Après avoir conclu un accord à l’arrachée sur la majoration des salaires dans le secteur public en septembre dernier, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) s’apprête un nouveau front : une bataille contre l’injustice fiscale que subissent les salariés qui supportent plus de 80% de la charge fiscale globale. C’est du moins ce qu’a annoncé le secrétaire général de la centrale syndicale, Noureddine Taboubi, le week-end dernier.
« La justice fiscale sera désormais au cœur de la bataille sociétale. Nous réclamerons la révision du barème de l’impôt sur le revenu et la révision à la baisse de l’impôt sur les salaires. La baille sera entamée le 30 novembre à l’occasion du rassemblement ouvrier du secteur du transport », a lancé M. Taboubi lors du congrès de la fédération générale des travailleurs du secteur de l’éducation.
« L’organisation refuse la politique actuelle du gouvernement qui accroît la pression fiscale sur les salariés et l’accable d’impôts pour mobiliser les recettes du Budget de l’Etat 2023 dans un contexte de cherté de la vie et de détérioration du pouvoir d’achat », a-t-il ajouté.
Commentant les fuites relatives à de nouvelles hausses de l’impôt pour les salariales figurant dans la loi de finances 2023, le responsable syndical a indiqué que l’organisation ouvrière n’entend pas croiser les bras face à une injustice sociale qui va crescendo.
« Les salariés ne peuvent pas supporter plus d’impôts que les autres catégories sociales », a-t-il dit en allusion aux entreprises qui pratiquent l’évasion fiscale, aux entreprises opérant dans le secteur informel et aux professions libérales soumises au régime forfaitaire ». Et de renchérir : « l’UGTT est prête à descendre dans les rues pour mener une véritable bataille pour la justice fiscale et la justice sociale ».
Les pouvoirs publics privilégient les solutions de facilité
Selon une récente étude de l’Association tunisienne des économistes (ASECTU) avec le concours de la Fondation allemande Hanns Seidel, la charge fiscale est très mal répartie en Tunisie. Les salariés représentent 84% des contribuables. S’il est vrai que les salariés ayant un revenu inférieur à 5000 dinars ne paient pas d’impôts, ceux qui ont un salaire annuel compris entre 5 et 20 mille dinars (51%) représentent 49% des impôts sur les salaires. Ceux qui ont un revenu supérieur à 20 mille dinars (13%) paient 51% des impôts sur les salaires.
L’étude révèle également que 53% des 414 mille personnes soumises au régime forfaitaire ne paient pas d’impôt sur le revenu. Le reste (47%) n’ont payé que 36 millions de dinars en 2015, soit 0,7% de l’impôt sur le revenu et 0,2% des recettes fiscales.
En ce qui concerne les sociétés, 75% des impôts sont supportés par 13% des entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 1 million de dinars. 250 grandes entreprises supportent quant à elles, 75% de l’impôt des grandes entreprises et 50% de l’impôt sur les sociétés.
Au total, 24% des entreprises tunisiennes ont déclaré avoir réalisé des bénéfices et payé des impôts en 2015. 46% sont en défaut alors que 11% ont déclaré néant et19% sont déficitaires.
L’étude, qui estime le poids du secteur informel dans l’économie tunisienne à 30%, révèle par ailleurs que près du tiers de la population active employée (32,3%) exerce dans l’illégalité et échappe totalement aux services de l’impôt.
L’ASECTU a dénoncé dans ce cadre la démarche suivie par les pouvoirs publics ebn matière de mobilisation des recettes fiscales. « Les autorités ne se concentrent que sur des solutions de facilités en surtaxant toujours les mêmes contribuables et en optant continuellement pour l’imposition à la source », souligne-t-elle, notant que ces mesures ont mené à l’injustice fiscale et ont engendré un fort taux d’évasion fiscale et des pertes colossales pour l’Etat.
Walid KHEFIFI