Désormais, on a l’impression que les autorités tunisiennes ne pourront pas garantir les droits à la santé et à la vie du citoyen tunisien, surtout dans le contexte de la crise qui fait que bon nombre des patients, surtout ceux qui souffrent de maladies de longue durée, ne peuvent se procurer leurs besoins en médicaments. La crise va s’exaspérer avec le départ récent de trois laboratoires étrangers qui ont mis fin à leur production pharmaceutique et quitté définitivement le pays.
Voilà que depuis deux ans au moins les Tunisiens subissent cette pénurie des médicaments qui ne cesse de s’aggraver. Même les prix de certains médicaments ont été multipliés par trois ou quatre par rapport aux années précédentes. Les autorités parlent déjà depuis 2018 d’une augmentation de prix qui toucherait près de 2350 médicaments génériques et antibiotiques. Ajoutons à cela l’absence de médicaments essentiels pour des maladies bien déterminées, à savoir le diabète, les maladies cardiaques et le cancer qui se trouvent rarement dans les pharmacies et qui ne se vendent goutte-à-goutte. De plus certains médicaments sont provisoirement suspendus ou carrément supprimés, sans pour autant être remplacés par d’autres.
La pénurie engendre la hausse des prix
Il y a quelques jours, le président du Syndicat des propriétaires de pharmacies privées a affirmé, dans une déclaration à une chaine de radio privée que les prix de vente des médicaments connaîtraient une hausse dans les prochains jours. Il a précisé que cette hausse s’expliquait par le fait que l’Etat couvrait la différence de change, pour fournir les médicaments à des prix stables. Il a expliqué que la situation des médicaments en Tunisie est en crise depuis 2016 et que la Pharmacie Centrale était encore en peine, surtout en ce qui concerne les médicaments importés. Actuellement, a-t-il ajouté, les médicaments fabriqués localement ne couvrent que 60% des besoins du marché. En effet, environ 532 médicaments sont en pénurie, notamment, les médicaments pour les maladies du diabète, les cas cardiovasculaires et autres.
En effet, depuis au moins trois ans quand la pénurie commençait à sévir, le gouvernement n’a pas mis en place de plan de protection sociale afin d’assurer un accès continu aux médicaments essentiels. Ainsi, un grand nombre de patients atteints de maladies chroniques mènent aujourd’hui une vraie bataille pour obtenir des médicaments essentiels. Parfois même, les médicaments d’usage courant manquent dans les officines. A l’incapacité des entreprises pharmaceutiques nationales de fournir les médicaments essentiels en permanence, s’ajoute l’irrégularité de l’approvisionnement en médicaments essentiels provenant des fournisseurs internationaux qui nous reprochent le retard du paiement de la marchandise ou exigent le paiement à l’avance. En effet, la perturbation en matière d’approvisionnement s’explique essentiellement par les problèmes enregistrés au niveau de la Pharmacie Centrale en relation avec le paiement de ses dettes. La pénurie et la hausse des prix de certains médicaments s’expliquent également par le coût élevé des matières premières utilisées dans la fabrication des médicaments et par la dépréciation du dinar tunisien, ce qui a impacté le marché des médicaments.
La galère des femmes atteintes du cancer du sein
Ceux qui sont atteints de maladies aigues ou chroniques peuvent parfois se débrouiller pour supporter le manque de certains médicaments chez le pharmacien, en les remplaçant, souvent à contre cœur, par des médicaments génériques fabriqués en Tunisie.
Mais, il y a des maladies qui n’attendent pas, notamment le cancer du sein dont 3500 cas sont révélés chaque année en Tunisie. C’est la deuxième cause de décès après les maladies cardiovasculaires, d’après l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). La santé de ces femmes malades de cancer dépend amplement de médicaments spécifiques qui ne sont pas toujours disponibles ni dans les hôpitaux publics ni dans les pharmacies privées quoiqu’ils soient indispensables et souvent très urgents. Ainsi, la pénurie de ces médicaments représente un risque pour des milliers de patientes pour qui la moindre pénurie pourrait dégrader leur état de santé et mettre en danger leur vie.
Un ami à moi dont la femme est atteinte du cancer du sein m’a affirmé récemment avec beaucoup de peine : « Je connais chaque fois la galère pour procurer la dose prescrite par le médecin. Depuis trois mois et demi, les médicaments qu’elle doit prendre sont introuvables en pharmacie. Je crains une régression de son état de santé. Même si ces médicaments arrivent, ce n’est pas facile de les acheter, car ils s’épuisent très vite ! » Dans les hôpitaux et les centres spécialisés dans cette maladie, il faut toujours faire la queue pendant des heures pour se procurer sa dose. Il est vrai que ces médicaments sont remboursables par la CNAM, mais à quoi cela peut-il bien servir si les médicaments manquent souvent. Disons que de nombreuses patientes s’orientent vers le marché noir pour se procurer ces soins nécessaires. Elles se dirigent aussi vers d’autres pays étrangers. On ne peut que souhaiter l’accès rapide et facile de ces femmes souffrantes de cancer à leurs médicaments indispensables et urgents dans la plupart des cas, en dotant en permanence les pharmacies publiques et privées de ces médicaments et surtout pour éviter un certain favoritisme qu’on remarque souvent lors de la vente de ces produits médicamenteux dont les patientes du cancer ne peuvent se passer.
Hechmi KHALLADI