Le Conseil national de l’ordre des pharmaciens de Tunisie (CNOPT) a exprimé, dimanche, sa forte inquiétude quant à l’impact de la décision de la Chambre syndicale nationale des pharmaciens grossistes-répartiteurs (CSPGR) de suspendre la distribution de médicaments sur tout le territoire, sur le droit des malades à l’accès aux médicaments. La décision de la chambre intervient en raison du non renouvellement, par le ministère des Finances, de l’attestation d’exonération de la retenue à la source sur les ventes des médicaments au titre de l’année 2022. « L’arrêt de l’activité des pharmaciens grossistes impactera directement le stock des médicaments dans les pharmacies et leur capacité à satisfaire les besoins des malades », explique le CNOPT.
Il a appelé les autorités concernées à intervenir d’urgence pour trouver une solution qui puisse garantir la continuité de la distribution des médicaments pour préserver la santé des citoyens.
Rappelons que la CSPGR qui avait préalablement décidé d’arrêter son activité à partir du 15 novembre dernier, pour les mêmes raisons, avait reporté cette décision le 14 du même mois, expliquant ce report par la poursuite des négociations avec les parties gouvernementales concernées et de «promesses sérieuses faites par le ministre de la Santé, et les ministres concernés par la résolution de cette affaire».
Négociations qui n’ont pas abouti
La CSPGR avait appelé, en mars 2022, le gouvernement à intervenir en urgence pour permettre à ses adhérents d’avoir l’attestation d’exonération de retenue à la source pour l’année 2022. Le trésorier de la chambre, Ahmed El Karray avait indiqué dans une déclaration à l’agence Tap, que la chambre avait l’habitude, depuis 2006, d’obtenir ladite exonération, dans un délai qui ne dépasse pas le mois de janvier, ajoutant que les adhérents de la chambre ont soumis des demandes pour avoir cette attestation, depuis le début de 2022, sans avoir de réponse. Il a considéré que le non renouvellement de l’attestation d’exonération de la retenue à la source aggravera ces difficultés et menacera la pérennité de ces entreprises, ce qui impactera négativement le secteur de distribution de médicaments et le système sanitaire tout entier.
La Tunisie compte 80 entreprises opérant dans le domaine de la distribution en gros des médicaments. Le secteur de la santé et le secteur pharmaceutique sont des secteurs vitaux pour le pays et devraient figurer en tête de liste des priorités des problèmes à résoudre. Comment est-il possible de vivre sans médicaments surtout pour les personnes qui ont des maladies chroniques ? Il est inadmissible de laisser un tel problème sans solution et de prendre le risque que les choses s’aggravent et prennent de l’ampleur surtout que le pays souffre d’une pénurie récurrente des médicaments.
Trois grandes multinationales ont pris la poudre d’escampette
Le problème principal de la crise du secteur est d’ordre financier, du reste décuplé par l’endettement continu de l’Etat. Récemment industrie pharmaceutique a été secouée par l’annonce de désinvestissement de trois grandes multinationales pharmaceutiques à cause des retards de paiement. Le syndicat avait déjà prévenu, depuis plusieurs années, quant à la gravité de la situation. Chose qui n’a pas été prise en considération bien sûr. « Depuis plus de six ans, le SEPHIRE a prévenu les autorités de santé tunisiennes qu’une grave crise du médicament risquerait de se produire si le gouvernement ne prenait pas des mesures courageuses, immédiates et concrètes, pour réviser dans son ensemble, le financement du secteur de la santé… Nous arrivons aujourd’hui à un niveau de pénurie de médicaments sans précédent… ».
L’Etat est déjà en dette avec la pharmacie centrale. Les impayés de la CNAM auprès de la PCT ont atteint 440 millions de dinars. La dette de la CNSS auprès des hôpitaux est énorme, vu qu’ils doivent à la PCT plus de 700 millions de dinars. Ce cercle vicieux d’endettement et d’impayés nuit considérablement au secteur pharmaceutique. Et puis le problème des grossistes répartiteurs est un parmi tant d’autres. L’exonération décide de la survie de ses sociétés qui risquent de déposer le bilan dans les prochains mois si aucun accord n’est trouvé et pire encore tout le pays risque de se retrouver sans médicaments puisque puisqu’il est bien entendu qu’aucun autre mécanisme ne peut assurer la distribution des médicaments aux pharmacies.
Leila SELMI