Par Slim BEN YOUSSEF
Les lois positives formulent à l’égard de toute société une espèce d’autocritique vaine qu’aucun législateur ne peut anticiper, que des individus mettent à mal, que les « criminels » piétinent. Lorsque Saïed s’est attelé à rédiger (de ses propres mains ?) les « tables » de « sa » loi électorale, il ne pouvait pas imaginer que les « failles », qui sillonneraient le texte, allaient avoir des conséquences imprévues, naturellement inéluctables, sur « le cours de l’Histoire ». Sans doute, présumait-il, seulement, que son catéchisme électoral, foncièrement « partitophobe », une fois apposé son sceau, errera entre les exégèses des « experts », les sarcasmes des internautes et les diatribes des opposants. Mais jamais, il n’aurait imaginé que sa nouvelle liste d’interdits et ses nouveaux codes de « bonnes manières électorales », concoctés « de la base au sommet » par ses soins, allaient « réinventer » certaines pratiques frauduleuses qu’il avait lui-même, à l’en croire, tant à cœur d’éradiquer ; apanages d’un « régime déchu », dont il se réclame pourtant rédempteur.
« Achats » des parrainages ? C’est le « phénomène », martèle-t-il à sa cheffe de gouvernement. Pour rectifier le tir, mieux vaut tard que jamais : il « suffira » d’amender.
Le précédent, Saïed l’avait déjà créé lui-même, en début d’été, en amendant après publication au Jort, par émission d’un simple décret, le projet de constitution soumis plus tard à référendum. Une « manie » à rapetasser ? Soyons clairs : en temps dit « d’institutions démocratiques permanentes », un président élu propose un projet d’amendement, l’opinion publique débat longuement de son « utilité », une cour constitutionnelle étudie sa « constitutionnalité » et un parlement élu palabre, délibérément, de ses tenants et aboutissants, avant de décider, ou pas, de son adoption. Intégrale ou partielle. Soyons à présent lucides : en période dite « d’exception », peut-on reprocher à un « superpouvoir » de faire l’économie des procédures et d’exercer, à volonté, son « droit » de rapetasser ? L’opposition boycottera (que sait-elle faire d’autre ?). L’opinion publique abdiquera (aura-t-elle le choix ?). Le « peuple » s’en moquera (un dernier de ses soucis). Et… l’ISIE consultée pour avis ? Simple formalité.
Frustrant ? Une constitution n’est pas le Coran. Une loi électorale n’est pas la Torah. Post-scriptum ? Le luxe d’amender…
La bonne nouvelle, c’est que, Saïed, en s’arrogeant ce « luxe », donnera, au moins, une nouvelle chance à une loi électorale ostensiblement lacuneuse, dont les nombreux « points faibles » ont été –au-delà des jérémiades de « l’establishment déchu »- finement décortiqués par la société civile. Le hic, c’est que la question des parrainages, chère au président, est, peut-être de loin, la moins contestée. La moins « grave ». Les « grandes inconnues » du scrutin uninominal, la représentativité sérieusement compromise des femmes, et les aléas d’un découpage électoral, pour le moins « arbitraire », font office de « menaces phares ». La plupart des lois sont des miettes « remodelées » d’autres lois antérieures. L’œuvre de Saïed est-elle la miette extraordinaire de la « pyramide » originaire ? Le 17 décembre le dira.