La commission administrative nationale de l’UGTT, qui se réunira demain, devrait confirmer la décision du boycott du dialogue national annoncée vendredi après-midi par le porte-parole officiel de l’organisation
Imperturbable et sourd aux appels à un dialogue national inclusif lancés à cor et à cri aussi bien par des acteurs politiques locaux que par des partenaires étrangers de la Tunisie, le président Kaïs Saïed se rêve toujours en père d’une « nouvelle République », qu’il entend construire sur les décombres de la IIème république dont l’édifice constitutionnel et institutionnel a été abattu à ras de terre depuis l’instauration de l’état d’exception, le 25 juillet 2021.
Mais n’est pas Bourguiba qui veut. Pour poser la première pierre du nouvel édifice républicain, le locataire de Carthage a mis sur pied une « commission nationale consultative pour une nouvelle République », dont le doyen est le professeur de droit constitutionnel Sadok Belaïd. Selon un décret présidentiel publié vendredi dans le dans le Journal officiel (Jort), cette commission aura pour mission de présenter, à la demande du président de la République, une proposition concernant l’élaboration d’un projet de Constitution pour une nouvelle République. Elle d est composée d’un comité consultatif des Affaires économiques et sociales regroupant les représentants des principales organisations nationales (UGTT, UTICA, UTAP, UNFT et LTDH) ; d’un comité consultatif des Affaires juridiques composé des doyens des facultés de droit, des sciences juridiques et politiques et d’un comité du dialogue national composé des membres des deux comités précédents.
Mais la perception présidentielle du dialogue national ne fait pas que des contents. Car si la plupart des organisations nationales sont réputées pour être traditionnellement proches du pouvoir en place, au point de s’aligner systématiquement sur ses positions, tel n’est pas le cas de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT). Habituée jouer les contre-pouvoirs, la centrale syndicale a opposé un veto catégorique au dialogue national tel que conçu et voulu par le président de la République.
« L’UGTT refuse d’adhérer au dialogue national conçu par Kaïs Saïed. C’est un dialogue sous conditions et dont les résultats sont connus d’avance », a affirmé le porte-parole officiel et secrétaire général adjoint de l’organisation dans une interview publiée vendredi après-midi sur le site web du journal Echaâb, organe de presse de l’UGTT. Et d’ajouter : « De notre point de vue, le dialogue doit servir à unifier le maximum forces nationales autour du processus de rectification entamée le 25 juillet. D’autant plus qu’aucun chef d’Etat ne peut résoudre à lui seul des problèmes qui se sont accumulées depuis 70 ans ».
La commission administrative nationale de l’UGTT, qui se réunira demain (le lundi 23 mai), devrait confirmer la décision du boycott du dialogue national annoncée vendredi après-midi par le porte-parole officiel de l’organisation.
Le veto opposé par l’UGTT au dialogue national annoncé par le président, et par ricochet à l’ensemble de son projet de nouvelle République, est motivé par l’attachement de l’organisation à assumer pleinement son rôle de contre-pouvoir, au point d’incarner l’opposition au président Kaïs Saïed. D’autant plus que ce dialogue ne servirait, selon les observateurs avertis, qu’à draper le projet politique du chef de l’Etat d’un semblant de légitimité consensuelle et de le relégitimer auprès d’une communauté internationale friande de gestes d’apaisement.
Reste désormais à savoir si la centrale syndicale, ira jusqu’à engager un bras de fer avec le pouvoir, surtout que les points de fictions ne manquent pas sur plusieurs dossiers, dont la mise en œuvre de 46 accords sectoriels en suspens, la majoration des salaires des fonctionnaires et des employés des entreprises publiques, la levée des subventions et la privatisation des entreprises détenues par l’Etat. Le lancement d’un mot d’ordre de grève dans le secteur public (fonction publiques et entreprises publiques) est d’ailleurs l’un des points inscrits à l’ordre du jour de la réunion de commission administrative nationale prévue demain.
Walid KHEFIFI