Par Samia HARRAR
Non-lieu pour les quatre jeûneurs arrêtés la semaine dernière à Manouba. Il devrait y avoir matière à se réjouir. Il y a matière à s’insurger. Pour le simple fait que les non-jeûneurs soient encore, et de nos jours, harcelés. Et soient susceptibles, à n’importe quel moment, et sur simple dénonciation de citoyens, arrêtés, comme des malfrats, par la police, avec un chef d’accusation pour le moins hilarant : « atteinte à la pudeur ». On croit rêver…
Qu’il y ait eu un non-lieu dans cette affaire, prouve assez que la justice, fort heureusement, ne s’est pas emmêlé les pinceaux. Et c’est déjà un soulagement en soi. Mais est-ce suffisant ?
Certes pas. Dans la mesure où les lois « fourre-tout », qui prêtent plus qu’à équivoque, et participent aux amalgames, il faut tout simplement les abroger. Afin d’être dans la cohérence. Et dans le respect de ce qui est stipulé dans la Constitution. A savoir : la liberté de conscience qui fait partie des libertés individuelles et sur laquelle il n’est pas question de tergiverser. Il faut en respecter l’esprit et la lettre. Pour qu’il n’y ait plus ni récidive, ni création d’un énième « précédent », ouvrant la voie à ce genre de dépassements, intolérables, et qui ne doivent pas être tolérés au sein de l’État de droit. Cela implique des consignes claires et fortes, après révision de ces lois obsolètes et injustes, qui tendent à stigmatiser une partie de la population, qui a choisi, et c’est son droit : inaliénable, de ne pas pratiquer le jeûne au mois de Ramadan.
« Mouch Bessif ». Cette partie de la population, n’a pas à se cacher pour manger ou pour boire, pendant le mois saint, sous-couvert qu’elle risquerait, ce faisant, de heurter l’entendement commun. L’entendement commun s’il en est, devra accepter le fait qu’il y ait des différences au sein de la société. Et que cela est valable partout dans le monde. Et dans toutes les sociétés. Cela s’appelle le vivre-ensemble. Et si la « piété » des fidèles tient à un fil, et qu’il faut, pour qu’elle puisse tenir la route sans chavirer, obliger quelqu’un qui a envie de boire un café, à s’abstenir de le faire pour ne pas « choquer », ou de se cacher pour pouvoir le faire sans avoir à en pâtir, eh bien, elle n’a plus de sens, parce qu’en faisant pâle figure, elle prouve assez qu’elle n’est pas bâtie sur un socle solide. Un socle solide suppose que chacun puisse se prévaloir de son droit de choisir, en son âme et conscience, de croire ou de ne pas croire, de pratiquer ou de ne pas pratiquer, un ou plusieurs préceptes de la religion, sans voir la police s’en mêler. Et qu’il soit arrêté pour avoir pratiqué sa liberté de conscience. Un non-sens impardonnable !