Par Jamel BENJEMIA
La Commission Consultative pour une Nouvelle République confiée au Doyen Sadok BELAID s’attelle à proposer dans un délai très court une nouvelle constitution pour la Tunisie.
Selon les premières impressions, la nouvelle constitution sera expurgée de toute référence mercantile.
Pour Ibn Khaldoun : « Une nation s’affaiblit lorsque s’altère et se corrompt le sentiment religieux ».
Le caractère civil de l’Etat doit être renforcé, et l’égalité doit être basée sur la citoyenneté sans distinction de race, de religion ou de région.
J’espère que la nouvelle constitution retiendra le principe de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sera soulevée lorsqu’il apparait devant une juridiction en cours, qu’une disposition législative en vigueur porterait atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.
Les tribunaux ordinaires seront réputés compétents pour contrôler la constitutionnalité de la loi, à la différence des dispositions prévues dans la constitution de 2014 (Article 148).
Une occasion unique pour dépoussiérer le code juridique tunisien des dispositions scélérates.
Pour couper court au clanisme ambiant, je suis favorable à l’instauration d’un Conseil Supérieur de la Justice qui sera la juridiction de l’ultime recours.
Un niveau de juridiction qui confortera l’esprit de l’Etat de droit.
Le pays d’Ibn Khaldoun doit être créatif et innovateur, car Ibn Khaldoun nous a alerté que « la justice est la base de l’urbanisation ».
Le Conseil Supérieur de la Justice sera composé de 7 professeurs d’université dont la spécialité est l’enseignement du droit désignés par le Président de la République , deux citoyens (un homme et une femme) tirés au sort par L’ISIE (l’Instance Supérieure Indépendante pour les Elections) selon un dispositif contrôlé par un huissier de justice et sur la base de la dernière liste électorale approuvée , les anciens présidents de la République élus au suffrage universel direct, et les anciens présidents de la Cour constitutionnelle qui ne sont plus membres de la dite Cour.
L’instauration d’une Cour Constitutionnelle est la clef de voute pour ancrer un gardien vigilant des libertés et des droits fondamentaux.
La méthode de désignation des membres de la Cour Constitutionnelle doit être simple : 3 désignés par Le Président de la République, 3 par le Chef de gouvernement ou le Premier Ministre et les 3 derniers par le Président de l’Assemblée Nationale.
L’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen française de 1789 stipule :
« Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, n’a point de constitution ».
Le principe de la séparation des pouvoirs est une question fondamentale.
La constitution de 2014 a mis en lumière des déficiences criantes entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.
Le pouvoir législatif doit être organisé par un bicamérisme original : l’Assemblée Nationale et le Conseil Economique Social et Environnemental (CESE).
Nous devons trancher entre le choix d’une autorité judiciaire (système français) ou le pouvoir judiciaire (Système anglo-saxon).
Personnellement je considère que le système judiciaire anglais est plus défenseur des droits que le système judiciaire français.
Il suffit d’assister aux audiences de certaines juridictions administratives françaises pour vérifier l’indulgence des décisions via à vis de l’administration publique.
Anatole France disait : « Nous n’avons point d’Etat. Nous avons des administrations. Ce que nous appelons la raison d’Etat, c’est la raison des bureaux. On nous dit qu’elle est auguste. En fait elle permet à l’administration de cacher ses fautes et de les aggraver ».
Le Président de la République doit pouvoir mettre fin aux fonctions du chef de gouvernement ou du Premier Ministre par un simple communiqué laconique.
Que La candidature au poste de Président de la République doit être ouverte à tout citoyen porteur de la nationalité tunisienne par la naissance, âgé de 35 ans et jouissant de tous ses droits civiques et politiques.
Le Président de la République doit être le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect de la Constitution et des lois ainsi que de l’exécution des traités. Il veille au fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels et assure la continuité de l’Etat.
Le Président de la République doit pouvoir dissoudre l’assemblée nationale après avoir informé le Président de l’Assemblée Nationale et le Président de la Cour Constitutionnelle.
En cas de blocage institutionnel, le Président de la République peut solliciter directement le peuple à travers le recours au referendum.
Ainsi la souveraineté nationale appartient au peuple tunisien qui l’exerce par ses députés ou par la voie du referendum direct.
Le Président de la République bénéficie d’une immunité juridictionnelle durant l’exercice de ses fonctions.
A la fin de son mandat, l’ancien président de la République devient membre de droit du Conseil Supérieur de la Justice.
En cas de vacance définitive du poste de Président de la République, c’est le Premier Ministre qui aura l’honneur d’occuper la présidence par intérim pour une période de 120 jours maximum, suivi en cas d’empêchement du Premier Ministre, et dans l’ordre établi : Ministre de l’intérieur, Ministre de la défense, Ministre de la justice ou Ministre des affaires étrangères. Le Président de la République par intérim ne peut présenter sa candidature à la Présidence de la République même en cas de refus du poste ou de démission.
L’équité sociale
En matière économique et sociale, la Tunisie doit bâtir un nouveau contrat social avec les partenaires sociaux digne du 21ème siècle.
Le gouvernement doit adopter un langage de vérité en se lançant dans des réformes audacieuses par la restructuration des entreprises publiques déficitaires et l’ardente obligation de reformer la Caisse de Compensation.
Je rêve d’une attitude à la Schroeder qui a su remuscler l’appareil productif allemand par la mise à plat et en profondeur de « l’Etat social allemand ».
Certes l’attitude est jugée suicidaire par les professionnels de la politique mais elle a été bénéfique au renouveau économique de l’Allemagne grâce à l’agenda 2000 que Schroeder a mis en place.
Selon James Freeman Clarke : « La différence entre le politicien et l’homme d’Etat : Le premier pense à la prochaine élection, le second à la prochaine génération ».
La crise du Covid et la guerre en Ukraine ont montré les limites de l’approche par les couts.
Nous devons sortir le plus rapidement de la dictature du cout optimum en prenant en compte la sécurité d’approvisionnement
Ainsi l’Etat doit encourager la production locale à commencer par l’agriculture.
Nous devrons inscrire l’autosuffisance alimentaire et médicamenteuse comme des principes constitutionnels à atteindre.
Nous devrons encourager nos deux fabricants de voitures Bako et Wallis à penser un modèle de taxi local écologique utilisant l’énergie solaire et qui sera une vitrine formidable sur les capacités innovatrices de notre pays.
Pour réussir la transformation digitale et numérique de notre administration, nous devrons construire une infrastructure internet en adoptant la fibre optique comme catalyseur de la croissance, et réducteur de la fracture numérique et de la bureaucratie.
L’encouragement de la mise en place de la formation universitaire à distance peut faire de la Tunisie la plus grande plateforme éducative rayonnante sur tout le continent africain.
Nous devons généraliser le guichet unique pour l’enregistrement des formalités de création des nouvelles entreprises privées.
Nous devons lancer un grand projet de rénovation urbaine avec un schéma d’embellissement des villes.
Le Ministère des transports et le Ministère de l’équipement doivent mettre en place des équipes mobiles pour réparer expressément les trous sur les routes par des pansements spéciaux qui s’appliquent sur le nid de poule à colmater.
Nous devons construire des usines écologiques pour le traitement des déchets par la production des terreaux fertiles pour l’agriculture.
Nous devons régler notre déficit hydrique par la création d’usine de désalinisation de l’eau de mer et des usines de recyclage des eaux usées.
Nous devons inscrire dans la nouvelle constitution une charte écologique et environnementale à valeur constitutionnelle en s’inspirant de l’exemple français.
Le projet d’un nouvel aéroport, le port en eau profonde, le projet d’énergie solaire digne des potentialités de la Tunisie sont d’une impérieuse nécessité.
Nous devons retrousser les manches pour gagner la bataille de la productivité : les pertes annuelles du port de Rades sont estimées à 1000 millions de dinars.
Le port de radés constitue le maillon faible dans le processus d’intégration économique de la Tunisie puisqu’il occupe la 232ème et la 237ème place sur les 370 ports recensés sur le critère administrative et statistique selon le Container Port Performance Index (CPPI).
Quand on sait que le Port de Tanger Med au Maroc se classe au 6ème rang mondial. On mesure l’effort à produire.
Nous devons créer un fonds d’investissement pour encourager les entreprises technologiques qui peuvent devenir des vraies pépites porteuses de croissance et de plus-value inexorables.
Nous devons encourager et organiser la création artistique afin de faire de la Tunisie la première plateforme de créations d’œuvres destinés au monde arabe et francophone.
Car la culture est le réservoir inépuisable du rayonnement d’un peuple.
Selon Montesquieu : « L’effet des richesses d’un pays, c’est de mettre de l’ambition dans tous les cœurs. L’effet de la pauvreté est d’y faire naître le désespoir. La première s’irrite par le travail : l’autre se console par la paresse ». Notre ambition est de devenir un pays conquérant, sur de lui-même et rayonnant sur le monde