Les résultats de la session principale du bac 2022 viennent d’être proclamés. D’après les taux de réussite, on remarque que les résultats obtenus dans les lycées publics (44,38%) sont meilleurs que ceux des écoles privées (10,84%). Cela nous pousse à nous demander pourquoi l’enseignement public a toujours été pointé du doigt par bon nombre de parents qui ne cessent de le critiquer, de le sous-estimer, voire de le diaboliser, préférant inscrire leurs enfants dans des écoles privées, sous prétexte que dans ces boites privées les conditions d’études sont plus favorables et que les bons résultats sont assurés. D’autres parents pensent que les grèves dans le public sont trop fréquentes et c’est l’un des arguments pour mettre leurs enfants dès l’école primaire dans le privé. Or, il s’avère qu’en réalité, des statistiques à l’appui, l’enseignement public est et reste toujours plus performant et plus efficace quant à la formation des élèves et à leur taux de réussite et ce, malgré certaines déficiences au sein des établissements publics.
En effet, l’infrastructure et les équipements scolaires dans les établissements privés ne sont pas toujours garants des bons résultats, notamment lors des examens ou les concours nationaux où les moyennes ne sont pas fameuses. D’ailleurs, on n’a jamais entendu parler d’un candidat privé ayant obtenu une bonne moyenne à l’échelle nationale, comme ces candidats issus d’écoles publiques qui ont récolté les meilleurs résultats, toutes disciplines et sections confondues, dont on est fier et qui font honneur à leurs parents et à toute la société.
Ascenseur social certain ?
Il est vrai que pas mal de parents préfèrent l’école privée pour les études de leurs enfants, mais la majorité jettent encore leur dévolu sur l’école publique, parce que cette dernière leur procure la gratuité des études, le sérieux et la discipline et aussi des enseignants plus performants que ceux du privé. N’oublions pas que l’école publique est un grand pourvoyeur des hauts cadres de l’administration qui dirigent les différents services de la fonction publique. Chaque année, les bacheliers lauréats de l’enseignement public bénéficient de bourses d’études pour accéder aux universités étrangères (Etats-Unis, France, Allemagne…)
Il existe certes des écoles privées chez nous de bonne réputation, mais les résultats de leurs élèves demeurent inférieurs de ceux des écoles publiques, notamment au cours des examens nationaux où l’école publique nous fournit chaque année son lot de réussites spectaculaires, de performances impressionnantes et de meilleurs classements au bac. Toutefois, malgré les bons scores réalisés par les candidats de l’école publique en cette session principale du bac, le ministère se trouve en butte à plusieurs difficultés à la fois structurelles et conjoncturelles, qui traduisent les maux de l’école tunisienne qu’il faut remédier pour atteindre dans l’avenir des taux de réussite plus élevés.
Chapeau bas, les filles !
Voilà que depuis des années les filles dament le pion aux garçons en obtenant les meilleurs résultats que ceux des garçons à l’examen du bac. En effet, pour cette session principale, le taux de réussite des filles est de l’ordre de 61, 49% alors que celui des garçons est seulement 38, 51%. Et dire que les meilleurs résultats ont été réalisés par les filles presque dans la majorité des disciplines : 83,02% de filles contre 16,98% de garçons (section lettres), 54,38% contre 45,62% (section mathématiques), 77,44% contre 22,56% (Sciences expérimentales) et 65,95% contre 34,05% (Economie-gestion). Les garçons ne l’ont remporté que dans les sections techniques et informatiques.
L’histoire d’une généralisation de l’enseignement
C’est dire qu’en général, les filles s’intéressent plus que les garçons à leurs études, elles sont plus studieuses, plus appliquées à l’école que les garçons. Cette prédisposition des filles à se consacrer à leurs études a peut-être son explication sociologique basée sur la vision traditionnelle de la famille à l’égard des deux sexes, dans la mesure où la réussite scolaire doit être une obligation pour le garçon grâce à laquelle il pourrait concrétiser tous ses espoirs et ceux de la famille ; ainsi les études deviennent une contrainte et un lourd fardeau qu’il doit supporter. Or, pour la fille, il n’en est pas de même. L’enseignement de la fille était relégué à un second degré. Ce n’est qu’avec la généralisation de l’enseignement que les mentalités ont peu à peu changé. De même, la mixité dans les établissements scolaires a créé une certaine concurrence entre les deux sexes qui se transforme en ambition, en défi. L’école devient donc l’aire de compétition entre garçons et filles, une opportunité à saisir par ces dernières pour s’imposer à l’école et au sein de la famille et prouver leur égalité avec les garçons. On les voit travailler d’arrache-pied telles des fourmis pour réaliser les meilleures performances et obtenir d’excellents résultats ; car elles savent qu’en échouant dans leurs études, elles devront rester à la maison. Et c’est ainsi qu’elles s’accrochent à leurs études en réalisant les meilleurs scores tout au long de leur cursus scolaire. Pour les filles, à la différence des garçons, l’école n’est pas vécue comme une contrainte, mais plutôt comme un sacerdoce, un acquis auquel elle tient beaucoup. Voilà comment les sociologues expliquent cette primauté féminine dans les études et les examens.
Hechmi KHALLADI