Par Raouf Khalsi
« Tout le monde a tort, sauf Le Monde », fléchette lancée à ses heures par De Gaulle des temps où Beuve-Mery, le fondateur de l’influent journal, affublait le Général du sobriquet de « Monarque présidentiel ». En fait, tout découlait de la façon dont l’homme de Juin a jonglé avec la constitution, d’abord pour instituer le référendum, lequel référendum s’est mué en plébiscite, en finissant ainsi avec le ridicule de la IVème république et en donnant, par ricochet, naissance à la Vème (le régime présidentiel) et que personne, même pas Napoléon, ne pourrait déboulonner.
Avec Le Monde, c’est toujours Pascal qui s’invite au débat : « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ».
Sauf que, depuis Beuve-Mery, le journal Le Monde a perdu de sa mordante. Et de sa capacité à mettre les évènements en perspective, par manque de culture géostratégique aussi.
Le Monde n’en continue pas cependant de donner des leçons fallacieuses à un monde qui lui échappe désormais.
Ces derniers jours, il s’est encore penché sur la crise tuniso-marocaine, retrouvant du coup, ses vielles recettes expansionnistes, celles-là mêmes qui datent de la guerre d’Algérie.
On sait qu’Alger et sa Kasbah, tout autant que ses maquisards et ses harkis représentent la mauvaise conscience des Français. Réparer l’Histoire, la France le veut néanmoins. Faire de l’Algérie le Léviathan du Maghreb, le sinistre croque-mitaine, voilà que Le Monde en brosse le portrait.
En quoi cela peut-il concerner la Tunisie ?
Simplement parce que ces frictions diplomatiques entre Rabat et Tunis sont mises sur le compte d’une prétendue sujétion de notre pays à l’Algérie. Parce que, affirme-t-on dans ce même article, que Tabboune aurait rallié Saied à sa vision du Polisario. Parce qu’en plus, les lobbys autour de ce journal chouchoutent Rabat, s’émerveillent de la normalisation avec le sionisme, sans parler d’un « américanisme » béat, oubliant ce que De Gaulle pensait des Yankees et de l’Alliance atlantique…
Sommes-nous ancrés à l’Algérie ? Sommes-nous à la recherche d’une charpente de protection ? Pas le moins du monde. Pour nous, Alger, autant que Tripoli représente la véritable dynamo géostratégique.
Et, au milieu de tout cela, la Tunisie est une dynamo dans la dynamo. C’est elle qui peut stabiliser la région, tout comme elle pourrait la faire flamber. On l’a vu avec la révolution. C’est dans ce sens que c’est plutôt Tabboune qui a besoin de Saied et non l’inverse.
Le pacte de sang ? Tout faire pour éradiquer l’islam politique et ses bras armés.
Le Monde et celui qui lui a suggéré cet article seraient inspirés de repenser leurs schémas de pensée dans la perception géostratégique de la région.
On ne l’a pas vu disserter sur les dévotions de Ghannouchi pour Doha et la Sublime porte…