Le 17 décembre, exprime-t-il le vrai sentiment des Tunisiens à l’encontre du processus du 25 juillet ? en tout état de cause, et au vu des résultats des législatives et du faible taux de participation jamais atteint depuis 2011, on est enclin de penser qu’il y a un certain ras-le-bol d’un manège qui se répète, avec des acteurs différents, alors que les problèmes restent les mêmes , sur le plan social et économique : un pouvoir d’achat qui se dégrade, face à une flambée des prix due à la pénurie des produits de base, la contrebande et la corruption y aidant.
Les nouveaux élus vont affronter ces problèmes, mais pas avec une baguette magique bien évidemment. On ne sait pas justement s’ils sont capables de les résoudre avec les moyens du bord certes, mais avec une volonté qui traduit les vraies doléances de ceux qui les ont élus et aussi de ceux qui ne les ont pas élus car ce qui compte c’est l’intérêt général. Cependant on se demande jusqu’où peut aller le nouveau parlement dans les résolutions destinées à procéder à des changements radicaux dans la politique socio-économique ?
Fin du régime d’exception avec le nouveau parlement
Il faut dire d’abord que ces élections marquent la fin du régime d’exception, une fois le parlement installé. Et bien qu’il ne s’agisse pas de pouvoir, mais de fonction législative, c’est le parlement qui fait l’équilibre entre l’exécutif et le législatif. Le Président de la République ne peut plus agir uniquement par décret-loi. Il est tenu, selon l’article 67 de la Constitution de soumettre des projets de lois alors que le parlement soumet des propositions de lois qui seront votées par les députés. Le Président de la République peut également soumettre certains projets de loi au référendum, à condition qu’ils ne soient pas contraires à la Constitution selon son article 97. Aussi le parlement peut-il agir contre le gouvernement, qui est nommé par le Président, par motion de censure. Ce sont donc les mécanismes nécessaires à créer un certain équilibre entre les pouvoirs, qui travaillent comme l’a si bien dit Montesquieu, « de concert ».
C’est pour cela qu’il ne faut pas d’ores et déjà désarmer et dire qu’étant donné le résultat des élections, c’est perdu d’avance. Il faut au contraire terminer le processus et voir ce que cela va donner. C’est en quelque sorte un pari de Pascal, car au point où on en est, on ne sera pas plus perdants.
Quant à ceux qui déplorent un fiasco électoral, ils en sont en partie la cause, étant donné qu’ils ont boycotté les élections, ce qui a influé sur les résultats. Leur réaction n’est pas innocente, car ils agissent dans un but purement politique. Ce sont les détracteurs de Kais Saied, qui lui reprochent d’accaparer le pouvoir depuis le 25 juillet 2021, et d’avoir pris des résolutions unilatérales par lesquelles il a abusé de son pouvoir. Le fait d’avoir limogé 57 juges à la fois sans aucune garantie de défense, constitue une ingérence et une atteinte à l’indépendance de la justice. Il y a aussi le fait d’avoir perms la traduction de certains civils devant la justice militaire, qui constitue une atteinte aux droits et aux libertés. Sans compter les décrets qu’il a promulgués, tels que le décret 54, qui est contraire aux principes de liberté consacrés par la Constitution. Toutefois, avec l’installation du Parlement, les décrets-lois deviennent en principe caducs, surtout si la Cour constitutionnelle est installée. Celle-ci aura la latitude de trancher entre autres, sur la constitutionnalité des décrets-lois, pris durant la période d’exception, dont notamment ledit décret 54. Toutefois, le Président de la République est habilité, en vertu de la Constitution, à prendre des décrets à caractère réglementaire, qui sont contresignés par le gouvernement.
Ce sont ces mécanismes qui sont contrôlés par le parlement et dormais par le Conseil des régions qui n’est pas encore installé, qui vont permettre de limiter en quelque sorte le pouvoir du Président de la République.
Députés inconnus au bataillon et boycott des élections
Quant aux nouveaux élus, on ne sait pas encore quelles sont leurs prédispositions ni même leur programme. Mais ce qu’on sait c’est qu’ils ont tenus de défendre les intérêts des citoyens et d’agir afin d’essayer de résoudre les problèmes actuels, évidemment en collaboration avec les autres institutions de l’Etat et sous le contrôle des citoyens qui ont désormais la latitude de les révoquer s’il s’avère qu’ils ont failli à leurs missions.
Faut-il affirmer, comme l’a fait le président du front du Salut national, Ahmed Néjib Chebbi, que c’est Kais Saied qui est responsable du Boycott ? Outre le fait que pratiquement ce sont, ce parti et bien d’autres tels que le parti destourien libre (PDL), qui sont la cause directe du boycott, il est inutile d’impliquer les citoyens dans une querelle politique, suscitée par ceux qui cherchent essentiellement à accaparer le pouvoir. Les citoyens quant à eux, cherchent à pouvoir subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles, dans une conjoncture sereine, dans laquelle tous leurs droits seront préservés.
Tout le reste n’est que verbiage inutile, car la chansonnette on la connaît : Entre les détracteurs de Kais Saied et tous ceux qui veulent courent derrière un fauteuil au parlement, le citoyen est ballotté. Et comme l’a affirmé le constitutionnaliste français Maurice Duverger, « depuis que les hommes réfléchissent à la politique, ils oscillent entre deux interprétations diamétralement opposées. Pour les uns, la politique est essentiellement une lutte pour le pouvoir, pour les autres un effort pour faire régner l’ordre et la justice ». C’est ce qui ne peut en aucun cas être réalisé par les tensions et les tiraillements mais par le dialogue, dans un but d’intérêt général et pour lequel, ceux qui y pensent ne courent pas les rues.
Peut-on dire que les jeux sont faits et les dés sont jetés ? Pour le moment au vu de la conjoncture actuelle, avec ceux qui contestent totalement le processus électoral, on ne peut encore se prononcer avec précision. Cependant, on peut d’ores et déjà affirmer qu’il est mis fin à la paralysie de l’un des piliers de l’Etat de droit à savoir le parlement qui était jusque-là en hibernation forcée. Pourvu que cela contribue à parfaire le processus démocratique tant sur la forme que sur le fond.
Ahmed NEMLAGHI