Il a marqué l’Histoire en précipitant, malgré lui, la disparition de l’empire soviétique en 1991. C’était l’une des grandes figures politiques du XXe siècle. Samedi, des centaines de Russes font leurs adieux au dernier dirigeant de l’Union soviétique Mikhaïl Gorbatchev, lors de funérailles sans éclat marquées par l’absence du président Vladimir Poutine. Gorbatchev s’est éteint mardi soir à l’âge de 91 ans des suites d’une « longue et grave maladie », selon l’hôpital où il était soigné. Il a marqué l’Histoire en précipitant, malgré lui, la disparition de l’empire soviétique en 1991, alors qu’il essayait de le sauver avec des réformes démocratiques et économiques, mettant ainsi fin à la Guerre froide.
Salué en Occident comme un homme de paix, Gorbatchev est vu par beaucoup en Russie comme le responsable du déclassement géopolitique de Moscou et des années de crise politique et économique qui ont suivi la chute de l’URSS. Signe de désaffection du pouvoir russe, aucun jour de deuil national n’a été annoncé. Surtout, les funérailles se déroulaient en l’absence de Vladimir Poutine, justifiée par le Kremlin par un « emploi du temps » chargé. Quelques centaines de personnes faisaient néanmoins la queue dans la matinée devant la Maison des syndicats à Moscou, où le cercueil de Gorbatchev était exposé, pour lui dire adieu. A l’intérieur, un portrait de l’ancien dirigeant trônait à côté du cercueil ouvert, près duquel la fille de Gorbatchev, Irina, était assise. Deux gardes en uniforme étaient postés de part et d’autre du cercueil, pendant que les visiteurs déposaient des fleurs avant de s’incliner respectueusement devant la dépouille.
Mais en pleine crise ouverte entre Moscou et l’Occident à cause du conflit en Ukraine, aucun grand dirigeant mondial n’était présent à la cérémonie. Le Premier ministre nationaliste hongrois Viktor Orban, proche du Kremlin, est le seul dirigeant étranger dont la venue a été annoncée samedi, au dernier moment. Selon la présidence russe, aucune rencontre n’est prévue avec Vladimir Poutine. La Maison des syndicats, où le cercueil de Gorbatchev est exposé, est un lieu emblématique où les dépouilles de plusieurs dirigeants de l’URSS ont été présentées, notamment celle de Joseph Staline en 1953. Après cette cérémonie, Gorbatchev doit être enterré au cimetière de Novodievitchi, à côté de son épouse Raïssa Gorbatcheva, morte en 1999 et dont il était très proche.
S’il n’assistait pas aux funérailles samedi, Vladimir Poutine s’était discrètement rendu jeudi à l’Hôpital central clinique (TSKB) de Moscou, où est décédé Gorbatchev, pour déposer un bouquet de roses rouges près du cercueil. Dans son message de condoléances, il a rendu hommage minimal à Gorbatchev : sur un ton neutre, il a constaté qu’il avait eu « une grande influence sur l’Histoire du monde » et s’était « efforcé de proposer ses propres solutions aux problèmes » de l’URSS. La relation entre les deux hommes était complexe, oscillant entre marques d’estime et reproches mutuels, avant de faire place à une cordiale indifférence. Par contraste, les capitales occidentales, de Washington à Berlin, en passant par Paris et Rome, ont célébré chaleureusement la mémoire de Gorbatchev, salué pour avoir œuvré au rapprochement Est-Ouest et à une réduction des arsenaux nucléaires, ce qui lui avait valu en 1990 le Nobel de la paix.
L’Allemagne, dont la réunification a été permise par la chute du mur de Berlin et de l’URSS, a annoncé que les drapeaux seraient en berne dans la capitale allemande samedi. Mais, en Russie, Gorbatchev est perçu par beaucoup comme le fossoyeur de la grande puissance soviétique qui rivalisait avec l’Amérique et dont la fin, jugée humiliante, a laissé place à une décennie de crises et de violences. Boris Eltsine, premier président de la Russie au pouvoir lors des années de transition douloureuse vers l’économie de marché, et qui avait désigné Vladimir Poutine comme successeur, avait eu droit, lui, à des honneurs appuyés à sa mort en 2007. Le Kremlin avait alors décrété un jour de deuil national et organisé des funérailles officielles. En présence de Vladimir Poutine et Mikhaïl Gorbatchev.
(avec agences et médias)