La Présidence de la République a bel et bien consulté l’instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) pour avis sur le décret-loi modifiant la loi électorale avant sa promulgation. A cet effet, l’instance a donné son avis et se prononcera également sur le texte de la version finale telle que publiée au journal officiel de la République Tunisienne (JORT), a fait savoir Maher Jedidi, membre de l’ISIE, ajoutant que le propre de l’instance électorale étant de s’intéresser aux questions purement techniques et juridiques et non politiques.
Le membre de l’ISIE a révélé que le nombre des parrainages telles présentées dans le cadre du projet de révision soumis à l’ISIE a été fixée à 200 avant de les porter à 400 parrainages, soulignant que ce chiffre élevé soulèvera des difficultés de taille dans la pratique, notamment, lorsqu’il est question des circonscriptions à l’étranger.
S’exprimant lors de sa participation, samedi, à une table ronde organisée par l’Association tunisienne de droit constitutionnel, intitulée » Lecture du décret-loi n° 55 de 2022 modifiant la loi organique sur les élections et le référendum « , Jedidi a tenu à préciser que les impressions de l’autorité concernant ce décret-loi sont globalement « bonnes », soulignant que la présidence de la République a pris en compte les observations relevées par l’ISIE.
En revanche, la présidence de la République a ajouté d’autres points que l’ISIE aurait préféré ne pas inclure dans le texte de la loi électorale, citant en exemple, la délicate question des parrainages. Prenant la parole, le professeur de droit constitutionnel, Abderrazek Mohktar, a estimé que le durcissement des conditions d’éligibilité dans le décret-loi amendant la loi électorale aura malheureusement un effet inverse, dès lors qu’il pourrait aboutir à l’exclusion de plusieurs personnes censées se porter candidat aux élections.
Pour sa part, la constitutionnaliste Salsabil Klibi, est revenue sur la question des parrainages, affirmant que cette procédure est censée être appliquée au niveau local, ce qui signifie que le candidat ne peut collecter des parrainages en dehors de sa circonscription électorale, alors que l’institution pour laquelle il est éligible est une institution nationale et non un conseil régional, étant donné que le député est un représentant de la nation tout entière, toutes franges et catégories confondues.
Elle a estimé que le suffrage uninominal « n’est pas un mode de scrutin clément avec les femmes et les jeunes », en ce sens qu’il » ne favorise pas la représentation des femmes ou des jeunes dans les cercles du pouvoir, contrairement au scrutin sur listes qui prévoit la parité « .
Klibi a en outre vivement critiqué la question de le découpage des circonscriptions électorales, précisant que ce découpage est un choix éminemment politique, qui nécessite de la connaissance scientifique et un surcroit de temps pour l’étudier sous tous les angles, préférant le confier à des experts en géographie humaine.
Elle a indiqué que le découpage prévu par le décret-loi portant révision de la loi électorale est « tronqué », dès lors qu’il ne tient pas compte des bases scientifiques ou démographiques des circonscriptions électorales », regrettant que ce mode de découpage électoral appréhendé dans une perspective de scrutin uninominal privilégie le candidat se présentant dans un cadre très restreint, contrairement au mode de scrutin sur les listes.