Par Raouf KHALSI
La justice immanente, il faut y croire. La justice, ici-bas, ne s’épuise jamais, quand bien même on l’aurait bâillonnée.
Voilà donc une lueur. Le combat acharné du comité de défense des martyrs Belaïd et Brahmi trouve enfin sa raison d’être.
Un dossier avec des milliers de pièces, de preuves, des révélations que la caste au pouvoir a étouffées, tout le long d’une décennie d’enfer et selon la technique classique du noyautage inhérente aux crimes d’Etat. Tout un package, en fait. Les crimes, l’appareil secret, le blanchiment d’argent et, bien sûr, la pieuvre au sein du corps noble de la magistrature.
La Tunisie a vécu près d’un demi-siècle avant que justice ne fût rendue à Salah Ben Youssef. Elle ne saurait indéfiniment vivre sans faire son deuil du martyr de Belaïd et Brahmi.
Cette accélération (du moins en ce qui concerne les présomptions pesant sur une certaine organisation terroriste) aurait-elle été possible sans le coup du 25 juillet ? Elle ne s’est même pas déployée des temps où feu Béji Caïd Essebsi en faisait son « affaire personnelle ». Du moins, d’après ses propres termes. Sauf que l’allié au pouvoir était beaucoup plus fort que lui. Tous les rouages de l’Etat et, surtout, la Justice lui étaient soumis.
Or, si « le pouvoir est l’aphrodisiaque suprême » comme le dépeint Kissinger, l’aveuglement poussé jusqu’aux outrances devient ravageur. Belaïd et Brahmi étaient les premiers à alerter les Tunisiens quant au danger de mort qui guettait le pays tout entier. « Le carré monstrueux », tel que le définissait Belaïd tout en sachant qu’il était ciblé. Personne ne les entendait. Ou presque.
Sauf qu’ils continuent d’hurler, parce qu’ils sont morts debout, parce qu’ils ne sont pas près de pousser leur dernier soupir.
Aujourd’hui, il faut bien croire en la justice des hommes. Il faut croire en la justice, tout court.
Parce que la renaissance du pays dépend d’une justice affranchie. Kais Saied qui serait porté à en faire un maillon de l’Exécutif, serait tout aussi inspiré de l’anoblir, une fois tout le corps de la Magistrature assaini.
Sauf que les choses ne vont pas s’en arrêter là. Parce que, comme le dit Sherlock Holmes, « quand on aura éliminé toutes les hypothèses, il ne restera que les évidences ».