représentation diverse des courants politiques. Par conséquent, il entraîne mécaniquement des gouvernements de coalition ou d’indépendants afin de maximiser l’adhésion des blocs parlementaires.
Les critiques de ce système étaient nombreuses : un scrutin qui favorise un statuquo, avec peu ou pas de possibilités de réformes tant les accords de gouvernements sont difficiles a stabiliser. Ce mode qui n’aura connu que deux législatures n’aura cependant pas eu le temps de faire ses preuves avant que le président de la République ne bouleverse tout le système politique tunisien.
Une fin des listes
Le mode de scrutin uninominal à deux tours se base sur des candidatures individuelles. Rawaa Salhi, spécialiste en droit constitutionnel, prend cette réforme avec optimisme. « L’ancien scrutin était une sorte d’illusion. Le nouveau répond au manque de confiance dans les partis politiques. Ça peut même augmenter la participation. » Une potentielle recrudescence de l’abstention qui ne s’est pas ressentie lors de la consultation nationale du président de la République qui n’a attiré qu’un demi-million de citoyens.
Juridiquement, ce scrutin s’inscrit donc dans l’éloignement de la politique partisane. Néanmoins, pour les partis, aussi, ce scrutin peut être avantageux. « La parité n’est plus obligatoire, ce n’est plus aussi centralisé qu’auparavant et ça crée moins de conflits » explique la juriste. En soi, ce mode de scrutin présidentialise les élections législatives en reprenant le mode de fonctionnement de l’élection qui attire le plus de participation en Tunisie.
Plutôt inédit
Cette réforme s’inscrit dans le projet politique du président visant à sortir d’une gouvernance des partis. Seul bémol : il est impossible de trouver un exemple historique d’un système démocratique sans partis politiques. Et c’est ce qui rend l’adhésion aux réformes de Kaïs Saïed difficile pour plusieurs instances. Nouredinne Taboubi, secrétaire générale de l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), a déclaré que le syndicat ne participera pas au dialogue national du président sans la participation des partis politiques.
Dans les démocraties représentatives, la crise de légitimité se résout souvent par le scrutin proportionnel. Le mode de scrutin majoritaire favorise les grandes forces politiques, au détriment des petits courants qui seront balayés au premier tour. Sauf une grande surprise, le rendez-vous fixé pour découvrir ce nouveau mode de fonctionnement est fin 2022.
Amine SNOUSSI