Un record ! Lors des élections législatives, 5,8% des jeunes ont voté. Le niveau d’abstention était de 94,2%. Cette abstention massive est révélatrice d’un nouveau rapport des jeunes à la politique, ceux-ci ne reconnaissant plus l’élection comme le moyen d’exercer leur citoyenneté. Ils seraient même prêts à tourner la page de notre démocratie représentative actuelle.
Si les jeunes participent de moins en moins à la vie politique traditionnelle, ils s’engagent néanmoins dans la vie de la cité. Mais ils aspirent à le faire autrement. Les jeunes sont dépolitisés, mais ils ne sont pas désengagés, Ils sont plus dans une logique individuelle sur le mode qui mieux que moi peut faire avancer ma cause.
Ils s’engagent plutôt dans des mouvements associatifs. Pour les jeunes d’aujourd’hui, les solutions ne se trouvent plus uniquement dans la sphère politique. Aujourd’hui, ces populations veulent être des citoyens, mais ne veulent pas forcément être électeurs. Avec les jeunes générations, il y a une remise en question de la figure des élus qui aboutit à une remise en question du vote lui-même. « Dans notre démocratie, les électeurs sont invités à choisir un candidat et un programme. Et ensuite, ils n’ont plus leur mot à dire. Pour les jeunes et les moins jeunes aujourd’hui, voter, c’est se faire confisquer sa voix. Le fait de manifester, de militer dans des associations, leur donne l’impression d’être beaucoup plus en capacité d’agir sur la société qu’à travers un vote. », explique Rafik, prof d’histoire
Les jeunes tournent de plus en plus le dos à la politique. Une tendance à la hausse qui s’observe d’élection en élection et même dans toutes les démocraties occidentales. Et une tendance qui est très inquiétante. Ils n’ont pas l’impression que les partis politiques sont la solution aux problèmes de la société. C’est le cas de Nadia, « Si je regarde un peu, je ne vois pas vraiment de candidats qui correspondent à ma façon de voir les choses. Alors je préfère ne pas voter. C’est une façon de signifier notre défiance à l’égard de la classe politique dans son ensemble, voire du jeu démocratique dans son principe ». « Ça ne sert à rien de voter. Tant que ça ne changera pas, moi je ne pense pas que ce soit nécessaire » souligne Hedi. Son ami Jalal préfère s’abstenir. « Je ne crois pas que mon vote va changer quelque chose. C’est une des raisons pour laquelle je ne voterai pas. »
L ‘abstention, un comportement électoral
Le droit de vote est l’une des prérogatives principales du citoyen dans un régime démocratique. Dans la mesure où le vote est défini comme la participation citoyenne à une élection libre et pluraliste L’abstention représente l’attitude inverse, autrement dit celle qui consiste pour le citoyen à ne pas exercer son droit de vote. L’abstention, qui constituait auparavant un acte isolé et individuel, tend à devenir un phénomène de plus en plus revendicatif et collectif. S’abstenir de voter consiste aussi à prendre position vis-à-vis des candidats, de l’élite dirigeante, de l’opposition et des valeurs que tous ces acteurs véhiculent. Mohammed raconte ne vivre que de petits boulots, payés une misère, malgré un diplôme de commerce. « Comment voter pour ces candidats qui n’ont rien fait pour nous ? interroge-t-il. On en a marre de leurs paroles » Sa réponse, ce sera donc l’abstention. Pour Samir, jeune cadre, « l’abstentionnisme est beaucoup plus lié à une indécision et à un sentiment d’inutilité du vote. Ce qui va profiter à certains candidats ». Haykel explique que « la loi électorale n’a pas permis aux jeunes de se présenter et surtout le parrainage qui les a poussés à se désintéresser de la politique ». Pour Héla, jeune institutrice, « la campagne souffre d’un manque d’enthousiasme. Outre la crise de confiance dans le personnel politique, les promesses à chaque fois non tenues des candidats, la dépolitisation qui touche particulièrement les jeunes, autant de facteurs qui encouragent l’abstention ». Yassine ajoute « L’indifférence des citoyens vis-à-vis des législatives et leur préoccupation par la cherté de la vie font planer le spectre de l’abstention » Fethi affirme que l’abstention pourrait aussi profiter, à un degré moindre, à certaines sensibilités politiques comme on l’a vu en Allemagne et au courant « antisystème» qui affûtent leurs armes. Pour Samir, jeune cadre, « l »abstentionnisme est beaucoup plus lié à une indécision et à un sentiment d’inutilité du vote. Ce qui va profiter à certains candidats ». Senda, étudiante en droit, veut du changement « je ne le vois pas arriver. Pour elle, les élections sont une pièce de théâtre »
Monia estime que l’abstention est le plus mauvais choix « il faut sensibiliser les gens pour aller voter au deuxième tour » dit –elle ! Mohamed partage son avis : « Ne laissez à personne le soin de parler pour vous, de crier pour vous. En allant voter, peut-être vous n’élirez pas le meilleur, mais vous arriverez à éliminer le pire. Que l’on considère l’abstention comme un acte politique ou comme relevant de la non politisation ou de la dépolitisation, l’amplification de ce phénomène pose un problème grave. Cette gravité tient au fait qu’une minorité décide finalement pour la majorité. Le vote est l’outil par excellence de faisabilité de la vie démocratique. Si les jeunes continuent de se désengager de cette action citoyenne, alors cela peut effectivement mettre en péril la solidité de la démocratie elle-même.
Kamel Bouaouina